Notes sur la dissolution du monde (dde.crisis)
Le numéro du 10 septembre 2011 de dde.crisis a comme sujet “la dissolution du monde”. Le traitement de ce sujet concerne un mouvement puissant et systématique de fragmentation qui affecte la constitution formelle du monde.
Nous considérons que, sous la poussée à la fois de politiques très violentes (notamment ce que nous désignons comme la “politique de l’idéologie et de l’instinct” du système de l’américanisme) et des crises endémiques qui en furent l’effet partiel, a existé d’abord un très rapide mouvement de déstructuration, séparant et affaiblissant les diverses structures politiques, sociales et économiques existantes, et affaiblissant d’autant la structuration des psychologies elles-mêmes. Cette phase en tant que telle s’est terminée en 2008-2009, cédant la place à une nouvelle phase où la dynamique de déstructuration est renforcée, “doublée” en quelque sorte, par un mouvement de fragmentation et d’atomisation de ces structures déjà elles-mêmes en crise. C’est ce que nous nommons le mouvement de dissolution.
Nous citons dde.crisis (autres citations, également extraites du numéro, sauf lorsqu’il en en est précisé autrement) :
«L’été 2011 nous a confirmé dans l’assurance que nous nous trouvions dans ce que nous pourrions nommer un “cycle crisique”, avec l’intégration d’une structure crisique, – l’existence structurelle de crises permanentes, – et d’une dynamique de chaîne crisique, – l’existence de forces conduisant à la prolifération des crises selon des processus de communication et autres phénomènes soft ne nécessitant pas de violence ou de désordres selon l’entendement coutumier de ces termes ; ou bien, parlerions-nous de “violences” ou de “désordres” de ces types nouveaux qui nous correspondent bien, que ce soit la flambée nihiliste de violence barbare au Royaume-Uni, que ce soit l’extraordinaire mouvement des “indignés” israéliens, inspiré du “printemps arabe” et des divers cas européens du domaine (Espagne, Grèce).
»Ce qui nous a paru évident comme constat intuitif, et qui soutient évidemment notre réflexion, c’est le lien qu’il faut établir entre tous ces mouvements, flambées, crises classiques ou pas, etc. Aujourd’hui, plus rien ne peut plus être séparé de rien ; il y a là une logique mondiale en marche, sorte de globalisation retournée contre les instigateurs-Système de la chose ; et une logique mondiale qui ressort d’une crise générale de civilisation, ou de notre contre-civilisation pour mieux dire, donc qui constitue une attaque frontale contre le Système...»
Plutôt GC3 que GDFC2
Dans un Faits & Commentaires du 4 août 2011, nous présentions des acronyme nouveaux pour définir l’état des crises que nous enregistrions à cette période de juillet-août 2011. Ces acronymes, avec leur signification, permettent évidemment de résumer l’essentiel de notre appréciation du phénomène que nous tentons de décrire.
«[A]ffutons nos acronymes…GFC2 n’est pas GFC2, mais bien GCC tout court, sans numérotation, – pour “Great Civilisationnal Crisis” (ou in French, les deux acronymes correspondant pour une fois, “Grande Crise Civilisationnelle”) ; ou encore, si l’on préfère la sophistication, GCCC (“Grande Crise de la Contre-Civilisation”, ou “Great Counter-Civilization Crisis”).» (Entretemps, nous avons précisé que GCCC pouvait être également énoncé, d’une façon acronymique marquante, comme GC3.)
Ce que nous constations dans le Faits & Commentaires cité, c’était une intégration de toutes les crises, souvent différentes et portant sur des domaines différents, en une grande crise générale (la Grande Crise de notre Contre-Civilisation). Le résultat de cette intégration est une accélération irrésistible de la dissolution des structures ou des restes des structures du monde puisque toutes les structures, elles-mêmes déjà affaiblies par des chocs déstructurants, subissent désormais les effets de toutes les crises qui parcourent la crise générale intégrant toutes les crises, et non plus les seuls effets sectoriels des crises de leurs domaines respectifs. Cette “intégration” de toutes les crises dans la GC3 est d’abord un puissant processus de perception psychologique poussant à la conscience que la crise affecte la civilisation (la Contre-Civilisation) et/ou le Système as a whole. Toutes les poussées dissolvantes des crises se trouvent intégrées et agissent sur toutes les structures du Système déjà fortement affaiblis par la déstructuration générale. En un sens c’est cette évolution d’intégration qui a suscité la transformation du courant déstructurant en un y ajoutant un effet dissolvant majeur.
«Mieux (ou pire), GC3 a la vertu insigne de nous donner la clef fondamentale de la description des événements. Ce que cet acronyme décrit, c’est non seulement l’installation quasiment “structurelle” de la crise par l’intégration de toutes les crises sectorielles, mais plus encore, le passage également au niveau de la crise, et de toutes les crises finalement, du phénomène de dissolution que nous avons signalé plus haut. Cette dissolution n’est possible, elle, qu’à cause de l’“insoutenable légèreté du Système” par rapport à ses propres vices.»
Le phénomène de “La crise est en crise”
Nous poursuivons par l’analyse et l’élargissement de l’idée du phénomène de “La crise est en crise” (19 août 2011). La crise devient elle-même déstructurée et perd sa paradoxale “cohésion” de crise du schéma habituel d’une crise (déclenchement, aggravation, paroxysme, résolution en bien ou en mal). La crise perd sa spécificité paradoxale de “stabilité” (le fait de savoir ce qu’est une ”crise”, avec son début, son paroxysme et sa chute, conduit effectivement à une paradoxale stabilité). Le phénomène de “La crise est en crise” conduit, par les effets inattendus qu’elle suscite, par l’incertitude paradoxale qu’elle installe dans l’instabilité elle-même inhérente à la crise, à accélérer et à approfondir les effets sur la psychologie. La conséquence est un paroxysme d’instabilité pour la psychologie, qui ne se manifeste pas par une psychologie exprimant un état de folie mais par un comportement erratique, sinon fou, de la psychologie.
«La crise se fragmente, se déstructure, perd son identité réelle, etc. Elle entre effectivement dans un processus de dissolution qui consiste en une agression générale contre tout ce qui peut apparaître comme cohérent et comme équilibré... On observe que les crises qui sont engendrées par la puissance du Système, et qui s’exercent naturellement contre le Système, subissent elles-mêmes le traitement qu’elles prétendraient faire subir aux objets qu’elles affectent. Le processus de dissolution appliqué à la crise reproduit donc parfaitement le mouvement du Système, avec la dynamique de surpuissance se mettant finalement au service de la dynamique d’autodestruction. […]
»La volatilité des crises est due évidemment à leur déstructuration, puis à leur dissolution, qui les rend inconsistantes, incontrôlables, et d’autant plus violentes dans leur surgissement et les effets psychologiques induits. L’absence de “stabilité” des crises (“stabilité”, – mot paradoxal dans ce cas, – du schéma classique d’une crise), ce qui fait que “la crise elle-même est en crise” à cause de sa dissolution, soumet la psychologie à une instabilité de tension qui, elle-même, conduit la psychologie de plus en plus déstructurée à une situation de dissolution. Elle aussi, la psychologie, devient incontrôlable, insaisissable ; elle devient folle sous le coup de sa dissolution, sans être pourtant une psychologie d’un état de folie ; la psychologie reste relativement saine mais son comportement devient fou, erratique, sous la pression de l’angoisse, de la peur, de l’incertitude, – un nouvel état de fatigue porté à une sorte de paroxysme...»
La dissolution du monde et l’hypothèse deleuzienne
Nous avons plusieurs fois évoqué l’hypothèse deleuzienne ces dernières semaines, notamment à travers de la superbe description critique qu’en fit Jean-François Mattei (voir notamment le 22 juillet 2011). Notre propre hypothèse est que l’état du monde à partir de 2008-2009, et notamment avec une évolution décisive vers la dynamique de sa dissolution à cette époque, correspond à cette conception deleuzienne.
Il est alors intéressant d’observer combien cette évolution vers cette correspondance de l’hypothèse deleuzienne et de l’état du monde a été précédée et préparée par une pénétration subreptice et sans doute inconsciente de la psychologie américaniste par la même théorie (ou la théorie deleuzienne élargie aux postmodernistes, et connue aux USA sous l’expression de French Theory). En quelque sorte, comme on le voit par les correspondances de date, la théorie deleuzienne (la French Theory) a été le support symbolique de la folie américaniste, baptisée dans ce cas «la folie propre de l’Amérique» et qui allait nous emporter sur les chemins qu’on sait, – de 9/11 à la “dissolution du monde”.
«Il est intéressant d’explorer l’hypothèse que nous proposons, qui est que cette théorie trouva son application, ou épousa une évolution en lui donnant toute sa signification, en transformant une potentialité en une dynamique historique réelle, dans l’histoire des Etats-Unis depuis les années 1990. Tout s’enchaîne et se correspond parfaitement, les USA étant la matrice de la modernité et du Système, et conduisant la chevauchée vers la dissolution.»
Voici donc la French Theory, avec son grand succès d’estime dans les années 1970 aux USA, avec son influence souterraine majeure sur la psychologie américaniste, dans les années 1990, pour ouvrir le barrage de «la folie propre de l’Amérique» … On pourrait penser que la French Theory entra en correspondance presque intime avec l’évolution finale des USA, après la chute de l’URSS, – comme si la France retrouvait, pour préparer (certes, sans y penser et encore moins le vouloir) la chute de l’Amérique, le rôle d’influence qu’elle occupa à l'avénement de la même Grande République, dans les années 1770.
«Nous ne parlons pas ici d’une influence réelle, ou d’une “philosophie” changeant les mœurs et la pensée, ou théorisant un changement de mœurs et de pensée, mais d’une correspondance quasiment mystique ou spirituelle, ceci ou cela non réalisés, et surtout ceci ou cela présentant une mystique ou une spiritualité inversée. La French Theory semble s’être plaquée, simplement comme une indication fondamentale pour qui veut retrouver les traces profondes de notre évolution métahistorique profonde, sur ce que Cusset nomme “la folie propre de l’Amérique” : “Car ses lecteurs américains soulignent constamment son altérité radicale à leur mode de pensée en même temps qu’une forme de radicalité seule à même de saisir dans ses rets la folie propre de l’Amérique.”»
Un Grand Tout fait de petits riens
La théorie deleuzienne appliquée aux USA, et par conséquent au monde puisque les USA c’est le monde, c’est la course vers une sorte d’anéantissement par dissolution. En cela, la logique d’autodestruction du Système s’en trouve parfaitement confortée.
Ce que Deleuze propose comme “meilleur des mondes” par dissolution, c’est une véritable “opérationnalité” conceptuelle, une métaphysique-simulacre de la fameuse thèse de la recherche du chaos, ou du “chaos créateur” … Ainsi peut-on avancer que «la folie propre de l’Amérique» tenait en réserve une catégorie très spécifique de ce “chaos créateur” cher au capitalisme ; c’est ainsi que le “chaos créateur” abouti à la “création” d’un étrange Grand Tout devenu “les petits riens”, constitué d’une infinité de “petits riens” – c’est-à-dire que l’anéantissement par dissolution figure l’accomplissement décisif, il le prépare avec attention, nous dirions même : avec minutie, presque comme un maître-horloger.
«Ils avaient peut-être plus raison qu’ils ne croient, ceux qui affirmaient qu’en Irak, le but de l’Amérique était le chaos ; le but du capitalisme de ces temps nouveaux est également le chaos, et aussi le but de l’instructure même qu’est la globalisation. Il ne s’agit certainement pas de faire tabula rasa pour que la re-création puisse se faire (narrative hollywoodienne du “chaos créateur”) mais, au contraire en un sens, pour que l’effet ainsi obtenu d’une destruction complète des structures se transforme en une véritable “structure“ qu’on qualifierait presque de “pérenne”, – les petits riens devenus le Grand Tout en un sens…»
Qu’y a-t-il de plus “petits riens” que la complète dissolution en une infinité de “petits riens” figurant autant de situations de dissolution d’autant de grains de sable ? Ainsi atteint-on un état où la dissolution complète figure effectivement l’accomplissement du paradoxal Grand Tout, et l’accomplissement aussi de «la folie propre de l’Amérique»… (Mais l’on sait, depuis lors, que l’Amérique, en la circonstance, n’est que le système de l’américanisme, qui n’est qu’une part du Système, ce qui conduit le Grand Tout et le Système à s’identifier totalement. Et nous sommes confortés par conséquent dans l’idée que cette “folie propre…” et le Mal, dans ces temps extrêmes où la force et les actes donnent tous leurs effets jusqu’à l’inversion, ne font qu’une seule et même chose.)
Le tournant de la dissolution
Dans cette évolution de l’effondrement du Système, et ce passage à un courant de dissolution, nous citons le “tournant” des années 2008-2009. A partir de là commence, après la période de déstructuration qui a précédé, ce que nous désignons comme “la dissolution du monde”.
On connaît les divers événements de 2008, et notamment celui de la crise financière du 15 septembre de cette année-là, qui domine les autres de toute la puissance de sa manifestation. Cet événement est effectivement marquant pour notre propos, mais nullement du point de vue financier, ou dans ses conséquences économiques et politiques. C’est la psychologie qui nous importe d’abord, car c’est elle qui fut principalement marquée, frappée et transformée.
L’immense événement du 15 septembre 2008 n’est immense que par sa dimension psychologique, qui ne lui est pas spécifique mais qui éclaire comme un symbole toute la crise générale, en montrant que, face à une crise déclenchée par le Système, comme à toute crise de ce genre, la riposte des directions politiques n’est que de reconduire le Système dans sa totalité furieuse et prédatrice, avec un satisfecit sans nuance ; l’incendiaire applaudi, encensé, fêté, – institué comme seul pompier possible de l’incendie gigantesque qu’il a allumé. Cette immense et affreuse réaction suicidaire eut l’effet fondamental de frapper directement les psychologies et d’ainsi ouvrir l’esprit, sans que cet esprit en prenne conscience immédiatement, à la perspective de la nécessité de la destruction du Système, et donc à ce courant inarrêtable de la “dissolution du monde” qui est l’enchaînement technique évident, après la déstructuration, de cette destruction. (Certes, en parlant de “dissolution du monde” c’est bien de la dissolution du Système que l’on parle ; puisque le monde, après la période de déstructuration qui avait précédé, réalisée au profit du Système, était devenu le Système en soi.)
«Ce qu’il y a évidemment de plus remarquable durant cette période, c’est que les événements firent la démonstration de la faillite complète d’un système, et que la conséquence en fut, dans les psychologies des directions politiques, de considérer que le Système était vraiment indispensable ; on conclut qu’il était le modèle absolument déterminant, sinon “magique”, qui allait fournir la clef de la crise. Il ne s’agit pas là d’un jugement intellectuel, ni même d’une nécessité politique, économique ou autre, mais bien d’un effet de dissolution des psychologies confrontées à ces événements. Cette orientation extraordinaire, tordant le jugement évident qu’on pouvait, qu’on devait avoir sur les événements par rapport au système qui les avait générés, ne pouvait qu’appliquer une formidable pression sur la psychologie ; non seulement pour la pénétrer, dans un travail automatique d’influence de type assez classique ; mais, plus encore, pour la fatiguer, pour l’épuiser, pour en faire un instrument absolument prêt à participer à un mouvement général de dissolution, qui serait effectivement, dans ce cas, le produit direct d’un épuisement de la psychologie et la dissolution étant le produit fragmenté de cet épuisement.»
“Sarkozy-devenu-Sarko”, personnage deleuzien et maistrien
Un exemplaire et typique sapiens de ce parcours vers la dissolution, c’est le président français Sarkozy, et son parcours, le parcours de ce que nous désignons “Sarkozy-devenu-Sarko”. L’année 2008 est sans aucun doute celle où ce président aurait pu se transformer en homme d’Etat, grâce aux circonstances alors qu’il assurait la présidence de l’Union Européenne. C’est à ce moment qu’un destin s’offrit à lui ; très rapidement sa religion fut faite, et il préféra à ce destin offert celui de suivre le destin de la dissolution du monde…
Nous décrivons ainsi «[l]a facilité et la subrepticité avec laquelle Sarkozy devint Sarko, et le parfait dirigeant-Système qu’il est ainsi devenu…» On conviendra que cela revient à constater un “juste” retour des choses…«La French Theory triomphait enfin en France et Sarko, personnage sans identité à qui un choix avait été offert, était devenu un personnage deleuzien, – fait effectivement de réseaux, d’inconsistances, de pensées “déstructurées, éclatées, dispersées” et en voie de dissolution, etc…»
Mais plus encore, tant le personnage semble nous réserver des trésors de bassesse et une exceptionnelle adaptabilité à la servilité par rapport aux grands événements qui ordonnent la crise. Il se trouve que nous trouvons finalement à “Sarkozy-devenu-Sarko”, personnage devenu parfaitement deleuzien en même temps qu’exemplaire dirigeant-Système, un air maistrien incontestable lorsque l’on considère où tout cela nous mène sur la voie de la “dissolution du monde”, et la façon dont il (Sarko) prend bien garde à ne pas entraver la marche d’événements en acceptant complètement d’être manipulé par eux. Cela nous conduit à établir une correspondance paradoxale mais bien de circonstance entre la théorie maistrienne et la théorie deleuzienne, – ou la théorie deleuzienne, retournée contre ses propres fantasmes, comme excellent outil d’accomplissement de la théorie maistrienne.
«Nous serions tentés de voir dans la French Theory et les conceptions deleuziennes une sorte d’adaptation à la modernité, du modèle du monde en crise et du sort manipulé des acteurs humains, tels que Joseph de Maistre les a vus et décrits du temps de la Révolution Française. La différence fondamentale réside dans la formidable charpente spirituelle que propose Maistre, par contraste avec le vide spirituel de la théorie deleuzienne. Ainsi la théorie deleuzienne décrirait la dissolution d’un monde dont la théorie maistrienne nous annonçait la condamnation.»
Situation de l’“honnête homme”
Nous observons enfin comment cette “dissolution du monde” est en voie de complètement “décérébrer” les relations internationales, de leur ôter leur identité et d’en faire un corps mou et flasque, – théorie deleuzienne oblige, – comme serait un corps privé de colonne vertébrale. («Il a autant de colonne vertébrale qu’un éclair au chocolat» disait le vice-président Théodore Roosevelt de son président McKinley, et c’est l’image qui convient.) Les crises incessantes, le processus de déstructuration enchaînant sur la dissolution ont affaibli jusqu’à la complète insubstance les notions de coopération, d’alliances, de relations politiques, etc. Il est de moins en moins concevable de parler d’“engagement”, de “choix politique”, voire d’“alignement”, etc. … Nous suivons toujours, à cet égard, le cas français sous l’empire incertain de “Sarkozy devenu Sarko”…
«Cela écrit, il serait absurde de suivre l’idée, par exemple, que la France s’est abaissée devant l’Amérique, a réintégré l’OTAN par servilité inutile et ainsi de suite. Tout cela est vrai dans la conception, mais inexistant dans la réalisation. En s’abaissant devant l’Amérique et en faisant acte de servilité en réintégrant l’OTAN, la France a réussi à démontrer qu’il devenait impossible de s’abaisser devant l’Amérique parce que cette puissance est elle-même trop basse, et que l’enjeu n’est plus de mesurer sa position par rapport aux USA ; qu’entrer dans l’OTAN par servilité n’est pas vraiment faire preuve de servilité parce qu’il n’y a plus personne devant lequel on peut se montrer servile, tant chacun se préoccupe, dans son coin, de sa propre servilité au Système...»
Cela implique la disparition complète des concepts structurants tels que légitimité, souveraineté, tout cela remplacé par un vide en formation accélérée, sous la pression de la dissolution développée par le Système… «[C]ela n’est effectivement pas une capitulation (française) mais bien une course française (une spécialité du fébrile Sarko) pour s’aligner sur la “substance insubstantielle” des relations internationales. La France réussit cet exploit, effectivement, de se ranger complètement dans “le camp américaniste”, alors que ce camp est à l’abandon, ouvert à tous les vents, englué dans de multiples crises dont la plus sévère est certainement l’effondrement total de sa structure de pouvoir. Ainsi, la dissolution française se fait-elle au seul profit du désordre.»
A cela, nous ajoutons le courant majeur de dissolution spécifique au dispositif du bloc BAO, donc du Système, – le “bloc” figurant, comme on le comprend, nullement un rassemblement politique actif, mais une émanation flasque et par automatisme du Système ; ce “courant majeur de dissolution” établi dans les pays arabes, par le biais du “printemps arabe”. Bien entendu, ce printemps-là n’est pas celui de l’établissement d’un nouvel ordre démocratique, qui serait prestement récupéré par le Système, mais bien celui d’une accélération du désordre introduit dans ce dispositif par le courant de dissolution.
La conséquence pour l’“honnête homme”, ce concept du XVIIème siècle qu’il importerait de ressusciter pour situer la définition de la nécessité de résistance, est un “devoir de situation” par rapport au Système qui définira l’essentiel de sa résistance. Cela commence par une définition de la position de l’“honnête homme” par rapport aux effets de la crise, par rapport aux artifices encore offerts comme simulacres par le Système pour y attirer ceux qui sont prêts à y succomber, pour qu’ils y succombent… «Il importe de se situer hors de ces remous et de ces formidables bouleversements, même si l’on est nécessairement partie d’un pays, d’un ensemble ou d’un “bloc”. Mais nous ne sommes plus partie de rien de cette sorte, en vérité, tant ces concepts divers, – pays, ensemble, “bloc”, – sont désormais totalement dépourvus de formes et d’essence, de légitimité, de fondements, etc. Ce ne sont plus que des artefacts informes d’un courant qui les emporte tous…»
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