L'industrie gazière doit prendre le temps de discuter

Pour arriver là, vous devez toutefois aller chercher la confiance des Québécois. Et selon moi, le fardeau de la preuve vous appartient.

Gaz de schiste






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Ce texte est extrait d'une allocution prononcée hier à Montréal devant les membres de l'Association pétrolière et gazière du Québec.*
Le développement de votre industrie est pertinent, il est requis et je souhaite qu'il se réalise. Pourquoi?
- Nous avons l'occasion unique de rapatrier chez nous, au Québec, plus de 2 milliards de dollars que nous envoyons chaque année dans l'Ouest canadien pour acheter du gaz naturel.
- J'ai la conviction que les Québécois sont capables de gérer intelligemment les risques bien réels associés à l'exploitation de la ressource.
- Et finalement, je devrais dire, accessoirement, le débat sur les gaz de schiste ayant une portée qui dépasse de loin les frontières du Québec, je ne voudrais en rien être perçu comme un de ceux qui contribuent au renforcement du lobby américain du charbon férocement opposé au développement des gaz de schiste.
Pour arriver là, vous devez toutefois aller chercher la confiance des Québécois. Et selon moi, le fardeau de la preuve vous appartient.
Les Québécois sont furieux d'être placés devant les faits accomplis. Ils ont le droit de savoir, de s'exprimer, de comprendre. Ils ont droit à leur qualité de vie, à la sécurité. Ils sont attachés à la qualité de leur environnement et vont le protéger avec vigueur. Ce qu'ils demandent, c'est la possibilité d'engager une vraie discussion avec vous. Et pour moi, une vraie discussion, c'est plus qu'un débat d'un soir. Vous avez la responsabilité de répondre à ces questions et faisant appel à des spécialistes neutres et respectés qui pourront corroborer vos opinions et qui contribueront ainsi à distinguer les mythes de la réalité.
Je sais que vous pensez pour la plupart détenir les réponses à ces préoccupations. Mais votre opinion est intéressée; elle n'est pas neutre. Les images venant de Pennsylvanie ont marqué l'imaginaire. L'étude récente de l'Université de Toronto au sujet de la protection des eaux souterraines soulève aussi d'importantes questions que vous ne pouvez ignorer.
Oui, je sais: vous prévoyez utiliser moins d'eau que les lave-autos en consomment chaque année au Québec; vous n'utiliserez guère plus de 2% des volumes utilisés par l'industrie des pâtes et papiers.
Mais fournir la réponse sans que les Québécois contribuent à la réflexion demeure un exercice incomplet. D'ailleurs le ministère de l'Environnement de l'État de New York ne vient-il pas de conduire ses propres études? En passant, sa conclusion: la fracturation hydraulique ne pose pas de risques importants pour la nappe phréatique. (...)
L'expression «développement durable» se glisse très bien dans un discours. C'est tendance. Mais comment ça se passe dans les faits? Comment allez-vous intégrer cela dans votre modèle d'affaires? Comment, au-delà de la question de la protection de notre environnement, allez-vous faire participer les Québécois au développement de votre industrie? Comment allez-vous discuter avec eux? C'est à cela que vous devez réfléchir.
Une fois fait, il vous faudra respecter le plan de match. Et selon moi, ce plan doit être élaboré avec les gens des régions où vous irez vous installer. Je suis persuadé que vous êtes conscients de l'importance déterminante de toutes ces questions dans l'issue du débat. Démontrez-le.
Ne soyez pas pressés. Prenez le temps de discuter et d'écouter. Vous allez vite vous rendre compte que les Québécois savent faire la part des choses et que leur grande intelligence collective les mène à saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent. Faire confiance à la population demeure toujours la meilleure alternative, car sans son appui, rien n'est jamais possible.
* L'auteur a été ministre de l'Environnement du Québec, puis chef du Parti québécois.


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