Un an de présidence pour Nicolas Sarkozy - Le «tsar-kozysme» est-il mort?

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Un an déjà que Nicolas Sarkozy a fait son entrée au palais de l'Élysée, point culminant d'une ascension fulgurante. Pendant la campagne présidentielle et déjà lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, le candidat Sarkozy s'est présenté en réformateur, en homme providentiel qui ferait bouger la France, ce que révélait d'ailleurs fort bien son slogan: «Ensemble, tout devient possible.» Un an après les promesses de renouvellement d'une France qu'il prétendait lui-même «sclérosée», le bilan du président paraît plutôt mitigé, fait de demi-mesures et d'atermoiements.
Sur le plan économique, Nicolas Sarkozy s'était engagé, entre autres, à stimuler la croissance, à réduire le déficit public et à accroître le pouvoir d'achat. Il a exempté d'impôt les heures supplémentaires et plafonné l'imposition des plus riches sans parvenir à diminuer les impôts et les charges sociales. La croissance, toujours trop faible, a laissé peu de marge de manoeuvre à un État toujours colbertiste, endetté et remorqué par une fonction publique allergique à toute «rigueur» budgétaire. Sarkozy a évité le pire avec la grève des cheminots, mais la réforme des régimes sociaux reste un champ miné.
Bilan social
Sur le plan social, les tentatives d'apaisement des banlieues ont contourné les racines du malaise social, les prisons françaises débordent, des politiques migratoire et criminelle plus «musclées» ont été adoptées et Rachida Dati, dépêchée à la Justice, tente de forcer la main à une organisation judiciaire qui résiste aux plans gouvernementaux de modernisation.
Sarkozy s'est éloigné du républicanisme français en parlant d'épuisement de la «laïcité française» au Vatican et en souhaitant inscrire la discrimination positive dans la Constitution française. Faute de pouvoir rénover l'État, Sarkozy a voulu rénover le fonds doctrinal national afin de déstabiliser ses adversaires de gauche. Cependant, l'entrée de personnalités de gauche au sein du gouvernement, politique dite d'ouverture, a mécontenté sa base électorale et donné des résultats peu probants.
Sa politique extérieure a à peine redoré un maigre bilan intérieur. Ignorant tout appel au référendum, il a fait approuver par sa majorité une version remodelée du projet de constitution européenne et s'est satisfait d'un projet moins ambitieux d'Union méditerranéenne. Atlantiste, il a ouvert la porte à une possible réintégration de la France au sein de l'OTAN sans révolutionner la doctrine nucléaire française. De l'année écoulée, on retiendra son pro-américanisme affiché, ses inélégances diplomatiques au G8 ou auprès de la chancelière Angela Merkel ainsi que son voyage-surprise au Tchad dans l'affaire de l'Arche.
L'équilibre brisé de l'exécutif
La présidence de Sarkozy s'est démarquée par une hyper-présidentialisation de la fonction gouvernementale. Certes, en période majoritaire, Matignon sert l'Élysée, mais Sarkozy a vite fait d'anéantir la faible autonomie du premier ministre, déjà réduite par l'arrivée du quinquennat. Depuis un an, le premier ministre a été éclipsé, voire court-circuité par le président et ses conseillers «invisibles».
Signe des temps, le budget de l'Élysée a triplé et le salaire présidentiel a été «rajusté». Sans compter que les recommandations du comité Balladur sur la modernisation des institutions proposent entre autres de rehausser, dans la Constitution, le président aux dépens du premier ministre.
Autre source d'affaiblissement, l'UMP n'est plus, comme en 2002, une coalition mais davantage un parti discipliné au service du président. Même si le style du chef de l'État fait plus présidentiel, en réalité le régime semble plutôt se «parlementariser», ce que prouve d'ailleurs la volonté présidentielle de changer la Constitution pour pouvoir s'adresser directement au Parlement, introduisant ainsi une logique de responsabilité du président devant le Parlement qui porterait ombrage au premier ministre.
Mais ces derniers temps, la fonction présidentielle a perdu de son lustre, François Fillon gagnant une popularité que Sarkozy n'a pas su conserver, signe, peut-être, que les Français demeurent attachés au rôle du premier ministre et que, finalement, le sarkozysme a une certaine limite. Cette récente impopularité du président l'obligera peut-être à ménager sa majorité, renforçant ainsi l'autorité du premier ministre. Reste à voir si Sarkozy saura tolérer longtemps un premier ministre trop populaire et qui demeure toujours, entre les périodes de cohabitation, un fusible éjectable.
Le «star-kozysme»
La couverture sensationnaliste des grands médias à l'endroit du président a marqué l'année. Jamais auparavant avait-on assisté à un tel spectacle, le président jouant davantage le rôle d'un monarque à la lady Di que celui d'un monarque républicain.
Traditionnellement, les présidents aimaient bien jouer le rôle d'un Louis XIV à saveur moderne, prenant toutefois soin de préserver jalousement leur vie privée. Rien de tel avec Sarkozy, qui a étalé sa vie amoureuse, sans oublier ses voyages mondains à l'étranger et ses prises de bec survoltées. Cette transformation du cadre médiatique est d'autant plus surprenante que même des médias de référence comme Le Monde ont délaissé les affaires de l'État au profit d'une couverture sensationnaliste de la présidence.
S'agit-il d'une stratégie savamment orchestrée par son équipe de communication? Chose certaine, le président a sans doute lui-même alimenté la nouvelle en jouant à confondre sa magistrature présidentielle avec le rôle de vedette médiatique, occasion en or que les grands médias n'ont pas manqué d'exploiter.
Toutefois, cette stratégie s'est vite retournée contre le président; aux dernières élections municipales, les Français ont signifié à Sarkozy qu'ils n'appréciaient guère un tel abaissement de la fonction présidentielle. Déjà, le style de Sarkozy a changé: interventions plus rares, plus de flegme et de hauteur, au premier ministre le soin d'annoncer les mauvaises nouvelles. Sarkozy endosse l'habit de Mitterrand, dit-on à l'Élysée. Le tsar-kozysme est-il déjà mort?
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Antonin-Xavier Fournier, Professeur de science politique au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu
Marc Chevrier, Professeur au département de science politique de l'UQAM

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Professeur au département de science politique de l'UQAM - Docteur en science politique, Marc Chevrier collabore régulièrement à L'Agora depuis plusieurs années. Il a publié divers articles sur la justice, la culture politique au Québec et au Canada et sur la réforme de l'État.





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