Le président de la Russie Vladimir Poutine vient tout juste d’interdire, par le biais d’un décret présidentiel, tout rassemblement à Sotchi près des installations des Jeux olympiques (JO) d’hiver de 2014. Cette mesure ciblant directement les manifestations non liées aux JO se traduira dans les faits par un renforcement de la sécurité dans certaines zones, voir par une limitation importante d’y accéder. Pour comprendre cette situation pour le moins anti-démocratique, rappelons qu’en juin dernier, l’homme fort de la Russie avait adopté une loi punissant tout acte de «propagande» homosexuelle aux mineurs; mesure qui, en plus d’avoir provoqué un vif soulèvement de boucliers de la part des militants pour la cause homosexuelle en Russie, a été vivement critiquée par la communauté internationale qui a mis en lumière le fondement discriminatoire et homophobe de cette législation.

Au-delà de ces lois controversées, dans un contexte social russe caractérisé par de nombreux actes de violence et d’exclusion à l’égard des homosexuels et de leurs défenseurs, l’interrogation quant à ce qui devrait être fait pour y réagir dans le cadre des JO s’impose. Est-ce que l’organisation olympique devrait simplement annuler l’événement? Est-ce que chaque pays devrait décider s’il veut le boycotter ou non? Est-que la cérémonie d’ouverture seulement devrait être ignorée? Devrait-on se servir de la plateforme des JO comme tremplin afin de relayer des prises de position politique à la grandeur du globe? À mon avis, c’est cette dernière option qui serait la plus souhaitable, car il est improbable qu’un grand nombre de pays décident d’opter pour un boycottage des JO; situation qui serait évidemment très significative politiquement, mais qui punirait inutilement les athlètes qui ne demandent qu’à participer à la célébration mondiale du sport par excellence. De plus, je ne pense pas que le boycottage serait la mesure la plus efficace, puisqu’il empêcherait certains athlètes qui voudraient faire un coup d’éclat politique (par exemple aux remises des médailles) de le réaliser, comme l’ont fait Tommie Smith et John Carlos avec leur célèbre salut du «Black power» aux JO de Mexico en 1968.
En effet, pourquoi ne pas se servir des JO afin de favoriser la prise de conscience des injustices commises par le gouvernement Poutine à travers la mobilisation de l’opinion publique mondiale. Que cet événement soit une occasion de tisser des liens de solidarité et de développer un réseau d’associations vouées certes à lutter pour la reconnaissance des homosexuels, mais dans le cadre d’un projet social plus large orienté sur le respect de tous dans un monde qui nous est commun. Comme le souligne Noam Chomsky dans son Occupy, «[…] si ce réseau de solidarité se renforce et gagne la société dans son ensemble, il nous servira de rempart contre la répression et la violence.» (1) À l’hiver 2014, servons-nous pacifiquement des rues de Sotchi (où les manifestations seront permises) et des JO contre Poutine. Surmontons nos différences et définissons nous-mêmes le projet de société qui nous convient. Pour un «Occupy Sotchi»!
(1) CHOMSKY, Noam, Occupy, Éditions de L’Herne, 2013, p.78