Passer à autre chose

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Non à la Résignation tranquille

Quand la Cour suprême a annoncé qu’elle allait « examiner les allégations » faites par l’historien Frédéric Bastien dans La bataille de Londres, on a parlé d’une grande première. Depuis sa création, elle n’avait jamais consenti à un tel examen de conscience.
M. Bastien a travaillé à son livre pendant huit ans, mais la Cour n’aura eu besoin que de dix-sept jours pour faire le tour du dossier et se donner l’absolution par la voie d’un simple communiqué de presse de trois lignes. Une célérité digne du Guinness.
Il est évident que l’ancien juge en chef Bora Laskin n’avait pas déposé dans les archives de la Cour le compte rendu des conversations sur le rapatriement de la Constitution qu’il a pu avoir avec des représentants des gouvernements canadien ou britannique.
De son propre aveu, la Cour n’a pas cherché à savoir si les archives du Conseil privé contiennent des documents qui permettraient de faire la lumière sur les présumées indiscrétions de M. Laskin et de son collègue Willard Estey. Faire un examen aussi sommaire d’événements de cette importance dans l’histoire du Québec et du Canada est non seulement insuffisant, mais insultant.
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L’indignation du gouvernement Marois face à l’attitude désinvolte de la Cour suprême et à la mauvaise foi du gouvernement Harper est sans doute sincère, mais il est d’autant plus facile de l’accuser de chercher à raviver la flamme souverainiste que c’est précisément son plus cher désir.
Même si les partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont voté en faveur de la motion réclamant l’ouverture des archives fédérales, le climat est nécessairement à la méfiance. Philippe Couillard a bien averti qu’il ne se laisserait pas entraîner dans une « stratégie d’affrontement délibérée » avec Ottawa, et François Legault n’a emboîté le pas au gouvernement qu’après avoir été sévèrement réprimandé par Lucien Bouchard.
Hier, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, est revenu à la charge en demandant à la Cour suprême d’expliquer la nature de l’examen auquel elle s’est livrée et des documents qu’elle a consultés, mais sans exiger la tenue d’une enquête publique.
Sans surprise, le gouvernement Harper a réitéré qu’il n’avait aucune intention de rouvrir les « vieilles chicanes ». À partir du moment où M. Cloutier est également responsable de la « gouvernance souverainiste », on n’aura aucune difficulté à convaincre le Canada anglais que tout cela n’est qu’une nouvelle manigance séparatiste.
Pour donner de la crédibilité à sa démarche, le gouvernement aurait tout intérêt à se tourner vers la société civile. Même s’il ne porte pas le PQ dans son coeur, M. Bouchard accepterait sans doute de s’associer à un mouvement non partisan. Le Barreau du Québec avait trouvé prématurée l’idée d’une enquête indépendante avant que la Cour suprême ait terminé sa vérification, mais comment pourrait-il se satisfaire de cette parodie ?
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Il ne faut cependant pas se faire d’illusion. Un gouvernement dont 70 % des électeurs se disent insatisfaits aura toujours du mal à mobiliser l’opinion publique, quelle que soit la justesse de sa cause.
Même auréolé par sa performance durant la crise du verglas, M. Bouchard avait été incapable d’empêcher la Cour suprême de se pencher sur la légalité d’une éventuelle déclaration d’indépendance, ouvrant ainsi la voie à l’adoption de la Loi sur la clarté. Pourtant, la société québécoise tout entière, y compris l’archevêque de Montréal, Jean-Claude Turcotte, estimait que cette question devait être tranchée par les Québécois seuls.
Pendant un moment, on avait songé à contrer la manoeuvre fédérale en tenant un référendum sur l’affirmation de l’existence du peuple québécois et de son droit à décider de son avenir, mais M. Bouchard n’avait pas osé se lancer dans une entreprise que les « purs et durs » de son parti auraient immanquablement présentée comme une nouvelle manoeuvre étapiste fondée sur la théorie des « conditions gagnantes ».
On connaît la suite. Se sentant incapable de secouer la torpeur de l’opinion, qui a accueilli la Loi sur la clarté avec une apathie qui a surpris tout le monde dans le reste du pays, où plusieurs craignaient le pire, M. Bouchard a choisi de démissionner.
Si le héros du référendum de 1995 a été incapable de mobiliser les Québécois après cette attaque frontale contre leur droit à disposer d’eux-mêmes, comment penser que Mme Marois, dont l’étoile ne cesse de pâlir, va réussir à secouer leur torpeur sous prétexte qu’un juge a triché il y a trente ans ? C’est le printemps, le Canadien accède aux séries, il est temps de passer à autre chose, non ?


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