Pas de quoi pavoiser

Toutefois, cet avis ne bénéficie pas de la même autorité que les décisions rendues dans l'ordre interne canadien.

Discours d'un futur minissss fédéral?...




Le 22 juillet dernier, la Cour internationale de justice a donné un avis consultatif relativement à la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo. Comme il fallait s'y attendre, il s'en est trouvé dans le camp souverainiste québécois pour crier victoire. De leur côté, certains fédéralistes ont cherché à limiter la portée de cet avis au seul cas du Kosovo. Toutefois, me semble-t-il, souverainistes comme fédéralistes n'ont pas de quoi pavoiser.
En effet, il me semble clair que, dans cet avis, la Cour énonce des principes qui vont bien au-delà du cas du Kosovo et qui sont susceptibles de s'appliquer à d'autres contextes indépendantistes ou sécessionnistes. Je ne prétends toutefois pas que, dans l'interprétation de l'avis, on ne doive pas tenir compte du contexte particulier dans lequel il est rendu, soit celui du Kosovo. Ce que je soutiens simplement, c'est que, dans cet avis, la Cour énonce des principes qui constituent des fondements du droit international actuel et qui, de ce fait, s'appliquent internationalement.
Bien que la Cour énonce certains principes en termes généraux et universels, elle dit sur ces principes peu de choses que les experts ne savaient déjà. Somme toute, elle rappelle que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, reconnu par maints instruments internationaux, ne peut être exercé sur le plan externe que par les peuples des territoires non autonomes et par ceux qui sont soumis «à la subjugation, à la domination ou à l'exploitation étrangères».
La Cour ajoute que la pratique des États n'indique pas la formation, en droit international, d'une nouvelle règle interdisant que soient faites des déclarations unilatérales d'indépendance, et ce, même lorsque le peuple concerné ne possède pas le droit strict de disposer de lui-même.
En d'autres mots, selon la Cour, un peuple donné pourrait très bien faire une déclaration unilatérale d'indépendance même s'il ne dispose pas, en vertu du droit international, du droit formel de s'autogouverner sur le plan externe. Une telle déclaration demeurerait conforme au droit international en tout état de cause.
En aucun moment, la Cour ne dit ou n'insinue que le droit international doit l'emporter sur le droit constitutionnel interne des États existants. De plus, rien dans l'avis ne contredit l'opinion émise par la Cour suprême du Canada en 1998 à l'occasion du Renvoi relatif à la sécession du Québec. Au contraire, dans ce renvoi, notre cour suprême a elle-même reconnu qu'une sécession de facto demeurait une option pour le Québec, mais que les chances que celle-ci réussisse dépendraient de la reconnaissance de la communauté internationale.
Je me permets d'ajouter que la réussite d'une telle sécession dépendrait aussi de l'appui que lui donneraient les Québécois eux-mêmes, appui qui devrait d'ailleurs être maintenu pendant la période dite transitoire, c'est-à-dire pendant la période menant à l'acquisition par le Québec du statut d'État souverain.
Enfin, on chercherait en vain dans l'avis de la Cour internationale de justice quoi que soit qui remette en question, directement ou indirectement, la «Loi sur la clarté» dont s'est doté le Parlement canadien en juin 2000, et ce, peu importe ce qu'on peut penser de la pertinence de cette loi sur le plan politique ou de sa conformité au renvoi de 1998.
En effet, la Cour ne nie pas qu'il puisse être légitime de la part d'un État de chercher à faire obstacle à une démarche sécessionniste ou indépendantiste ou de baliser celle-ci. La Cour ne garantit pas non plus le succès d'une sécession qui reposerait sur le principe de l'effectivité, ni ne remet-elle en question le principe de l'intégrité territoriale des États existants. Toutefois, cet avis ne bénéficie pas de la même autorité que les décisions rendues dans l'ordre interne canadien.
On ne peut traiter d'un tel sujet sans apporter toutes les nuances qui s'imposent. Je dirai, à la décharge de mes amis politiciens qui ont commenté cet avis récemment, que la politique s'accommode malheureusement mal de pareilles nuances.
***
Benoît Pelletier
L'auteur est professeur titulaire à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et avocat chez Noël et associés.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé