Meunier, tu dors!

Que le degré de difficultés soit très élevé ne devrait pas être une raison pour le gouvernement Charest de baisser les bras.

La minorisation politique du Québec au Canada

Le poids politique du Québec ne cesse de décroître au Canada. Alors que 36 % des sièges de la Chambre des communes lui revenaient en 1867, cette proportion n'est plus que de 24 % aujourd'hui, et elle passera à 22,7 % lors de la prochaine modification de la carte électorale fédérale.
Cette marginalisation du Québec est une réalité inéluctable, pourrait-on croire, puisque celle-ci est reliée au poids démographique du Québec qui ne cesse de décroître. Néanmoins, il faut s'en inquiéter, ce qu'ont fait les élus de l'Assemblée nationale la semaine dernière en demandant à la Chambre des communes de surseoir à l'adoption du projet de loi C-56 que vient de déposer le gouvernement Harper pour modifier les modalités de révision décennale de la carte électorale.
Le dépôt de ce projet de loi offre une occasion de refaire le débat sur la place réservée au Québec dans les institutions fédérales. Avant qu'il ne soit trop tard, il faudrait que lui soit garantie une représentation minimale fixée à 25 % des sièges, comme cela a été envisagé dans l'accord de Charlottetown. Présentement, le Québec est assuré tout au plus de conserver ses 75 sièges.
Pour peu que les Communes le veuillent, il serait possible d'accorder par la loi C-56 cette garantie de 25 % des sièges réservés au Québec. Même si la Constitution prévoit que la répartition des sièges se fait selon le principe de la représentation proportionnelle, la Cour suprême a statué en 1985 que des aménagements étaient possibles pour tenir compte de réalités politiques et géographiques. Ainsi, l'Île-du-Prince-Édouard dispose de quatre sièges au lieu d'un et demi si la règle de la proportionnalité pure était appliquée. Plusieurs petites provinces et les territoires jouissent ainsi d'une sur-représentation.
Est-ce possible? Doutons-en car le reste du Canada n'a toujours pas le coeur à accorder au Québec quelque forme de privilège que ce soit. Le gouvernement Harper prendrait un risque politique important en accédant à une telle demande. Cela explique probablement l'hésitation qu'a eue le premier ministre Jean Charest à appuyer la motion de l'Assemblée nationale demandant aux Communes de ne pas adopter le projet de loi C-56 dans sa forme actuelle.
Que le degré de difficultés soit très élevé ne devrait pas être une raison pour le gouvernement Charest de baisser les bras. S'il a appuyé la résolution proposée par l'ADQ et le PQ, il n'entrevoit pas en revanche faire d'autres gestes. Son ministre Benoît Pelletier évoque tout au plus le fait d'ajouter la question de la représentation du Québec au sein des institutions fédérales à la liste des revendications futures du Québec.
À quand ces revendications? À cette question, on n'a d'autre refrain que «le fruit n'est pas mûr» pour des discussions constitutionnelles. Or, ce fruit, loin de mûrir, est plutôt en train de sécher. Et pendant ce temps, le gouvernement Harper prend diverses initiatives, comme ce projet C-56 ou encore en amorçant une réforme du Sénat sans se soucier de l'avis des provinces. Comme dans la chanson, le meunier semble s'être endormi à Québec. Cela est dangereux.
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bdescoteaux@ledevoir.ca


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