Souveraineté: après le Kosovo, le Québec?

DUI - Référendum - Kosovo (17 février 2008), Soudan (janvier 2011)


Par Jérôme Houard - Comme l’on pouvait s’y attendre, l’avis de la CIJ (Cour Internationale de Justice) affirmant que la déclaration d’indépendance du Kosovo n’était pas illégale a provoqué des remous en terre canadienne, les camps fédéraliste et souverainiste y voyant chacun un argument en sa faveur.
En premier lieu, cet avis fait renaître le débat concernant la loi dite « Loi sur la clarté ». Cette loi, adoptée en 2000 à l’initiative des libéraux, vise à fixer les conditions qui doivent être réunies pour qu’un éventuel référendum sur la souveraineté d’une province canadienne soit jugé recevable par Ottawa et ainsi, puisse ouvrir la voie à des négociations entre le gouvernement fédéral et ladite province (évidemment cette loi, bien que feignant de s’adresser à toutes les provinces, a été écrite sur mesure pour le Québec[1]).
Elle stipule d’une part que la question référendaire doit être formulée de façon claire et univoque, et d’autre part qu’il doit se dégager des résultats du référendum « une volonté claire de faire sécession », c’est-à-dire que cette volonté doit s’exprimer à une large majorité et sous réserve d’un taux d’abstention raisonnable. Seulement si ces deux conditions étaient remplies, alors Ottawa accepterait d’entamer un dialogue visant à examiner les modalités dans lesquelles la sécession pourrait s’exercer.
Mais les souverainistes –Gérald Larose et Louise Beaudoin en tête– se sont empressés de voir dans la décision de la CIJ, un moyen pour contourner la loi sur la clarté. Car, disent-ils en substance, qu’importe qu’Ottawa ne reconnaisse pas les résultats d’un référendum sur la souveraineté ou récuse une déclaration unilatérale d’indépendance. Si le droit international la considère légale et que s’ensuit une reconnaissance internationale à l’image et même au-delà de celle dont a bénéficié le Kosovo (actuellement 69 pays sur les 192 que compte l’ONU), la loi sur la clarté deviendrait obsolète et le refus d’Ottawa de négocier inopérant.
Tout le reste n’est que variation sur le même thème et chacun joue sa partition, d’un côté comme de l’autre.
Louis Beaudoin, la porte-parole "péquiste" (terme qui désigne les députés du Parti québécois) en matière de relations internationales, qualifie cet avis de «percée» dans le droit international. Le vice-président du Parti québécois, Daniel Turp, a déclaré attendre du Canada «qu’il ait la même réaction quand le Québec décidera de faire l’indépendance.»
A Ottawa, le "bloquiste" Pierre Paquette (membre du bloc québécois, chargé de promouvoir la cause souverainistes à Ottawa) a qualifié cet avis d’ «élément intéressant dans le débat interne sur la souveraineté (…) qui montre que la communauté internationale est sensible à la volonté d’un peuple de prendre son indépendance ». Idée reprise par l’ancien Premier ministre péquiste Bernard Landry: «Pour les souverainistes du Québec c’est un énième exemple du droit des peuples qui peuvent être indépendants à l’être. Et le Québec peut l’être.»
Les fédéralistes quant à eux rappellent à l'unisson combien la situation du Kosovo est particulière, donc unique. Le Premier ministre canadien Stephen Harper s’est contenté de déclarer que la situation était «totalement différente de celle d'un débat démocratique au Canada et au Québec», tandis que son ministre des affaires étrangères Lawrence Cannon assurait que ce ne sont «pas les mêmes circonstances» ou encore que «le Québec n’est pas le Kosovo», reprenant ainsi les mots chef de l’opposition officielle à Ottawa, le libéral Michael Igniatieff, qui avait eu ces propos d’une sagacité sans conteste : «le Kosovo, c’est le Kosovo. Le Québec, c’est le Québec».
Mais l’argument massif des fédéralistes se trouve dans l’avis de la CIJ lui-même. Car les juges, évoquant la question québécoise, prennent bien soin de la distinguer du cas kosovar et écrivent que leur mission n’est pas de déterminer si les déclarations unilatérales d’indépendance sont recevables, mais si la déclaration d’indépendance du Kosovo a violé ou non le droit international. Or, c’est à cette question et à elle seule, que la CIJ a répondu "non". En d’autres termes, elle ne dit pas que le doit international permet ou même encourage de telles initiatives, elle dit simplement qu’il ne peut les invalider a posteriori. Fin des débats, fermez le ban.
Et chacun campe sur ses positions. Et toutes semblent tronquées.
Car imaginons que les péquistes déclarent unilatéralement l’indépendance du Québec et que cette indépendance soit reconnue internationalement, puis déclarée légale par la CIJ. Imaginons. Si cela arrivait, il est présomptueux de la part des fédéralistes de croire que leur loi sur la clarté saurait être un rempart efficace.
En revanche, il est tout aussi présomptueux de la part des souverainistes de croire le scenario écrit d’avance, alors que ni une reconnaissance internationale massive, ni une décision favorable de la CIJ (mais encore faudrait-il que quelqu’un la saisisse), ne semblent gagnées d’avance. D’autant qu’avant d’organiser un référendum vainqueur, il leur faudra revenir au pouvoir. Et de ce côté-là non plus, rien n’est joué.
[1] Du reste, la loi sur la clarté s’inspire largement, et même découle d’un renvoi relatif à la sécession du Québec, émis par la Cour suprême du Canada à laquelle le Gouverneur général de l’époque, Roméo Leblanc, avait demandé un avis sur la constitutionnalité d’une éventuelle sécession québécoise.
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