Le Parti libéral du Canada a dévoilé cette semaine son programme électoral, accompagné comme il se doit d'une prévision budgétaire. Ce document a beaucoup de qualités, sauf peut-être celle de la pertinence. Ce programme est à certains égards tout simplement en retard d'une campagne.
Le «plan d'action pour le XXIe siècle» dévoilé lundi pourrait recevoir un «A» tant il répond à tous les critères du genre. Retenons d'abord son titre qui nous projette dans l'avenir. On nous laisse entendre que, contrairement à leurs adversaires, les libéraux ont une vision de ce que doivent être les prochaines décennies. S'inspirant de Sir Wilfrid Laurier qui avait su définir ce que serait le Canada du XXe siècle, Stéphane Dion prétend que le défi du XXIe siècle sera l'environnement. Que le Canada se doit de devenir vert.
À l'image de ce qu'avait fait Jean Chrétien à l'élection de 1993, puis à celles de 1997 et 2000, l'actuel chef libéral a rassemblé dans un «livre rouge» l'ensemble de ses engagements. Les priorités d'un gouvernement Dion sont clairement définies. L'accent sera mis d'abord sur la lutte contre les gaz à effet de serre au moyen de l'imposition d'une taxe sur le carbone. Puis viendra la solidarité sociale. Tous y trouveront leur compte: aînés, personnes handicapées et à faible revenu, parents de jeunes enfants, chômeurs, autochtones. Suivra, sur le plan économique, une aide au secteur manufacturier qui demeure pour le Canada central la clé de voûte de l'économie ontarienne et québécoise où se trouve la base traditionnelle de son parti. Tout cela bien sûr dans un contexte de responsabilité fiscale. Ses prévisions budgétaires apparaissent crédibles aux yeux des spécialistes. Hors de question de ramener le pays dans l'ère des déficits. On ne peut donc être plus vertueux.
En élève studieux, Stéphane Dion s'est inspiré de la recette trois fois éprouvée avec succès par M. Chrétien. À la différence de son mentor qui savait sentir le vent, son programme ne correspond pas à l'air du temps. En 1993, le Parti libéral avait su imposer deux thèmes, la lutte contre le déficit et la lutte contre la corruption, qui étaient les faiblesses du gouvernement conservateur. Stéphane Dion se trouve lui à contretemps avec le thème de la lutte contre le réchauffement climatique, alors que les Canadiens sont atteints du syndrome de l'insécurité économique. Il n'a pas su jusqu'ici ni imposer le thème de l'environnement ni s'adapter au contexte nouveau créé par l'augmentation des prix du pétrole et la crise des institutions financières aux États-Unis.
Stéphane Dion n'a pas la crédibilité qu'il faut pour parler d'économie aux Canadiens. Il n'a pas autour de lui un Paul Martin qui compenserait cette faiblesse. Au contraire, l'un de ses deux lieutenants, l'ancien premier ministre ontarien Bob Rae, est l'illustration vivante d'une mauvaise gestion économique et financière. D'une certaine façon, il n'a pas le choix que de continuer à battre le tambour environnemental.
Malheureusement, la chose soulèvera d'autant moins d'intérêt que le projet de taxe sur le carbone qu'il met en avant pour obtenir une réduction des émissions de gaz à effet de serre est complexe. Si, sur papier, l'idée est bonne, elle est difficile à vulgariser.
Les militants libéraux avaient fait de Stéphane Dion leur chef en décembre 2006 pour deux raisons. Ils voyaient en lui le sauveur du Canada et le sauveur de l'accord de Kyoto. Or, jusqu'ici, ces deux aspects de sa personnalité se sont révélés peu pertinents dans la campagne électorale. L'unité canadienne est complètement absente des enjeux électoraux, et le souci environnemental est passé au second plan. Compte tenu de ce qu'a déjà été le Parti libéral du Canada, on ne peut que constater que, sur le plan de la pertinence, Stéphane Dion et son parti se tirent bien moins d'affaire que Gilles Duceppe et le Bloc québécois, dont le rôle ne cesse d'être mis en cause.
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