J'ai lu avec grand intérêt la lettre de monsieur Guy Rocher, parue lundi dans les pages du Devoir. Au terme de la consultation générale, plus de 75 mémoires auront été présentés par des groupes de citoyens ou par des individus. Aussi, depuis le déclenchement de la consultation, j’évite de prendre publiquement position, cette étape du processus étant plus propice à l’écoute et à la réflexion sur d’éventuels ajustements. Je me vois dans l’obligation de faire exception à cette règle, afin de répondre à M. Rocher, professeur émérite et corédacteur de la Charte de la langue française en 1977, un homme pour qui j’ai une grande admiration et un profond respect.
À l’instar de M. Rocher, je crois que la langue de travail constitue le principal enjeu pour assurer la survie et l’épanouissement du français. Notre langue commune se doit d’être la langue de l’emploi et de la réussite professionnelle sinon tôt ou tard elle se folklorisera.
Par son action ferme et patiente au sein des comités de francisation, le mouvement syndical a fortement contribué à la francisation des grandes entreprises. Ces comités de francisation sont essentiels et continueront à jouer un rôle important dans l’avenir. À cet égard, je souligne que le libellé actuel du projet de loi 14 ne correspond pas à « l’intention du législateur ».
En effet, je souhaite, dans le cas où un comité de francisation n’atteint pas ses objectifs, qu’une entreprise puisse substituer à ce comité un mécanisme plus approprié, après approbation de l’Office québécois de la langue française. Il va de soi également que lorsqu’un syndicat représente les travailleurs de l’entreprise, l’approbation du syndicat sera aussi requise. Les centrales syndicales les plus présentes dans le secteur privé ont déjà été informées de ma volonté à ce sujet.
M. Rocher souhaite en outre que les comités de francisation soient implantés dans les entreprises de 26 à 49 employés. Ici, nous divergeons d’opinion. Le projet de loi 14 prévoit des mécanismes pour s’assurer que le français soit la langue normale et habituelle du travail, mais l’obligation de créer un comité de francisation dans les entreprises de cette taille représente un irritant trop important. Ces entreprises ne disposent généralement pas des mêmes services de ressources humaines que les grandes entreprises. La souplesse sur les moyens, associée à une obligation de résultat, me semble ici préférable. D’ailleurs, lorsque j’ai proposé à de nombreux représentants de petites entreprises que les comités sectoriels de main-d’oeuvre les soutiennent dans leurs démarches de francisation, j’ai reçu de leur part un accueil généralement favorable.
M. Rocher n’a malheureusement pas pu, en raison probablement de contraintes d’horaire, participer aux travaux préparatoires du projet de loi 14 coordonnés par celui qui tient un rôle comparable à celui qu’il tenait en 1977, le sous-ministre associé à la langue française, M. Jacques Beauchemin. Nous serions heureux de pouvoir bénéficier de son expertise, puisque nous sommes encore à quelques semaines de l’adoption de principe du projet de loi 14, laquelle sera suivie, si le principe est adopté, de l’étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire. J’espère sincèrement que nous aurons la possibilité de pouvoir échanger sur cet important enjeu pour le Québec.
Diane de Courcy - Ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles et ministre responsable de la Charte de la langue française
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