On se souvient tous de cette espèce d'euphorie qui avait gagné le monde entier lorsque Barack Obama a été élu président des États-Unis. Tel un nouveau messie, il allait remettre l'Amérique sur la « bonne » voie, celle sur laquelle on a toujours voulu la voir, même si à l'occasion des exemples de brutalité sauvage nous obligeaient à nuancer notre appréciation.
Bientôt à mi-mandat, et sur le point de voir ses politiques sanctionnées par l'électorat à l'occasion des élections législatives qui auront lieu en novembre prochain, Obama a perdu une bonne part de son aura, et il ne suscite plus le même enthousiasme. Et ce n'est pas tant lui qui a changé que certaines réalités politiques très lourdes qui se sont imposées, et avec lesquelles il est tenu de composer.
Bien sûr, il y a l'Opposition, et les Républicains ne se sont pas gênés pour contester sa légitimité à chaque instant, avec une férocité qui frôle l'hystérie et qui fait peur. En soutenant comme ils l'ont fait leur nouvelle égérie, Sarah Palin, co-listière du Sén. McCain aux présidentielles, dans sa campagne pour organiser des « tea-parties » (censés commémorer le soulèvement de Boston au début de la révolution américaine), ils se sont ralliés les extrémistes les plus délirants, comme en fait foi ce montage vidéo diffusé sur YouTube qui nous montre la candidate républicaine au poste de gouverneur de la Californie, Carly Fiorina (ex-présidente de Hewlett-Packard démise de ses fonctions) en pleine action.
On a vu cette opposition en pleine action pendant le débat sur la mise sur pied du régime de santé, financée par le puissant lobby des compagnies d'assurance. On l'a également vue agir dans le débat sur la réforme du système financier, financée dans ce cas par le tout aussi puissant lobby des banques, et l'on sait qu'elle est également financée par les lobbies des armes à feu, des industries de la sécurité et de la défense, et par l'AIPAC. l'American Israel Public Affairs Committee, le très, très puissant lobby sioniste qui soutient la droite israélienne.
En ce qui concerne ce dernier, son influence est si grande que certains lui attribuent le pouvoir d'orienter à son bon vouloir la politique américaine. C'est le cas notamment de Paul Craig Roberts, sous-secrétaire au Trésor du temps du président Reagan, ancien rédacteur en chef-adjoint du Wall Street Journal, et attaché à un moment ou un autre à certains des plus prestigieux instituts américains d'affaires internationales. Il va même jusqu'à prétendre que les États-Unis sont devenus une marionnette d'Israël et que Obama est condamné à être un « one-term president » pour son soutien trop timide.
Non seulement Obama est-il confronté à une Opposition qui ne lui laisse aucun répit, mais il déçoit aussi ses partisans. Vendredi dernier, l'influent chroniqueur du New York Times et prix Nobel d'économie Paul Krugman déplorait la mauvaise habitude de s'aliéner ses supporters en tentant d'amadouer une opposition qui de toute façon ne veut rien savoir de lui ou de ses politiques. Krugman reproche à Obama ses tergiversations pour dénoncer la torture, son escalade du conflit en Afghanistan, sa décision de relâcher les normes sur l'exploration pétrolière sous-marine quelques mois avant l'explosion du puits de BP, des nominations maladroites à des fonctions stratégiques, et son hésitation à prendre de front l'opposition. Malgré ses réserves, il prévient les libéraux que si Obama n'est pas à la hauteur de leurs espoirs, l'opposition, pour sa part, dépasse leurs pires cauchemars. (Voir http://www.nytimes.com/2010/07/30/o... )
Encore aujourd'hui, dans le New York Times, et à propos du retrait des troupes d'Irak et de leur redéploiement en Afghanistan, un observateur averti illustre dans une phrase lapidaire tout le paradoxe de la situation dans laquelle se trouve Obama : « The people who love him don't support him on Afghanistan, and the people who support him on Afghanistan hate him. »
En fait, Obama est tiraillé entre ses propres idéaux et les réalités de la politique américaine. Un beau dimanche de février cette année, un événement incongru s'est produit à Washington. L'ancien président George Bush père a rendu visite au successeur de son fils, censément pour une visite de courtoisie. Il n'y a aucun précédent pour un geste de la sorte, les anciens présidents ne rencontrant le nouveau titulaire de leur charge qu'à l'occasion de cérémonies protocolaires.
Mais George Bush père n'est pas un ex-président ordinaire. Avant de devenir président des États-Unis, il avait été directeur de la CIA et ambassadeur en Chine. Qui plus est, c'est lui qui avait choisi pour son fils le successeur à la défense de Donald Rumsfeld, Robert Gates, lui aussi ancien directeur de la CIA et que Obama a reconduit dans ses fonctions de secrétaire à la défense malgré le changement d'administration.
Ces jours derniers, en marge de la fuite des documents secrets du Pentagone à WikiLeaks, la Maison-Blanche avait d'abord indiqué que, les dommages étant limités, les coupables ne seraient pas poursuivis avec acharnement. Dès le lendemain. Le secrétariat à la Défense annonçait que les coupables seraient recherchés activement avec l'aide du FBI et traduits devant les tribunaux. Et hier, en conférence de presse, Robert Gates dénonçait la gravité sans précédent du geste, allant jusqu'à le qualifier d'anti-patriotique et d'immoral, ce qui ne manque pas d'ironie lorsqu'on sait que certains des documents rendus publics contiennent des preuves de crimes de guerre. Toujours la vieille histoire du fétu de paille dans l'oeil du voisin et de la poutre dans le sien.
Cet épisode suffit à démonter l'existence d'un certain flottement dans la direction américaine et possiblement l'existence de certains affrontements assez rudes qui n'auraient pas pour effet de simplifier la tâche d'Obama, bien au contraire. Des affrontements de ce genre sont déjà survenus dans le passé, au moment de la crise des missiles à Cuba en 1962, pendant la guerre du Viêt-Nam, et au moment de l'affaire des otages de Téhéran.
Ils tirent leur origine des tensions entre le pouvoir démocratique et le complexe militaro-industriel dont le Général Eisenhower avait dénoncé l'existence avant de quitter la présidence américaine après l'élection de Kennedy. Il va de soi que ces affrontements gagnent en intensité en période de crise. Cette fois-ci, c'est la crise économique et budgétaire qui rend les arbitrages très difficiles.
Le complexe militaro-industriel est aux abois et recoure, côté face, à la démagogie la plus abjecte, et côté pile, à des scénarios pourris comme leur histoire en est pleine, pour conserver sa domination et ses privilèges.
En attendant, Obama n'est pas au bout de ses peines, et le monde est à la merci d'un coup fourré à tout instant. Jamais l'instabilité du monde n'a-t-elle été aussi grande, et l'on se prend presque à regretter l'époque de l'équilibre entre les deux superpuissances à leur zénith au temps de la guerre froide. L'URSS a disparu et l'Amérique peine à remplir le vide. Quand l'Amérique vacille, le monde bascule.
Auteur : Richard Le Hir
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5 commentaires
Jean-Louis Pérez-Martel Répondre
5 août 2010Une logique indissociable de l’ordre établi
Le prix qu’il faut payer pour minimiser la dynamique de l’anarchie dans le monde doit être assumé par ceux qui la provoquent, et les « privilèges » relevant de l’effort, du sacrifice, de l’endettement…, seront recevables sans égard par celui qui est prêt à assurer ce service de « sécurité » mondial.
JLP
Archives de Vigile Répondre
4 août 2010Il ne faut pas trop s'en faire. Israel et les États-unis sont en train de se suicider tranquillement.
L'Europe se tourner vers l'est et la Russie :
"L’achèvement de South Stream souderait un lien géopolitique majeur entre les pays de l’UE, l’Europe centrale et la Russie, quelque chose qui représenterait un cauchemar géopolitique pour Washington. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la politique états-uunienne a consisté à dominer l’Europe occidentale, d’abord en attisant la Guerre froide avec l’Union soviétique, puis après 1990 en poussant l’OTAN vers l’Est jusqu’aux frontières de la Russie. Une Europe occidentale de plus en plus indépendante, se tournant vers l’est plutôt que vers l’Atlantique, signifierait un renversement majeur dans la domination soutenue de la « seule superpuissance »."
http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=20416
On a Israel, la nation paranoide, qui ne pense qu'à ses propres intérêts, et les États-unis, cette grosse corporation, qui ne pense aussi qu'à ses propres intérêts, au détriment du reste du monde.
Archives de Vigile Répondre
3 août 2010... affrontements assez rudes au sein de la classe dirigeante américaine, le 11 septembre d'une certaine année par exemple; certains flottements...
Après les défaites que l'on se gardera encore d'avouer en Iraq et en Afghanistan, faut-il attaquer l'Iran ou ne pas attaquer l'Iran ? N'est-il pas intéressant au cours de sa vie d'être le témoin du déclin, voire maintenant de la panique qui point, dans la politique d'une super puissance qui n'en est plus une... menée désormais que par sa foi en ses moyens et en sa valeur, lesquels sont en passe de devenir la risée (sous cape) du monde entier.
Cela fait penser à la domination de l'URSS sur certains pays et territoires, jusqu'au jour où le château de cartes des convenances et des faibles et fausses alliances s'effondre.
GV
Archives de Vigile Répondre
3 août 2010Bien malheureusement, les États-Unis sont tiraillés par le meilleur et le pire. Dans aucun ordre particulier, il y a les grands syndicats qui limitent les échanges commerciaux, les Poches de Thé qui hallucinent des communistes, des lobbies de toutes sortes qui manipulent les deux vieux partis, et il y a le problème classique des grandes démocraties, on se fait élire pour avoir la chance d'être réélu, sans plus.
Les Américains ressemblent beaucoup à une société en déclin, ils ne se possèdent plus, croulent sous les dettes, l'État enferme plus de monde en proportion qu'en Chine, pas mal, ils ne sont plus l'ombre de ce que souhataient les pères fondateurs.
C'est bien triste, mais les USA ne sont plus le siège du développement économique ni de l'innovation technologique, qu'importe le président.
Archives de Vigile Répondre
3 août 2010Dans les années 70, c'était Edgar Hoover du FBI et la mafia qui manipulaient les USA, maintanant c'est Israël et les lobbys en armement; Stephen Harper et son ministre des affaires étrangères Laurence Cannon sont encore à se demander si la Lybie se situe au Liban.