Le débat sur les coupes en culture a franchi de nouveaux échelons de sottise cette semaine à Québec, dévoilant encore plus nettement l'idéologie conservatrice sur laquelle repose ce «grand ménage» culturel.
En confiant au Soleil que les artistes étaient «gâtés», la candidate conservatrice Myriam Taschereau n'a que platement relayé l'oraison du parti. La ministre du Patrimoine, Josée Verner, a usé d'un autre vocabulaire: assurément pas «maltraités», ces artistes en mal de subventions!
Mme Verner a poussé plus loin sa confession, précisant qu'elle était confortée dans sa décision par les électeurs qu'elle croise. Imaginez: les citoyens n'auraient que faire des protestations des artistes! «Les gens ne m'en parlent pas, a-t-elle dit au Soleil. Et quand ils m'en parlent, je n'oserais même pas répéter ce qu'ils disent à ce sujet.»
«J'ai eu zéro téléphone!» ajoute la ministre, accrochée à ce silence radio pour justifier les compressions maudites. S'étonnera-t-on? Ce même public fantôme qui ne gonfle pas les audiences faméliques de certains spectacles de danse, représentations de théâtre ou expositions de musée, pourquoi ferait-t-il entendre sa voix? Cet argument faiblard, loin de raffermir la position des conservateurs, vient donc plutôt en confirmer le non-sens.
Il s'agit de plus d'une logique qui relève d'un populisme douteux. Le bon peuple n'a pas à dicter ainsi au gré de ses coups de coeur et de ses insatisfactions le calendrier d'un gouvernement, surtout en ce qui a trait à la création, par essence nourrie de liberté. Et puis, si ce «gros bon sens» populiste valait pour la Culture, pourquoi ne vaudrait-il pas aussi pour la Défense? Les Québécois -- sondages à l'appui! -- ont clairement indiqué qu'ils ne soutenaient pas la présence militaire en Afghanistan. Dans ce secteur toutefois, les budgets sont en pleine croissance et l'opinion populaire ne vaut pas cher.
Josée Verner fut affublée ces dernières semaines de tous les titres: de l'indifférence à la bêtise, peu d'attributs lui ont été épargnés. On ne pourra pourtant pas lui reprocher de manquer de solidarité à l'idéologie de son parti, qui place cette culture de la marginalité et des petits auditoires au rang de l'excentricité douteuse. N'oublions pas trop vite que les premières révélations liées aux compressions remettaient en question le soutien fourni au groupe torontois Holy Fuck... Un révélateur premier cri du coeur qui affiche la désaffection conservatrice pour la culture au sens large.
Car alors qu'on insiste sur le sort des artistes, les salaires des uns et les budgets des autres, c'est aux fondements de la culture qu'on s'attaque en réalité, à la liberté de création, à cette sphère non monolithique qui dépasse les seuls arts et les lettres mais se reflète aussi dans les valeurs, les traditions, les croyances, en somme, toutes choses qui ne peuvent être dictées par l'agenda gouvernemental.
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