Pour une plus grande participation de tous

Accommodements raisonnables


En soulevant la question de l'accommodement raisonnable, le chef de l'ADQ aura réussi le pari d'attirer l'attention mais, encore une fois, sans aller au fond des choses. En prenant comme point de départ de récents événements qui relèvent davantage de dérapages individuels que de véritables accommodements raisonnables, puis en érigeant ces événements au rang de menaces à notre identité, il aura surtout réussi à faire dévier de façon irresponsable un débat pourtant essentiel au développement continu de notre société.
Or il est important de se rappeler que ce n'est pas parce qu'il y a eu des erreurs et des dérapages au cours des dernières semaines que notre société et ses institutions sont elles aussi en train de déraper. Au contraire, elles peuvent sortir grandies de la discussion que suscitent ces événements.
Mon objectif, aujourd'hui, est donc de recentrer ce débat sur ce qui devrait être son véritable objet, c'est-à-dire l'identification des balises à poser pour nous assurer que nos institutions tiennent compte à la fois de la diversité de la société québécoise et de toutes ses autres valeurs fondamentales.
En présentant ce débat comme celui de la défense de l'identité québécoise devant les accommodements consentis aux minorités ethniques et religieuses, non seulement M. Dumont contribue à nous diviser entre «nous» d'un côté et «eux» de l'autre, il obscurcit aussi la véritable raison d'être de l'accommodement raisonnable, qui est de permettre au plus grand nombre d'entre nous de participer au développement de notre société.
En s'incluant dans un «nous» exclusif et en se présentant comme le défenseur d'une identité québécoise qu'il se refuse toutefois à définir, M. Dumont agit comme si le racisme mais aussi le sexisme, l'homophobie et la discrimination envers la différence n'étaient que le fait des «autres». Pourtant, si notre objectif est véritablement de bâtir une société pluraliste, ouverte et inclusive, tous les combats visant plus d'inclusion et moins de discrimination ne devraient-ils pas aussi faire partie de la définition de notre identité?
Le chef de l'ADQ agit de surcroît comme si la possibilité pour les gens issus de minorités culturelles et religieuses de participer à notre développement, par l'entremise d'accommodements raisonnables, lui enlevait quelque chose, comme si cela lui faisait perdre une partie de son identité.
À l'inverse, au Parti québécois, nous sommes persuadés qu'une société qui, comme la nôtre, définit son progrès par sa capacité à faire participer chacun d'entre nous à son développement ne gagne rien en braquant les droits d'un groupe contre ceux des autres. Au contraire, tout droit gagné, toute liberté accrue de l'individu est un gain pour tous. Le droit de vote des femmes fut un gain pour tous, la laïcisation de nos structures scolaires aussi. En d'autres mots, personne n'y perd quand nous sommes plus libres, plus inclusifs et plus égaux devant nos institutions.
Une fois ainsi posé, le débat sur l'accommodement raisonnable prend une portée beaucoup plus large, qui est celle de réduire l'exclusion et d'augmenter nos libertés. Et c'est ainsi, à mon avis, qu'il doit être abordé.
Dans les faits, cela implique que les comportements visant à exclure l'individu de sa pleine participation à la société ne peuvent faire l'objet d'un accommodement raisonnable. C'est ainsi, par exemple, que le comportement sexiste ou discriminatoire d'un groupe ne devrait jamais faire l'objet d'un accommodement raisonnable par nos institutions, même s'il s'agit d'un trait historique ou culturel de ce groupe.
Il en est ainsi parce que, comme le mentionnait la politique en matière d'immigration et d'intégration adoptée par le Québec en 1990, notre société repose sur un contrat moral par lequel tous les Québécois s'engagent à bâtir le Québec de demain. Or ce contrat découle des choix non négociables que nous avons faits comme société, soit ceux de vivre en français, de façon démocratique, dans le respect de la diversité et de l'égalité des individus, notamment celle entre les hommes et les femmes.
Les événements des dernières semaines et des dernières années nous auront amenés à réaffirmer ces choix et, ce faisant, à réaffirmer notre identité. Dans la mesure où ce débat se conduit de façon pacifique et dans le respect des individus, nous en ressortirons tous gagnants, car plus riches de la participation de tous.
***
André Boisclair, Député de Pointe-aux-Trembles, chef de l'opposition officielle et chef du Parti québécois


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1 commentaire

  • Normand Perry Répondre

    22 novembre 2006

    André Boisclair démontre de grands talents d'écrivain, impressionnant...
    Mais, tel qu'il le fut démontré hier par Michel David (l'ADQ légère), le terrain sur lequel Mario Dumont veut engager la bataille électorale est glissant pour quiconque veut marquer des points contre lui lors de la prochaine campagne électorale. Mario Dumont sait qu'il n'a aucune munition à propos du statut constitutionnel du Québec, il est fortement conscient que la position "nihiliste" de son parti en cette matière est la meilleure façon de se faire rayer de la carte électorale.
    Le terrain de l'accommodement raisonnable, dans la façon qu'il a eu d'aborder ce débat surtout, est un sable mouvant où il a grandement avantage à entraîner ses adversaires dans le débat public.
    André Boisclair vient de sauter à pieds joints dedans. S'il poursuit ainsi à fuir devant son obligation fondamentale de souffler sur la braise souverainiste québécoise et tout comme le faisait comprendre Michel David hier, l'ADQ risque fort bien de jouer un train vilain tour aux péquistes et les déloger de l'Opposition officielle.
    Tel est la morale de l'histoire de la Cigale et la Fourmi ou du Lièvre et de la Tortue.
    Ce n'est pas un diplôme de Harvard que André Boisclair aurait eu besoin pour devenir chef du PQ et éventuellement premier ministre du Québec, mais d'apprendre par coeur et de comprendre les leçons des Fables de la Fontaine !

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