Rarement n’a-t-on vu une telle menace pour la démocratie au Québec. La concentration des médias a atteint un tel niveau que la santé du processus démocratique et la liberté d’expression sont en péril.
Quebecor de Pierre-Karl Péladeau a réussi avec sa stratégie de« convergence » (un terme mielleux remplaçant « monopolisation ») à mettre la main sur un vaste réseau médiatique chevauchant l’imprimerie commerciale, la presse écrite, les médias télévisuels, la câblodistribution et les portails internet.
Qu’est-ce que Quebecor?
Faisons un portrait rapide de Quebecor. Tout d’abord, il s’agit d’un amalgame d’entreprises de communication à concentration verticale.
Quebecor, c’est Videotron, le plus grand réseau câblé dans la province et Canoë, un portail internet bien connu. C’est aussi le groupe télévisuel TVA, les librairies Archambault, les éditions CEC et Sogides incluant les Éditions de l’Homme ainsi que les Presses Libres. Il ne faut surtout pas oublier Sun Media avec son éventail de journaux comprenant Le Journal de Montréal, le Journal de Québec, le Toronto Sun et bien d’autres quotidiens locaux.
Le tout générant près de 4 milliards de dollars de revenus annuellement.
Nous devons aussi inclure les imprimeries de Quebecor World, présentement sous la protection de la loi sur les arrangements avec les créanciers, qui rapportaient presque 7 milliards de dollars à la fin de l’exercice fiscal 2006 (source).
Les périls de la concentration et de la convergence
Au fil des années, Quebecor acquis de nombreuses entreprises afin d’étendre ses activités et d’opérer de la sorte des économies d’échelle. En ayant la mainmise sur des compagnies aux fonctions complémentaires, elle a pu réduire ses coûts d’opération en contrôlant du bas jusqu’au haut tous les intermédiaires impliqués dans son processus de production.
Des presses de l’atelier d’imprimerie à la Une du Journal de Montréal, de l’enregistrement des nouvelles du soir à TVA jusqu’aux téléviseurs des clients câblés de Videotron, Quebecor contrôle de A à Z l’ensemble des étapes d’exploitation.
La machine fonctionne tellement bien qu’une récente étude d' Influence Communication révèle qu' "en 2008, 36% de la couverture des quotidiens de l’empire Quebecor a porté sur des émissions diffusées par ses propres chaînes (TVA et LCN, entre autres)" et que plusieurs autres émissions issues d’autres réseaux ont été éclipsées.
Seulement, c’est que toute cette concentration indue pose un problème éthique évident. Outre le fait que l’on impose un modèle culturel aux clients en privilégiant tel contenu provenant du même propriétaire au lieu d’un autre originaire d’un concurrent, il y aussi la problématique de la conservation de la liberté de presse et de l’objectivité des journalistes.
C’est ce qu’évoquait l’Institut de Recherche sur le Québec à la suite d’un avis du Conseil de Presse du Québec datant de 2003 : « on constate que les salles de rédaction et les rédacteurs en chef sont en perte d’autonomie et d’indépendance face aux directives formelles et informelles des propriétaires ayant des visées certes économiques mais aussi idéologiques ».
Ingérence politique de Quebecor
Depuis les tentatives de rationalisation de Quebecor par son président, Pierre-Karl Péladeau, initiées avec l’ancien conflit au Journal de Québec et se continuant avec le présent lock-out au Journal de Montréal, nous avons pu constater de nombreuses attaques contre le modèle québécois et le mouvement syndical à TVA/LCN ainsi qu’au Journal de Montréal avec des campagnes propagandistes telle que « Le Québec dans le rouge » et les participations de ténors de droite comme Daniel Audet, Nathalie Elgrably, Joseph Facal et Richard Martineau dont certains sont collaborateurs à l’Institut Économique de Montréal.
Le patron de Quebecor cherche évidemment à dicter une direction idéologique à son empire en privilégiant les discours de la droite économique et en implantant une nouvelle agence de presse de son cru dénommée QMI.
Plusieurs éléments de preuves peuvent appuyer ce constat :
- Dans un récent article de QMI, une agence se prétendant de même qualité et aussi objective que la Presse Canadienne ou l’AFP, on a pu lire, dans un texte sans auteur, une phrase émettant clairement un jugement de valeurs contraire à la véritable objectivité journalistique : « Les gouvernements ont-ils raison de sacrifier autant d’argent alors que les finances publiques sont à la dérive? Le déficit du Québec devrait se chiffrer à près de cinq milliards pour l’exercice 20092010 et celui d’Ottawa atteindra une cinquantaine de milliards. »
Le travail d'un journaliste se borne à rapporter les faits, pas à les interpréter.
- En février 2010, un article du journaliste Dany Doucet du Journal de Québec, repoussait l’insolence et le dédain de la volonté populaire au delà de ses limites. La trame et le titre de son torchon « Le Québec dans le rouge: dix solutions acceptées » laissent perplexe.
Se basant sur un sondage, il affirme que les recettes proposées pour s’attaquer aux « vaches sacrées » de la société québécoise sont approuvées par la population!
Depuis quand un sondage traduit la volonté d’un peuple? Depuis quand on remet l'expression des désirs d’une société à un média qui affirme sans équivoque qu’un consensus s’est dégagé sans à prime abord qu'un véritable débat public se soit déroulé ou qu'une implication des citoyens ait eu lieu?
On suggère carrément aux citoyens ce qu'ils doivent penser. Pure démagogie et propagande, voilà tout.
- Le 28 octobre 2009, on publiait le prétendu témoignage d’un papa québécois qui s’inquiète de la dette publique refilée à son bambin. Ce que le Journal de Montréal a évité de dire dans cet article est que ce père, Yannick Labrie, est un chercheur associé à l’Institut Économique de Montréal, un groupe de réflexion de droite!
Quebecor est vraiment prompt à faire toutes les bassesses et joue sur la fibre sentimentale ainsi que sur la fourberie afin de faire passer son message doctrinal et propagandiste.
En conclusion
L’arrogance du prince des médias ne s’arrête donc plus à la sphère communicationnelle, son terreau naturel, mais déborde maintenant sur la vie publique et politique du peuple québécois. Jamais le pouvoir d’un seul homme n’a autant menacé la viabilité démocratique du Québec.
Un danger qu’a mis en lumière la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) : « Le président de la Fédération, Bryan Myles, considère que le droit du public à une information complète et diversifiée est menacé ».
Même constation de la part de l’Institut de Recherche sur le Québec : "l’uniformisation et la standardisation du contenu fait en sorte que le pluralisme idéologique et la libre circulation des idées inhérents à la bonne santé démocratique d’un pays sont mis en péril. Cette situation constitue un danger puisque la diffusion de différents points de vue sur un enjeu est réduite"
Les autorités publiques devraient se pencher sur ce dossier et envisager un démantèlement de Quebecor pour assurer une véritable pluralité de l’information et des opinions mais aussi pour empêcher une domination des points de vue et conséquemment des intérêts particuliers de certains individus sur ceux de la population en général.
La vie démocratique du Québec en dépend.
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11 commentaires
Jimmy St-Gelais Répondre
21 février 2010Mise à jour au 21 février : le nouveau président du Conseil de presse du Québec évoque le problème: « John Gomery entend proposer des décisions plus tranchées lorsque des dérives journalistiques surviendront. Il y a quelques jours, un article signé Agence QMI dans le Journal de Montréal faisait carrément la promotion d’articles dérivés de la téléréalité Montréal-Québec diffusée sur les ondes de TVA. Ce genre d’article est-il un dérapage aux yeux du nouveau président? « Si un journaliste prône une certaine attitude, c’est son droit. S’il a été engagé pour faire la promotion, ce n’est plus du journalisme, mais bien du lobbying. Je pense que ça devient une [faute] en matière de déontologie et le reporter doit être critiqué », a-t-il répondu.
http://www.ruefrontenac.com/nouvelles-generales/55-enjeux/18208-gomery-conseil-de-presse
Jimmy St-Gelais Répondre
14 février 2010@maisencore
Pour une personne qui se dit réfractaire aux argumentaires dirigés et malhonnêtes, le votre ne manque pas d’aplomb.
« Écrire un article complet, utiliser sa plume pour dénoncer la concentration des médias (que toutes les sociétés occidentales vivent) en oubliant le principal protagoniste(GESCA), ça c’est une vraie menace, à notre intelligence. »
Est-ce que Gesca possède un vaste réseau multisectoriel en communication comme Quebecor? En fait, vous ne semblez pas cibler le bon « protagoniste ».
De plus, vous avez tendance à mal distinguer la différence entre concentration et convergence. Nous avons dépassé le stade de la concentration des médias avec Quebecor. Maintenant, on crée le produit, on le fabrique et on le vend en le moussant partout dans l’empire. Il en est de même pour les idées politiques.
Jimmy St-Gelais Répondre
14 février 2010Et cher anonyme, vous devriez aussi considérer ces faits avant de blamer la gauche:
La dette publique du Québec, qui fut de 2,2 milliards en 1971, augmenta jusqu’à 128,7 milliards en 2009 en complète synchronicité avec les élévations des bénéfices ainsi que des allégements d’impôt des entreprises privées canadiennes. De 1964 à 2004, les profits des compagnies furent multipliés par un facteur de 4,7 tandis que leurs contributions fiscales diminuèrent de 4,2% à 2,4% du PIB de 1984 à 2004 (soit 43% de moins)! En 1999, 52% des entreprises québécoises n’ont pas payé d’impôt alors qu’elles avaient enregistré plus de 9 milliards de bénéfices! De plus, en 2002, Québec a octroyé 4,2 milliards d’aide financière aux gens d’affaires tandis que leurs compagnies n’avaient contribué que 3 milliards aux deniers publics! Un manque à gagner de 1,2 milliard (source)! Et les mercantiles ne cessent de se plaindre qu’ils sont trop taxés au Québec!
Quel est le résultat de cette dynamique de transfert du fardeau fiscal des entreprises vers les petits citoyens? En 2008, 80% des revenus de l’État provenaient des particuliers!
http://pourquedemainsoit.wordpress.com/2009/11/01/convergence-politico-mediatique/
Jimmy St-Gelais Répondre
14 février 2010@JCPomerleau
Je ne vois pas la pertinence d’obtenir l’indépendance du Québec pour ensuite remettre les clefs de la province à une élite médiatique et économique québécoise.
C’est simplement changer un tyran pour un autre.
@Au courageux Anonyme
« Drôle de gauche qui s’attache à ss privilèges au dépens des démunis... »
Votre discours fallacieux me sidère.
La droite attaque toujours la gauche sans se regarder dans le miroir et, si elle y regardait, elle verrait que ses politiques d’évasion fiscale, de congés d’impôts pour les compagnies et son laxisme en matière d’exploitation des ressources naturelles sans compensation véritable à l’État québécois sont beaucoup plus responsables des déboires financières du Québec que les mouvements syndicaux.
À ce sujet voir Le vol de la dette publique:
http://pourquedemainsoit.wordpress.com/2009/10/10/le-vol-de-la-dette-publique/
Et parlons des fonctionnaires québécois, un peu moins de 500 000, dont près de la moitié a un statut occasionnel ou temporaire. Dans ce contexte, tout l’argumentaire des avantages sociaux indus du fonctionnaire décriés par la droite idéologique en prend un coup dans l’aile.
@André Morin et les autres
Merci de vos commentaires!
Archives de Vigile Répondre
14 février 2010J'ai toujours un profond malaise en lisant ce genre d'argumentaire dirigé et malhonnête. Parler de la main mise de Quebecor sur un réseau médiatique puissant - qui en passant monétarise et rentabilise une industrie culturelle qui en a grandement besoin- comme étant une menace à la démocratie avec comme premier et seul argument la concentration des médias et sans jamais parler de Gesca, est un peu faible. Écrire un article complet, utiliser sa plume pour dénoncer la concentration des médias (que toutes les sociétés occidentales vivent) en oubliant le principal protagoniste, ça c'est une vraie menace, à notre intelligence.
Archives de Vigile Répondre
14 février 2010Pierre-Karl oublie de nous dire qu'en un peut plus de dix ans il amis en banqueroute l'Empire de son père, et si le gouvernement du Québec par l'entremise de la Caisse de Dépôt ne lui avait pas avancé l'argent pour acheter Vidéotron il serait dans la déchéance.
Vidéotron a été bâti par un visionaire monsieur André Chagnon aidé de milliers de travailleurs du Québec, des syndiqués et des non syndiqués mais qui travaillaient tous pour une personne reconnaissante.
Avec une dette de 7 milliards Pierre -Karl est plus pauvre que les gens qu'ils s'amusent à mettre ne lock-out et de tous les Québécois.
Grâce à un système capitaliste ou il se trouve un privilégier il continue à essayer d.écrasé les gens, pour moi tout celà nous démontre à quel point nous n'avons pas besoin de ce personnage à la tête d'une de nos plus belle industries au Québec.
Donné lui encore dix ans et il aura tôt fait de détruire ce jloi fleuron.
André Morin employé retraité de Vidéotron .
Archives de Vigile Répondre
14 février 2010Vous avez oublié dans la nomenclature de l'empire le groupe Musicor qui produit des disques et Distribution Sélect qui distribue des disques (de Misicor et autres) qui peuvent être achetés chez Archambault...
Archives de Vigile Répondre
13 février 2010Bien entendu quand un entrepreneur remet en question les privilèges syndicaux c'est anti-démocratique
Quand la population attend 16 heures à l'urgence, accepte les augmentations salariales de la fonction publique alors que le gouvernement est en déficit, accepte des augmentations de tarifs sans augmentation de service, elle est simplement solidaire....
Drôle de gauche qui s'attache à ss privilèges au dépens des démunis...
Gilles Bousquet Répondre
13 février 2010Totalement pas d’accord avec m. St-Gelais et d’accord avec M. Pomerleau. Affaiblir le groupe Péladeau ne pourrait que renforcir le groupe Desmarais, full-fédéraliste et anglophile par excellence. Contre les nationalistes québécois.
Isabelle Poulin Répondre
13 février 2010Merci de votre splendide intervention ! Il faut aussi changer collectivement nos méthodes pour se donner un espace nécessaire pour sortir les gens de la transe. Je pense qu'on peut tous faire pencher le bateau du même bord si on se passe le mot. Le lundi sera notre jour de recul, tous ceux qui peuvent se libérer le lundi ou choisir de le faire avec les conséquences ...par ce que de toute façon on va mourrir avec la job, notre emploi nous aveugle, nous donnons notre consentement à une prise d'ottages.
Archives de Vigile Répondre
13 février 2010Ce démantellement de Quebecor a déjà été proposé par H P Rousseau, alors à tête de la Caisse de dépôt; Il a avait demandé à P K Péladeau de céder Vidéotron à Roger.
Ce démantèlement de Quebecor aurait profiter à qui ? Si non à Gesca-La Presse de Paul Desmarais, ultra fédéraliste, qui n'a que faire de l'intérêt supérieur du Québec .
À tout prendre je demeure avec le journal du peuple.
Il serait peut être temps que les leaders syndicaux sortent de leurs cubicules corporatistes, élargissent leurs perspectives, pour reprendre contact avec la réalité politique du Québec.
JCPomerleau