Face au mouvement étudiant

Répression ou compromis ?

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012

Dans le tournant décisif de ces prochains jours, plus que jamais, les mots unité, solidarité et responsabilité, devront prendre des formes concrètes, vivantes, variées et imaginatives, au sein du mouvement étudiant, mais aussi dans la population qui doit être consciente de ce que pourrait signifier la victoire ou la défaite d’une partie significative de la jeunesse du Québec.
La “carotte et le bâton”…
Si le pouvoir personnifié par Monsieur Charest et ses acolytes a tendu la main au mouvement étudiant, on a pu constater que la carotte offerte, sous forme de promesse d’endettement, était plutôt avariée. Il n’est pas besoin, d’autre part, d’être grand stratège pour deviner ce que tient l’autre main… ! À la faveur de ce qu’il considère comme un appui dans l’“opinon publique”, le «garnement» (selon le détournement textuel de Sol…) ne s’est certainement pas abstenu d’élaborer divers scénarios que d’aucuns pourraient sans doute qualifier de “répressifs”, voire de “machiavéliques”. C’est ce dont un certain Victor Serge prévenait ceux et celles qui d’aventure décident d’affronter le pouvoir, dans son classique «Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression» (1925).
Que l’on se rassure, il ne s’agit pas, comme en 1970, et selon une autre expression du même délinquant textuel, de récidiver avec les “mesures de naguère”… Mais il faut quand même s’attendre à ce que les policiers soient contraints de faire des heures supplémentaires, et que d’autre part, avocats et juges à la solde du pouvoir soient mis à contribution dans une opération de “retour à la normale”. Nul doute que le scénario d’Alma ne soit l’objet d’une planification juridico-politique visant à sa généralisation à l’échelle du Québec, opération dans laquelle les enseignants risquent fort d’être les otages d’un décret, voire d’une loi spéciale que l’on pourrait d’avance qualifier d’inique.
Face à des scénarios fort malvenus, mais néanmoins probables, les acteurs de l’institution scolaire, directions, cadres, enseignants, employés … et étudiants, auraient à prendre position d’une manière à la fois éthique et pratique … Les autres citoyens ne manqueraient pas d’être également interpellés. Quant aux divers agents de l’État, éventuellement conscrits dans une stratégie répressive gouvernementale, ils ne seraient pas en mesure d’écarter de leur conscience la question de la légitimité du détournement politique de leur fonction.
Le gouvernement aurait-il, malgré tout, dans ses “cartons”, une véritable solution de compromis permettant de résoudre le conflit actuel ?
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La démarche unitaire des trois composantes organisationnelles (CLASSE, FEUQ et FECQ) du mouvement étudiant, qui rejettent la proposition piégée du gouvernement, est à souligner. Cette proposition constitue en fait une autre étape dans la stratégie de fermeture et de pourrissement du conflit, élaborée par un pouvoir étatique de plus en plus discrédité, qui tente d’instrumentaliser les contradictions et failles du mouvement étudiant, pour se faire un capital politique à la fois très douteux et fragile.
Cette stratégie unitaire laisse entrevoir la possibilité d’une résolution adéquate d’un conflit que le gouvernement a aussi mal géré que les précédentes et déplorables “affaires” qui marqueront historiquement une ère “Charest” en train de se terminer : abandon de la défense de la langue nationale, dérives multiculturalistes et anti-laïques, subventions spéciales aux écoles religieuses juives, Mont-Orford, Suroît, industrie du gaz de schiste, collusion et corruption aggravées par des associations mafieuses, etc.
Défis du mouvement étudiant
Les deux parties du conflit ont chacune leurs lacunes, d’où l’incertitude stratégique actuelle. En effet, si le mouvement étudiant, représentant un milieu social (élèves du secteur postsecondaire) issu d’une sélection socioéconomique et culturelle, a de la difficulté à établir sa légitimité sur le plan éthique, le gouvernement est de son côté totalement démuni à cet égard, même si l’actualité présente a tendance à nous faire oublier la corruption qui ronge les bases morales d’un parti qui ne représente plus qu’une minorité sociale prédatrice.
Le mouvement étudiant a un sérieux examen éthique à faire de ses actions. Plutôt que de s’en prendre à des travailleurs dans le contexte de leurs activités professionnelles, le mouvement étudiant aurait tout à gagner en faisant valoir que les futurs diplômés apporteront une contribution importante à la société, plutôt que de choisir par exemple de se mettre au service d’entreprises antisociales ou d’aller chercher à l’étranger de meilleurs salaires avec un diplôme qui aura été subventionné par leurs concitoyens… ! Les futurs membres de la petite-bourgeoisie ou de la bourgeoisie, auraient aussi intérêt à convaincre les exclus d’une société à deux vitesses, qu’ils ne revendiquent pas des privilèges, mais des droits, et qu’ils sont et seront solidaires, au delà du discours, comme le font par exemple le Dr Julien et son équipe de professionnels et de bénévoles, de tous ceux et celles qu’une machine économique impitoyable a déclassés.
Solidarité
Dans la perspective d’un soutien lucide et critique au mouvement étudiant, il serait de mise pour les citoyens socialement responsables, de se montrer solidaires de la jeunesse étudiante, entre autres en participant à la manifestation de ce lundi 9 avril à 12h à Montréal (à la place Émilie-Gamelin; métro Berri-UQAM).
Yves Claudé


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