Moins de psys dans les écoles

Cette baisse inquiète, car le nombre d’enfants en difficulté est en hausse au Québec

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Les Libéraux sont en train de compromettre l'éducation de nos enfants






Les psychologues s’inquiètent de voir qu’ils sont de moins en moins présents dans les écoles du Québec depuis 10 ans, alors que les besoins des élèves explosent.




«C’est une tendance qui m’inquiète: il y a très peu de psychologues qui travaillent à temps plein dans les écoles», déplore Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. Comme plusieurs, elle constate un «appauvrissement» du service et croit que tous les enfants qui en auraient besoin devraient y avoir accès.




Des chiffres diffusés sur le site du ministère de l’Éducation le 7 novembre révèlent que l’équivalent de 686 psychologues étaient embauchés à temps plein par des commissions scolaires au Québec en 2014-2015, soit 58 de moins qu’en 2005-2006.




En revanche, le nombre d’orthopédagogues et de psychoéducateurs n’a cessé de croître pendant cette période, notamment parce que le nombre d’élèves en difficulté a bondi.




Pas le temps d’intervenir




Plusieurs facteurs expliquent que le nombre de psychologues n’ait pas suivi cette tendance, notamment parce qu’il est difficile d’en recruter.




En effet, les conditions salariales sont plus intéressantes dans le privé, souligne Josée Lajoie­­, présidente de l’Association québécoise des psychologues scolaires.




Elle aussi s’inquiète de voir le nombre de ses collègues diminuer, alors qu’ils seraient pourtant bien placés pour aider les enfants.




«On peut prendre l’exemple de l’anxiété, qui peut se traiter assez rapidement, abonde Mme Grou. L’enfant va développer des maux de ventre, des phobies, ne plus aimer l’école. Tout ça peut être évité», dit-elle.




Or, les psychologues scolaires ont rarement le temps de faire ce genre de suivi parce qu’en général ils sont cantonnés dans le rôle d’évaluateurs afin d’obtenir un code pour les enfants qui ont des besoins particuliers, observe Tina Montreuil­­, chercheuse à l’Université McGill.




Ces codes permettent ensuite aux écoles de recevoir du financement supplémentaire, selon les troubles décelés.











Tina Montreuil, Université McGill




Photo courtoisie


Tina Montreuil, Université McGill







«Snobé»




«Quand on est rendu à faire une quatrième évaluation pour un même enfant, on n’est pas en train d’aider l’élève. On ne fait qu’aider l’école à garder son financement», déplore une doctorante en psychologie de la région de Montréal qui a préféré taire son nom afin de ne pas nuire à son emploi, elle qui vient tout juste d’être embauchée par une commission scolaire.




Ce rôle limité est d’ailleurs une des raisons qui fait qu’après sept ans d’études, le scolaire est peu attrayant. «Moi-même, j’ai snobé le scolaire au début. [...] On sait que notre potentiel ne sera pas utilisé à son maximum», dit la jeune femme.



D’autres professionnels en hausse




Contrairement aux psychologues, le nombre d’orthophonistes et de psycho­éducateurs a bondi dans les commissions scolaires en 10 ans. Malgré cela, ces professionnels peinent à satisfaire à la demande, selon les syndicats.




Le nombre d’orthophonistes, qui traitent notamment les enfants ayant un trouble du langage, et celui d’orthopédagogues, qui aident les enfants avec des difficultés d’apprentissage, ont en effet augmenté d’environ 60 % depuis 2005-2006.




Quant aux agents de réadaptation et aux psychoéducateurs, leur nombre a grimpé de 47 %. En 2014-2015, ils étaient près de 1000 à œuvrer dans les commissions scolaires.




Explosion des cas difficiles




«Oui, il y a eu une augmentation, mais pas aussi rapide que l’augmentation des besoins», dit Johanne Pomerleau, de la Fédération des professionnels de l’éducation, qui rappelle que les besoins étaient criants en 2005 et qu’ils n’ont cessé de croître depuis.




Le nombre d’élèves en difficulté a en effet augmenté de 29 % en 10 ans et certaines catégories de troubles ont explosé. C’est le cas des enfants souffrant d’un trouble du spectre de l’autisme, dont le nombre a augmenté de 410 % entre 2001 et 2012.




De plus, rien ne garantit que ces professionnels donnent tous des services directs aux élèves, souligne Josée Scalabrini,­­ de la Fédération des syndicats enseignants. «Ces professionnels ajoutés, c’est pour donner des services directs aux élèves ou pour remplir des formulaires de validation de clientèle?» s’interroge-t-elle.




Doctorat exigé




Reste que pendant ce temps, le nombre de psychologues n’a pas suivi.




«On a vu une différence dans le recrutement depuis que le doctorat est exigé», explique Caroline Lemieux, porte-parole de la Fédération des commissions scolaires. En effet, avant 2006, une maîtrise suffisait pour devenir psychologue.




À cela vient s’ajouter le fait que les psychologues du milieu de la santé avaient droit à une prime salariale à laquelle­­ n’avaient pas droit les psychologues scolaires, ce qui en a incité beaucoup à choisir le milieu hospitalier, parmi­­ ceux qui s’orientaient vers le public­­.




La situation pourrait s’améliorer dans les prochaines années, puisque les psychologues­­ ont récemment eu droit à une prime équivalente, rappelle Mme Lemieux.




De toute façon, les commissions scolaires­­ arrivent à pallier le manque en faisant appel à d’autres types de professionnels, assure Mme Lemieux.



La pénurie pire dans certaines régions




La pénurie de psychologues dans les écoles est une réalité encore plus criante dans certaines régions­­ du Québec, si bien que le ratio est parfois d’un psy pour 2600 élèves.




C’est notamment le cas à Val-d’Or, en Abitibi, où il n’y a que deux psychologues pour les 5170 élèves de la commission scolaire de l’Or-et-des-Bois.




«On ne peut pas faire de suivi psychologique. Si on était plus nombreux, peut-être. Mais là, on parle d’un psychologue pour près de 3000 élèves», indique la psychologue Caroline Bisson.




Ce ratio est presque deux fois plus bas que pour l’ensemble du Québec, où il y a l’équivalent d’un psychologue pour 1260 élèves. À titre comparatif, l’Association américaine de psychologie scolaire recommande que le ratio ne dépasse pas 1 pour 700.




«Il faut être créatifs», résume­­ Mme Bisson. Car, contrairement à la plupart de ses semblables, elle ne passe­­ pas la majeure partie de son temps à faire des évaluations, mais à former les enseignants. «On ne donne pas de recettes, mais on tente­­ de les outiller.»




La commission scolaire avoue qu’elle aimerait embaucher un troisième psychologue, mais elle dit avoir des «difficultés de recrutement et de rétention», expli­que Caroline Neveu. L’administration a donc embauché un psychoéducateur à la place.




Remplacer le psy




Ce choix est répandu, observe­­ Tina Montreuil, de l’Université McGill.




Plusieurs commissions scolaires vont préférer avoir plus de psychoéducateurs parce que leur salaire est plus bas, même s’ils ont moins d’expertise, une preuve que le potentiel du psychologue est mal compris, estime-t-elle.




«Le rôle du psychologue scolaire doit être révisé», surtout pour faire plus de prévention en santé men­tale, insiste Mme Montreuil.




D’autant plus que le Qué­bec­­ est en retard par rapport au reste du Canada sur cette question, note-t-elle.



NOMBRE DE PROFESSIONNELS




En équivalent à temps plein dans les commissions scolaires du Québec




Psychologues



  • 2005-2006 : 746

  • 2010-2011 : 707

  • 2014-2015 : 686




Orthophonistes





  • 2005-2006 : 344

  • 2010-2011 : 408

  • 2014-2015 : 563




Orthopédagogues





  • 2005-2006 : 242

  • 2010-2011 : 310

  • 2014-2015 : 388




Psychoéducateurs





  • 2005-2006 : 682

  • 2010-2011 : 813

  • 2014-2015 : 984





Source : ministère de l’Éducation







 



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