Place au suspense électoral

Harper estime qu'il devra démissionner en cas de défaite

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Élections fédérales du 14 octobre 2008

Ottawa -- Les électeurs avaient peut-être davantage la tête à préparer la dinde de l'Action de grâces ou à fermer leur chalet pour la saison, mais les chefs des partis politiques ont profité du long congé ce week-end pour donner le dernier coup qui, espèrent-ils, leur fera atteindre leurs objectifs respectifs. Si Stéphane Dion et Stephen Harper ont entrepris de sillonner le pays d'un océan à l'autre avec arrêt obligé par le Québec, Gilles Duceppe a fait le pari de se rendre dans ses anciennes forteresses, tandis que Jack Layton a visité les communautés ouvrières de l'Ontario.
Chaque chef a martelé son message une dernière fois. Le chef du Bloc québécois a invité les Québécois à empêcher une majorité conservatrice, encore possible à son avis. Le chef conservateur a soutenu qu'il gérerait l'économie avec sobriété et ne se lancerait pas, comme son adversaire libéral avec sa taxe sur le carbone, dans une expérience fiscale. Stéphane Dion a invité tous les progressistes appuyant d'autres formations à se réfugier au PLC pour renverser les conservateurs. Quant à Jack Layton, il a promis de défendre les travailleurs.
Le moment fort du week-end aura toutefois été l'aveu de Stephen Harper, lors d'une entrevue avec le groupe Sun Media, qu'une défaite de sa part le pousserait vers la porte de sortie. «Je crois que celui des chefs des principaux partis qui perdra l'élection verra sa formation entamer le processus pour trouver un nouveau leader.»
Stéphane Dion a saisi la balle au bond. «Il est un lâcheur, pas moi», a-t-il lancé. Lorsque les journalistes lui ont demandé s'il démissionnerait aussi après une défaite, il a lancé: «Je suis le chef, je suis le chef. Je travaille pour gagner, je n'abandonnerai jamais.»
M. Harper a par ailleurs renoué avec ses instincts médiatiques, cessant de répondre aux questions des journalistes depuis dimanche. Il préfère s'adresser directement aux électeurs avec ses discours diffusés.
Le Québec courtisé
Les quatre chefs des principaux partis sont passés par le Québec au cours du week-end. Jack Layton s'est rendu dans un bar du centre-ville de Montréal samedi, où quelque 650 militants l'attendaient. Stephen Harper est pour sa part allé à Saint-Tite et à Québec dimanche, où il a invité les Québécois à tourner le dos à la caricature que Gilles Duceppe avait faite de lui.
«Il a dit que je suis le diable en personne, le diable qui vous conduira directement en enfer. Un diable avec un chapeau de cow-boy. [...] Il dit cela parce que je viens de l'Alberta, que je suis au service des pétrolières. C'est comme de dire que tous les Québécois sont des producteurs de sirop d'érable.»
Le Parti conservateur espérait prendre des circonscriptions comme Saint-Maurice-Champlain (où se trouve Saint-Tite) et conserver son monopole à Québec, mais les récents sondages démontrent que ses appuis se sont effondrés au Québec. Des gains sont peu probables et au moins trois de ses députés dans la capitale sont menacés.
C'est d'ailleurs à Québec que M. Duceppe a choisi de se rendre dimanche, dans le comté de Louis-Hébert, perdu en 2006 par 231 voix. Alors qu'il serrait des mains au marché de Sainte-Foy, le député conservateur, Luc Harvey, l'a apostrophé en lui demandant de défendre son bilan. Ulcéré, M. Duceppe l'a traité «d'imbécile». M. Harvey a par la suite déclaré que Louis-Hébert était «sa» circonscription. Le Devoir a révélé que M. Harvey courtisait les communautés pentecôtistes -- allant jusqu'à prendre la parole aux cérémonies religieuses -- pour remporter la victoire.
M. Duceppe est passé par le Saguenay, où il espère récupérer deux circonscriptions perdues aux conservateurs, notamment celle du ministre Jean-Pierre Blackburn. Il a terminé sa course à son local de campagne à Montréal. Une fois de plus, il a appelé hier les Québécois à se rendre massivement aux urnes et a invité ses militants à «faire sortir le vote».
Gilles Duceppe est convaincu que le Québec déterminera l'issu du scrutin. «Pour le moment, tout indique que c'est le Québec qui fera la différence et qui pourrait empêcher Stephen Harper d'obtenir une majorité», a-t-il affirmé. «Une majorité à Stephen Harper, c'est le jackpot pour les pétrolières, c'est la répression envers les jeunes, c'est faire reculer le droit des femmes, c'est donner un chèque en blanc à un homme qui voulait entraîner le Canada en guerre en Irak», a-t-il ajouté.
Quant à Stéphane Dion, il a appelé les verts, les néo-démocrates et les bloquistes à se ranger derrière lui pour battre les conservateurs. Dans une visite-éclair dans le château fort bloquiste de Saint-Bruno-Saint-Hubert, il s'est de nouveau présenté comme l'unique solution de rechange crédible à M. Harper. «On a la chance de stopper Stephen Harper, mais non seulement de le stopper, de le remplacer par un gouvernement progressiste pour tous les Canadiens.» Il a répété qu'«un vote pour Jack Layton ne protégera qu'un seul emploi: celui de Stephen Harper».
Le parti des chômeurs
Hier, MM. Harper et Dion ont exploité les fuseaux horaires en entamant une course folle d'est en ouest du pays. Le chef conservateur s'est rendu à l'Île-du-Prince-Édouard, a fait un arrêt au Nouveau-Brunswick et a terminé son périple à Vancouver en soirée. Le chef libéral a suivi un itinéraire similaire, débutant lui aussi à Fredericton, s'arrêtant à Longueuil, Winnipeg et Richmond, en Colombie-Britannique.
Jack Layton quant à lui a sillonné sept circonscriptions ontariennes où les pertes d'emplois dans le secteur manufacturier ont fait mal. Il s'est porté à la défense de ces gens inquiets. «Tout le long de l'autoroute 11, de la 17 dans le nord de l'Ontario et le long de la 401, vous trouverez des gens qui ont perdu leur emploi, qui contribuaient à leur communauté, mais les emplois bien rémunérés disparaissent et le gouvernement ne fait rien», a-t-il dit pendant qu'il se trouvait à St. Thomas. Le chef du NPD s'est notamment rendu à Oshawa, ville vivant de l'industrie automobile, en compagnie de son mythique prédécesseur, Ed Broadbent.
Le dépouillement électoral ce soir risque d'être riche en émotions fortes. Les sondages sont si serrés et si volatiles que tout peut arriver. Le gagnant de cette 40e élection générale pourrait n'être connu que tard en soirée.
Au moment de la dissolution du Parlement, le Parti conservateur détenait 127 sièges, le Parti libéral, 95, le NPD, 30 et le Bloc québécois, 48. Le Parti vert en avait recruté un (Blair Wilson, en Colombie-Britannique). Il y avait trois indépendants et quatre sièges vacants (dont deux au Québec). Avec un total de 308 sièges, il faut 155 députés à un parti pour détenir la majorité.
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Avec la collaboration de Marco Bélair-Cirino
Avec La Presse canadienne


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