Pourquoi les États-Unis veulent-ils la guerre?

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Parce que ça rapporte

La première se livre au Moyen-Orient contre des islamistes sunnites qu’ils avaient précédemment financés et armés avec le soutien des princes saoudiens, pour contenir l’Iran chiite, et qui depuis se sont retournés contre eux. L’Amérique certes n’y intervient pas encore par des troupes au sol, trop impopulaires, mais par des frappes aériennes, toutes aussi coûteuses qu’inefficaces. Si les Russes ne s’étaient pas interposés, Obama se préparait à lancer une guerre d’une tout autre ampleur contre Bashar al Assad, allié de la Russie (suvi par un Hollande qui n’avait lui vraiment rien à gagner dans cette affaire). Rien ne permet aujourd’hui de penser qu’il ait renoncé à ce projet, qui serait fou, compte tenu du fait que l’armée de Damas est d’une autre force que les bandes du pseudo État islamique, même renforcées des puissants chars américains Abrams précédemment vendus aux Irakiens, et capturés par ces bandes.
La seconde guerre est en Ukraine, aux frontières de la Russie. L’Amérique ne s’y est pas encore engagée militairement, sauf par l’intermédiaire de mercenaires qu’elle a recrutés et armés, mais elle s’y prépare, et avec de tous autres moyens. Cela non pas contre les indépendantistes de la Novorussia, mais contre la Russie elle-même. C’est ainsi qu’elle a relancé, en Roumanie et en Pologne, la mise en place d’un coûteux barrage anti-missiles terrestre et naval, dont la dénomination d’origine est Ballistic Missile Downlink Enhancement (BMDE) [1]. Le projet de guerre avec la Russie serait autrement plus fou que celui de guerre contre la Syrie ou l’Iran, car il pourrait déboucher sur des affrontements avec du matériel nucléaire tactique. Mais l’Amérique est amplement pourvue de ces derniers.
Les observateurs naïfs se demandent pourquoi l’Amérique, que l’on dit en recul sur un certain nombre de points, manie de nouveau le feu, comme du temps de G.W. Bush et pendant la Guerre froide. La réponse n’est pas difficile à trouver. Elle s’explique par le jeu de plus en plus dangereux que mène le lobby ou complexe politico-militaro-industriel, lequel a toujours plus ou moins dirigé le pays, en s’opposant sans hésiter, y compris par des moyens criminels, aux forces (réellement) plus démocratiques.
Pour ce lobby, il est désormais indispensable de relancer des dépenses tous azimuts en matériels militaires, que la crise boursière et les successives économies budgétaires forcées avaient paru un moment menacer (politiques de restrictions budgétaires dites de sequestration). Tout est bon à prendre aux yeux de ce lobby. C’est ainsi que le coût important des moyens aériens et des munitions mis en œuvre dans les interventions aériennes au Moyen-Orient est pain béni pour lui. Le BMDE, quant à lui, se traduira par des commandes bien plus importantes, en terme de missiles et de plateformes Aegis, que le ministère de la Défense américain sera bien obligé de financer, vu le manque d’enthousiasme de ses alliés au sein de l’Otan.
La paix ne rapporte rien au complexe militaro-industriel américain
En ce qui nous concerne, nous n’avons pas à ce jour d’éléments suffisants pour évaluer le coût du réarmement qui permettra à l’US Army de s’engager plus à fond sur les différents théâtres moyen-orientaux et européens, mais nous pouvons sans risques prédire que les experts du lobby militaro-industriel ont fait le calcul pour leur compte. Et ça leur rapporte gros, c’est certain. A l’inverse de la paix, qui ne leur rapporte rien.
Le complexe militaro-industriel américain exerce donc des pressions de plus en plus fortes pour obtenir une escalade militaire totale contre la Russie et une intervention généralisée des Américains au Moyen-Orient. Des milliards de dollars de vente d’armes sont en jeu. On a relevé que les valeurs boursières des géants américains de l’armement (par exemple Lockheed Martin, Northrop Grumman ou Raytheon) montent rapidement, au sein d’un marché par ailleurs plutôt asthénique. Chaque sortie d’avion de combat en Irak et en Syrie, chaque missile lancé, chaque navire de guerre présent en Méditerranée ou en mer Noire, se traduit par d’importants bénéfices pour ces entreprises. Les ventes futures de matériels militaires aux États arabes, qui ne peuvent s’en passer, sauf à disparaître, représenteront une opportunité d’affaires, que le complexe ne veut pas perdre.
Par ailleurs, plus Poutine s’engagera en retour dans des politiques de modernisation d’un matériel militaire datant souvent encore de la Guerre froide, plus le complexe se réjouira. Si, par ailleurs, la Russie et la Chine se mettaient d’accord pour procéder à des investissements militaires en commun, le complexe militaro-industriel américain en tirerait autant d’arguments pour obtenir une augmentation du budget militaire américain, qui représente pour lui une manne [2].
Le poids politique des faucons
Au plan politique américain, les faucons travaillant pour le compte du complexe ne sont pas seuls à se faire entendre. Un certain nombre de Représentants, au sein du Congrès, tant chez les Républicains que chez les Démocrates, voudraient au contraire que le pays s’engage dans des dépenses d’infrastructures civiles ou autres, dont il aurait bien besoin. Mais bénéficieront-ils du soutien de la Nation? Et qu’en sera-t-il d’Obama lui-même, qui, pour le moment, semble flotter entre des influences contraires (comme à son habitude).
Il n’est pas exclu que, dans les semaines ou mois prochains, une provocation de grande ampleur, montée par le complexe et ses alliés au sein de l’administration fédérale, notamment par la CIA, provocation analogue à ce que fut l’attentat du 11 septembre contre le World Trade Center, ne fasse disparaître toute opposition libérale. Alors le pire sera à craindre.
Jean-Paul Baquiast
Notes
1] [Au revoir le BMDE. Rebonjour le BMDE (europesolidaire.eu, français, 15-10-2014)
2] [Coopération russo chinoise en matière de boucliers anti-missiles (europesolidaire.eu, français, 15-10-2014)


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