L'opinion de Bernard Landry #57

Les unions...

Le Québec, et c'est à son honneur, a établi la législation syndicale la plus avancée de notre continent.

L'opinion de Bernard Landry


"Qu'ossa donne?", suivant le classique trait d'humour "anti-syndical" au second degré du génial Yvon Deschamps. Une réponse simple et sans humour: très généralement le meilleur, exceptionnellement le pire. Ce dernier étant particulièrement mis en lumière par certains événements de l'actualité.
Dans tous les pays démocratiques, la syndicalisation est un des premiers facteurs de répartition de la richesse. Même le gouvernement communiste chinois l'a rendue obligatoire il y a quelques années, pour tenter de rendre plus juste son économie maintenant largement capitaliste. Le fond des choses étant qu'il faut un contrepoids puissant à ceux qui décident de la rémunération et des conditions de travail de leurs semblables. Normalement, les compagnies sont portées à garder pour elles et leurs actionnaires la part la plus grande de leurs bénéfices. Les syndicats sont là pour augmenter ceux versés aux salariés. C'est dans l'équilibre que s'établissent des relations équitables et socialement acceptables.
Même les non-syndiqués profitent de l'action syndicale car elle tend à améliorer les conditions de travail dans l'ensemble de l'économie. Un patron dont les salariés ne sont pas syndiqués et dont l'usine est voisine de celle d'une entreprise qui l'est, doit forcément s'ajuster s'il veut garder ses meilleurs employés et sauvegarder une image acceptable. Ainsi les syndicats rendent service à tout le monde.
L'affaiblissement progressif des syndicats aux États-Unis est grandement responsable du piteux état dans lequel se retrouve aujourd'hui leur capitalisme. Au cours des vingt dernières années, l'essentiel des richesses créées dans ce pays s'est concentrée entre les mains d'une poignée de riches et de super-riches. Il y a trente ans, le salarié moyen gagnait trente fois moins que son patron, ce qui pouvait être acceptable, aujourd'hui, il en gagne trois cents fois moins! Ce qui est proprement scandaleux. Un honnête ingénieur gagne quatre-vingt mille dollars par année et son patron, vingt-quatre millions. Un système ne peut pas survivre longtemps de façon efficace à de telles iniquités.
Une bonne vigilance syndicale est donc salutaire pour l'économie de marché elle-même. En effet, quand les salaires américains ont cessé d'augmenter proportionnellement à la prospérité générale, "les génies" ultra-libéraux de la finance ont trouvé un moyen vicieux pour maintenir la croissance: l'endettement des salariés. Si on les avait tout simplement mieux payés, c'est leur vrai pouvoir d'achat qui aurait soutenu l'économie, et non pas leur faramineux endettement qui a fini par la tuer.
Une des meilleures façons de soutenir la croissance c'est d'en repartir équitablement les bienfaits et l'on peut compter sur des syndicats forts pour contribuer à le faire. C'est une des raisons pour lesquelles l'écart entre les riches et les pauvres est moins grand au Québec que partout ailleurs en Amérique. Cela n'est d'ailleurs pas étranger au fait que nous sommes moins touchés par la crise qu'à peu près tous les autres. Ces faits doivent porter à la réflexion ceux qui prétendent aider l'économie de marché en prêchant l'anti-syndicalisme.
Ce qui ne veut pas dire que l'on doive sombrer dans une sorte de religion syndicale en imitant les excès de zèle des ultra-libéraux. Les syndicats n'ont pas toujours raison, et les patrons privés ou publics n'ont pas toujours tort. Solidarité, oui -so! so! so!- mais ce n'est pas un devoir d'être solidaire de demandes insensées ou d'attitudes immobilistes butées qui empêchent l'économie d'évoluer. Cela est encore plus évident lorsque une action syndicale est teintée de banditisme, d'abus de pouvoir, voire de tyrannie.
Le Québec, et c'est à son honneur, a établi la législation syndicale la plus avancée de notre continent. Même Obama songe à s'inspirer de nous. Pour cette raison, précisément, à cause de ce statut exemplaire que notre nation leur a sagement donné, nos syndicats doivent, tout en servant leurs membres, penser à leur devoir envers la société. Y compris quand des changements à nos lois, qui pourraient désavantager certains d'entre eux, sont nécessaires dans l'intérêt général, ce qui semble être le cas présentement.
Les syndicats ont d'ailleurs servi l'ensemble du Québec à plusieurs reprises et nous devons à leur appui, et parfois à leur inventivité, plusieurs de nos grandes réalisations collectives. Aucun errement, réel ou présumé, ne doit entacher une telle contribution. Ce qui arrive à la FTQ-Construction et qui éclabousse l'ensemble de cette grande centrale, est un malheur collectif. C'est le devoir des travailleurs, des dirigeants syndicaux, et de l'État, de faire éclater toute la vérité et de prendre les mesures correctrices qui s'imposent. Ne laissons jamais le pire gagner dans notre grand chantier collectif.
Bernard Landry


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