Parlant de travail, où sont les capitaux?

Tribune libre

Pour payer mes études, j'ai travaillé en forêt, avec la hache et la scie à
main. J'ai travaillé dans la construction, au pic et à la pelle, poussé des
brouettes pleines de ciment sur d'étroits trottoirs de bois, transporté des briques, soulevé des tuyaux de béton. Les maisons construites en usine étaient inconnues pour nous, qui exécutions ces travaux jusqu'à la limite de nos forces.
Aujourd'hui, un bulldozer de Caterpillar fait en une année le travail que
100,000 hommes n'arrivaient pas à faire. Les gros moteurs diesel de ces
machines ne se fatiguent jamais. Voyez les grues partout à Montréal et
ailleurs et voyez comment de gros édifices sont montés par une poignée
d'hommes. Ces machines ne connaissent ni l'épuisement ni la fatigue. Ce sont
leurs opérateurs qui s'en fatiguent.
J'ai été garçon de ferme à l'âge de quinze ans et je devais labourer avec
une charrue classique tirée par un cheval. Travail exténuant s'il en est
un, même pour le garçon robuste que j'étais. J'ai ramassé le foin à la main,
avec une simple fourche. Faites-en l'expérience. En hiver, il fallait
atteler les chevaux à des traîneaux et les faire travailler dans les grands
froids, ce qui les épuisaient rapidement.Quant aux hommes doués d'une grande
force physique qui exécutaient ces travaux, les plus forts étaient épuisés
avant d'avoir 50 ans. Les exceptions, ceux qui travaillaient plus longtemps
et s'épuisaient moins vite, y compris quelques femmes qui conduisaient les
chevaux, on les trouvait surtout dans les fermes de la Montérégie, où la
saison végétative est plus longue que dans les Pays-d'en-Haut et les hivers
moins froids.
Aujourd'hui, les tracteurs et la machinerie agricole sont sous-utilisés, de
même les logiciels de ferme. Un simple moteur électrique d'un demi cheval
vapeur peut donner un rendement qui dépasse mille fois et davantage les
capacités de travail d'un Louis Cyr, héros d'un autre âge.
À l'université, je prenais mes notes et rédigeais mes travaux à la main.
Pour les thèses, il fallait se trouver quelqu'un pour les dactylographier et
payer à la page. J'avais 30 ans lorsque j'ai appris à me servir d'un
dactylo, qui ne me quitta jamais par la suite et 70 ans lorsque j'ai appris
à me servir d'un ordinateur sur lequel je travaille maintenant cinq heures
par jour, ce qui est plus que suffisant.
À 75 ans, je poursuis des travaux de recherches dans mon sujet: géographie
générale, géopolitique et stratégie d'État, qui exigent des études suivies
en épistémologie et ontologie. Je travaille comme je n'ai jamais travaillé
auparavant. Et je voudrais pouvoir en faire davantage et plus vite.
Qui dit que je ne travaille pas assez?
Pour Karl Marx, le capital est généré par le travail. Comme une machinerie
de plus en plus complexe et efficace a remplacé le travail des muscles et
des calculs épuisants, il faut en conclure que les capitaux accumulés dans
les temps actuels doivent exponentiellement dépasser tout ce qui avait été
capitalisé avant Marx et Engels.
Où sont ces capitaux et à quoi servent-ils, en supposant qu'ils servent à
quelque chose? Qui pense à faire travailler davantage des capitaux de moins
en moins utilisés parce qu'il y en a trop? Qui s'est assis sur les immenses
tas d'argent qui ne sert à rien?
René Marcel Sauvé, géographe

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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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