La moitié des élèves de certaines classes de niveau primaire et secondaire étaient absents, lundi, pour célébrer en famille l’Aïd-el-Fitr, la fête qui marque la fin du ramadan. Des absences qui relancent le débat sur les congés religieux dans le réseau de l’éducation, surtout à Montréal.
Les écoles québécoises sont fermées lors de certaines fêtes de tradition chrétienne, comme Pâques ou Noël, mais restent ouvertes lors des grandes célébrations juives et musulmanes. Et cette « catho-laïcité » donne des maux de tête à plusieurs gestionnaires scolaires.
Le personnel du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), le plus important du Québec — et l’un des plus diversifiés sur le plan religieux — , peut demander congé à l’avance pour une série de fêtes juives, musulmanes et orthodoxes. L’école doit toutefois trouver des suppléants pour l’occasion, ce qui s’avère difficile en raison de la pénurie de personnel et des mises en isolement dues à la COVID-19.
« De manière générale, conformément à la Charte des droits et libertés de la personne, une demande de congé pour motif religieux peut être accordée aux membres de notre personnel, dans la mesure où cette absence est compatible avec le bon fonctionnement de l’organisation. Ainsi, en tout temps, les services éducatifs et la sécurité des élèves doivent être assurés », explique Alain Perron, porte-parole du CSSDM.
La présence des élèves reste obligatoire malgré cette fête religieuse, mais le centre de services estime qu’entre 10 % et 15 % des enfants étaient absents lundi pour l’Aïd-el-Fitr. Mais le taux dépend grandement du milieu : dans certaines classes, près de la moitié des élèves étaient absents, indiquent nos sources.
Dans un des pavillons de l’école primaire Marie-Rivier, dans le quartier Saint-Michel, où vit une importante communauté musulmane, plus du tiers des élèves manquaient à l’appel. Dans la classe de Marisa Thibault, 8 des 16 élèves étaient à la maison. « Ça m’inquiète, parce que certains enfants ont besoin d’efforts supplémentaires pour réussir », dit-elle.
Elle se demande si le Québec n’est pas mûr pour un débat sur les congés religieux. Y compris les fêtes chrétiennes, qui relèvent la plupart du temps des traditions, selon elle. Dans son pavillon, trois enseignants, des éducatrices au service de garde et le concierge de l’école avaient aussi congé pour cette importante fête musulmane. Un autre enseignant n’a pu avoir congé faute de suppléant, mais il aura la priorité pour l’Aïd-el-Fitr de l’an prochain.
« C’est comme Noël pour nous »
« C’est difficile avec le manque de suppléants. On a un discours d’ouverture avec nos équipes, on sait que c’est une fête importante, mais on doit éviter que la charge de travail retombe sur les épaules des autres collègues, qui sont déjà surchargés avec la pandémie », explique Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire.
Dans le réseau, des doutes surgissent « sur la pertinence de cette journée-là quand il manque la moitié des élèves dans certaines écoles », ajoute-t-elle. De son côté, l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal s’accommode de cette « réalité montréalaise ».
« C’est comme Noël pour nous », explique Hanane Alaoui, une Montréalaise d’origine marocaine qui a gardé à la maison ses enfants de 9 ans et de 14 ans, lundi, pour l’Aïd-el-Fitr. Elle a quand même envoyé le plus jeune une demi-journée en classe, pour l’aider à réussir. « C’est très important pour les familles de se rejoindre à la maison. On fait des gâteaux traditionnels, on offre des cadeaux, on porte des vêtements neufs. ».
Après 30 jours de jeûne entre le lever et le coucher du soleil, cette fête de fin du ramadan est l’occasion parfaite pour célébrer avec la famille élargie, raconte la mère de famille.
Une « catho-laïcité » ?
Jean Bernatchez, professeur spécialisé en administration scolaire à l’Université du Québec à Rimouski (campus de Lévis), estime que le réseau de l’éducation est encore en train de s’adapter à la diversité grandissante — et relativement récente — de la société québécoise. « Nos principaux congés sont associés à des fêtes catholiques ou chrétiennes. Il y a encore une croix devant les écoles dans certaines régions. Certains ont parlé de catho-laïcité dans le contexte québécois. Comme si la laïcité, c’était pour les autres », explique-t-il.
Il estime que le débat lancinant sur les congés religieux doit se régler dans chaque école ou dans chaque centre de services scolaire, « dans le lieu le plus près où le problème se pose ». « Je vois difficilement comment ça peut se gérer au niveau national. C’est à chaque milieu de trouver des solutions qui correspondent aux réalités locales. »