Northern Gateway pourrait être l’occasion de préciser le droit autochtone

L’obligation constitutionnelle de consulter les Premières Nations est entourée de brouillard

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Pour la bonne et simple raison qu'elle n'existe pas

Bien avant que le cabinet du premier ministre Stephen Harper approuve le projet d’oléoduc Northern Gateway cette semaine, certains estimaient déjà que le gouvernement n’avait pas suffisamment écouté les Premières Nations.

La grande part de l’obligation constitutionnelle de consulter a été laissée à Enbridge, l’entreprise responsable du projet, et à un comité spécial qui s’est penché sur ses impacts environnementaux, ce qui n’a pas manqué de provoquer des critiques.

Des interrogations planent sur ce devoir du gouvernement canadien, qui pourrait être façonné par les poursuites que le projet d’oléoduc suscitera.

Un devoir transférable

Même si une section de la Constitution protège les traités et les droits autochtones, c’est seulement depuis 2004, grâce à une décision de la Cour suprême, que les gouvernements ont l’obligation légale de consulter les peuples autochtones sur les dossiers qui pourraient les toucher.

« Avant cela, le gouvernement pouvait toujours décider de l’importance de consulter ou non selon les cas », explique le professeur de droit Dwight Newman, de l’Université de la Saskatchewan, qui dirige la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones dans le droit constitutionnel et international.

Ce devoir s’applique maintenant lorsque la Couronne envisage de faire quelque chose qui pourrait avoir un impact négatif sur les intérêts autochtones.

Le devoir de consulter n’accorde cependant pas un droit de veto aux Autochtones : le gouvernement n’a aucunement l’obligation d’accéder à leurs demandes pour qu’un projet aille de l’avant. « Même si le juge considère que le gouvernement n’a pas bien “accommodé” les communautés, il n’interférera pas, à moins qu’il y ait eu une erreur manifeste et prépondérante », explique Tom Isaac, un associé du cabinet d’avocats Osler, Hoskin Harcourt LLP, qui pratique le droit autochtone. « Ce n’est pas facile de renverser les plans du gouvernement, tant qu’il agit de bonne foi, avec honneur et raisonnablement. »

Alors que le devoir de consulter ne s’applique qu’à la Couronne, une part de cette responsabilité peut être déléguée à des tierces parties, comme des entreprises. Mais dans quelles proportions exactement ? Ce n’est pas clair.

Souvent, comme ce fut le cas pour Enbridge et son projet Northern Gateway, les entreprises amassent de l’information et organisent des réunions avec les communautés autochtones.

« Dans plusieurs cas, l’approche du gouvernement est de laisser aux compagnies faire le travail de terrain, après quoi il décide s’il doit en faire plus », affirme Robert Janes, un avocat de Victoria, en Colombie-Britannique, spécialisé dans les enjeux autochtones.

Inadmissible

Cela a créé une tension entre les Premières Nations et Ottawa. « Je trouve cela inadmissible que le gouvernement pense en quelque sorte qu’il peut façonner et passer à d’autres ses obligations légales de s’asseoir avec les Premières Nations, de s’y intéresser, de les consulter », juge Jody Wilson-Raybould, la chef régionale pour la Colombie-Britannique de l’Assemblée des Premières Nations.

Sans surprise, le gouvernement n’est pas de cet avis. Une ordonnance du cabinet publiée jeudi stipule que la Couronne a rempli son devoir de consulter en se fiant au travail d’un comité d’évaluation mixte, mis sur pied pour évaluer l’impact environnemental de l’oléoduc et mener des « consultations additionnelles ».

Les procès qui pourraient découler de Northern Gateway pourraient finir par répondre à des questions en suspens sur ce devoir de consulter, croit Ken Coates, un expert sur les questions autochtones de l’Université de la Saskatchewan. « C’est un projet à si grande échelle et il y a tellement en jeu qu’on est presque certain qu’il y aura non seulement des litiges, mais aussi des décisions qui feront jurisprudence. »


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