McGill se tient debout

McGill - un corps étranger



Bravo à l'Université McGill pour sa décision courageuse de refuser la subvention de Québec pour son MBA régulier! Combien de temps une compagnie peut-elle survivre si elle vend son produit moins cher qu'il ne coûte en vue d'augmenter ses ventes? C'est exactement ce qui se passe dans les universités présentement.
Il est important de bien comprendre les enjeux ici. Certains voudraient nous faire croire que l'accessibilité aux études supérieures en est un. Il n'en est rien. La réduction de la qualité n'en est pas un non plus: aucune institution ne l'envisage vraiment. On s'en sert comme épouvantail, mais personne n'est dupe.
Devant la constatation du déficit, il n'y a qu'une alternative. On peut soit payer les coûts non couverts en prenant les subventions destinées à d'autres programmes, soit réduire le financement de la recherche dans le département concerné. Le premier choix implique de transférer une partie du problème à une autre unité qui serait un peu moins sous-financée; le second, plus pernicieux, consiste à brader l'avenir à long terme de l'unité pour financer ses activités courantes. En effet, la dépense principale de ces deux fonctions est dans une même enveloppe, la «masse salariale».
Formule de financement
Prenons l'exemple de l'informatique. Pendant des années, la formule de financement a favorisé ce domaine, parce qu'elle est strictement basée sur le nombre d'étudiants accueillis dans les cours. Cette formule est de type «économie vaudou», une expression popularisée durant les années Reagan. Elle est basée sur la croyance selon laquelle donner un cours à 15 étudiants coûte deux fois moins cher que de le donner à 30 étudiants; on octroie les fonds en conséquence! Pour justifier que les coûts observés soient politiquement acceptables, on a éliminé du calcul la moitié des institutions, soit toutes les constituantes régionales de l'Université du Québec et Bishop's! Belle rigueur scientifique!
Dans certaines universités, on a utilisé les sommes destinées à l'informatique pour permettre à d'autres départements de survivre au sous-financement. La première conséquence a été pour l'informatique de tarder à bien s'établir en recherche dans ces institutions. Quand est survenue la baisse des inscriptions dans ce domaine au début des années 2000, une baisse généralisée en Amérique du Nord, le ministère de l'Éducation a révisé sa formule et a coupé les vivres à l'informatique, pour que les fonds cessent de financer d'autres domaines.
Dans le jargon du ministère, cela a eu pour effet que l'informatique «tire vers le bas» le financement du génie informatique, que l'on voulait amalgamer aux autres domaines du génie bien qu'il soit l'exact équivalent de l'informatique en matière de coûts. Maintenant, la situation est donc inversée, et l'informatique doit être subventionnée par les autres domaines si elle veut survivre jusqu'à la prochaine révision des taux de subventions. On joue au yo-yo avec le financement des disciplines pour des impératifs politiques.
Indépendance
Quelle décision McGill a-t-elle prise? Elle a décidé de ne pas se laisser prendre au jeu. Elle a refusé d'aller piger dans les subventions des autres programmes et a aussi refusé de brader sa fonction recherche pour subventionner l'enseignement. McGill n'est pas un joueur comme les autres dans le groupe des universités québécoises. Elle a l'habitude d'agir seule, ce qui lui est d'ailleurs souvent reproché.
C'est sans doute la seule université au Québec assez indépendante pour prendre une telle décision, les autres étant trop emportées par la spirale de la fausse compétition, et préférant se draper dans la qualité et l'accessibilité, qui ont finalement peu à voir dans ce débat.
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Jean Goulet - Professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Sherbrooke. L'auteur s'exprime ici à titre personnel.


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