Mettons-nous un instant dans la peau d'un anglophone de Calgary ou de Vancouver. Pas un "redneck", mais un anglo raisonnable. On lui apprend que le Québec s'oppose au bill C-56 qui veut ajouter 22 circonscriptions dans l'Ouest et en Ontario à cause de la hausse démographique dans ces provinces. Mario Dumont, la nouvelle coqueluche des Québécois autonomistes, a enfourché ce cheval de bataille mardi, dans la foulée de Gilles Duceppe à Ottawa. Prétexte invoqué : le poids de la nation québécoise dans la fédération canadienne sera diminué.
Mettons-nous deux minutes dans la peau de cet anglo raisonnable : les souverainistes veulent se séparer du Canada, les autonomistes veulent prendre leurs distances, mais ils demandent de maintenir leur influence au Parlement fédéral. Même Jean Charest est d'accord avec eux ! Cherchez l'erreur!
Je sais bien que ça n'est pas aussi simple. Qu'à titre de peuple fondateur et maintenant de nation reconnue par le Parlement fédéral, le Québec a droit à un statut distinct au sein de la fédération canadienne. Mais il y a tout de même des choses qu'aucun politicien fédéral, aussi populaire soit-il, ne peut espérer faire accepter dans les autres provinces.
Le projet de loi C-56 du gouvernement Harper n'a rien de bien nouveau. Le gouvernement fédéral est tenu, comme ceux des provinces, de revoir la carte électorale du pays après chaque recencement, afin d'ajuster les circonscriptions aux changements démographiques. À titre de peuple fondateur, le Québec jouit d'une garantie constitutionelle : nous n'aurons jamais moins de 75 députés aux Communes d'Ottawa, même si notre population devait diminuer. Mais le vieux principe "une personne, un vote" commande que l'on augmente le nombre de circonscriptions, donc de députés, dans les parties du pays qui connaissent une grande croissance démographique. C'est d'ailleurs le même principe qui force actuellement le Québec à revoir sa carte électorale, au grand dam des régions comme la Gaspésie ou le Bas-du-Fleuve, qui craignent de voir leur représentation diminuée à l'Assemblée nationale. Au Québec, seules les Îles-de-la-Madeleine, en raison de leur éloignement, bénéficient d'une exemption statutaire qui leur garantit un député, même si la population de 10 586 habitants est très loin de la moyenne québécoise de 45 000 électeurs par circonscription.
Sur la scène fédérale, il est tout à fait normal que les provinces, dont la population est à la hausse, voient leur représentation aux Communes augmenter. C'est d'ailleurs une obligation en vertu de l'article 42 de la Constitution, qui établit le principe de la représentation proportionnelle des provinces. Violer ce principe mènerait tout droit à une cause en Cour suprême qui ne pourrait que reconnaître l'illégalité du geste.
À l'initiative du PQ, l'Assemblée nationale a adopté hier une motion pour s'opposer au bill C-56 du gouvernement Harper. Une motion qui n'ira nulle part, et ne fait que positionner le Québec en vue d'une éventuelle reprise des négociations constitutionnelles.
Là où l'Assemblée nationale a eu raison d'intervenir, hier, c'est sur le projet du gouvernement Harper d'aller de l'avant avec l'élection des sénateurs. Voilà une intention qui va à l'encontre du rôle et du fonctionnement du Sénat, et qui ne peut être appliquée que dans le cadre d'une entente avec les provinces.
Pour le reste, on pourra toujours réclamer plus de députés québécois à Ottawa, mais c'est impossible dans le cadre constitutionnel actuel. Mario Dumont, qui a lancé la question mardi en Chambre, ne pourra faire mieux s'il prend le pouvoir. En attendant, il pourrait toujours convaincre les Québécois de faire plus de bébés, et se montrer plus ouverts aux accommodements raisonnables pour attirer plus d'immigrants!
Dans la peau d'un anglo
Je sais bien que ça n'est pas aussi simple. Qu'à titre de peuple fondateur et maintenant de nation reconnue par le Parlement fédéral, le Québec a droit à un statut distinct au sein de la fédération canadienne. Mais il y a tout de même des choses qu'aucun politicien fédéral, aussi populaire soit-il, ne peut espérer faire accepter dans les autres provinces.
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