Il était temps qu'il se passe quelque chose dans cette campagne électorale plus drabe qu'un mur d'hôpital. La petite étincelle est venue non pas des politiciens, mais d'une obscure vidéo diffusée jeudi soir sur YouTube.
Michel Rivard, Benoit Brière et Stéphane Rousseau se payent la traite pour dénoncer les coupes du gouvernement Harper dans la culture. Rivard joue son propre rôle. Il va demander une subvention, au nom d'un petit festival de chanson, à des fonctionnaires fédéraux ridicules, nonos, bornés et unilingues anglais.
Il chante La Complainte du phoque en Alaska. «Did you say fuck ?», demande un fonctionnaire.
-- Non, j'ai pas dit fuck, j'ai dit phoque.
Voyez le genre... Trois minutes et deux secondes de délicieuse absurdité. Au bureau hier midi, il y a eu un attroupement devant l'ordinateur du journaliste qui a fait jouer la vidéo. Des fous rires aussi.
À en juger par les 38 256 internautes qui avaient visionné la vidéo en fin d'après-midi hier, c'est peut-être la première fois que des citoyens parviennent à faire passer leur message via Internet dans une campagne électorale au Québec. À créer un événement, je veux dire.
La campagne présidentielle américaine se déroule d'abord sur le Web. Les deux camps récoltent la majeure partie de leurs fonds dans Internet. Des artistes ont réussi à mobiliser des millions d'Américains pour Barack Obama avec la vidéo Yes we can, diffusée sur YouTube.
Jeudi soir, Michel Rivard et ses amis ont lancé une sorte de Yes we can à l'échelle québécoise. Les artistes organisent aussi un concert anti-Harper mardi soir au club Soda.
Et ils ont créé un site Web rempli de vidéos patentées gratuitement par des cinéastes anonymes.
Cette offensive fera-t-elle des vagues jusque dans l'isoloir ? Jusqu'à maintenant, on peut croire que le Québécois moyen perçoit les artistes comme des chialeux, des gras durs subventionnés qui se plaignent le ventre plein.
Fausse perception, bien sûr. Rivard, Brière, Rousseau, Ariane Moffatt et tous les gros noms mobilisés contre Harper n'ont pas besoin des subventions éliminées par le gouvernement. Ce sont les jeunes qui commencent, inconnus du public, qui ne pourraient survivre sans aide de l'État.
SEMER LE DOUTE
La moitié des artistes du Québec gagnent moins de 20 000 $ par année, concluait en 2004 une des plus vastes études jamais menées par le ministère de la Culture.
Le Cirque du Soleil, qui fait rayonner le Québec partout dans le monde, n'aurait jamais vu le jour sans coup de pouce du gouvernement. C'est de l'aide comme celle-là que le gouvernement Harper vient de couper.
À force de taper sur le clou, les artistes vont peut-être se-mer le doute chez les électeurs. Stephen Harper est perçu comme un leader fort, froid et sans empathie. On le voit depuis le début de la campagne, les gens sont heureux d'avoir un gouvernement minoritaire qui a les mains attachées.
Le plus bizarre dans cette affaire, c'est que les conservateurs ne sont pas les méchants Anglais prêts à charcuter l'identité québécoise qu'on voit dans la vidéo de Michel Rivard. Les dépenses en arts et culture du gouvernement fédéral ont augmenté de 8 % depuis 2006. Le budget du Conseil des arts a même augmenté de 50 millions.
Mais ça, on dirait quasiment que Stephen Harper ne veut pas que ça se sache. Le gouvernement s'est assuré que tout le monde prenne note des coupes de 45 millions (sur un budget de 2,31 milliards) faites juste avant le déclenchement de la campagne électorale.
Comme s'il était rentable politiquement, pour les conservateurs, d'épargner des miettes sur le dos des artistes.
Vidéo humoristique
Phoque la culture
Comme s'il était rentable politiquement, pour les conservateurs, d'épargner des miettes sur le dos des artistes.
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