Deux cols bleus roués de coups, un bâtiment fermé pour protéger les travailleurs et un sentiment d'insécurité persistant : la Ville a retiré des employés d'un secteur de Saint-Laurent, depuis la mi-mars, parce que des jeunes sèment la peur dans le seul parc qui s'y trouve. Conséquence, les citoyens du « Petit Beyrouth » - un quartier défavorisé et très densément peuplé - sont privés de services de proximité.
« TABASSÉS »
Le parc Painter, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, est depuis longtemps fréquenté par des bandes de jeunes ayant des comportements problématiques, selon la police, mais la tension a atteint son paroxysme le 19 mars dernier. En plein dimanche après-midi, deux cols bleus chargés de surveiller le parc ont été « tabassés », a confirmé Jean-Pierre Brabant, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui décrit « des blessures à la tête, [une] arcade sourcilière fendue, [des] douleurs au dos, [des] douleurs à la hanche, [des] douleurs à l'avant-bras ». Les deux employés, âgés de 58 et 60 ans, sont en arrêt de travail pour plusieurs semaines, selon nos informations. Ils tentaient d'intervenir auprès de jeunes qui faisaient du grabuge dans le « chalet » du parc. Trois d'entre eux ont été arrêtés.
« ON FERME LA PLACE »
Ce chalet est le seul bâtiment où des services municipaux sont offerts dans le quartier Chameran, un secteur enclavé entre l'autoroute 15, une voie ferrée et le boulevard de la Côte-Vertu. Une mini-bibliothèque s'y trouve, des activités communautaires s'y tenaient. C'est « le seul endroit public facilement accessible, a indiqué Maryse Chapdelaine, coordonnatrice de la revitalisation dans ce secteur. On offre beaucoup d'activités pour les aînés, pour leur permettre de sortir un peu de chez eux. Mais depuis deux semaines, ce n'est plus possible. » Des activités pour les jeunes animaient aussi les lieux. Mais depuis la mi-mars, les portes sont verrouillées. « On ferme la place tant et aussi longtemps qu'on [ne pourra] pas garantir à notre personnel un retour au travail sécuritaire », a indiqué Paul Lanctôt, porte-parole de l'arrondissement de Saint-Laurent. « Il n'y a plus de surveillants de parc non plus. »
PATROUILLES RENFORCÉES
Le commandant du secteur au SPVM, Miguël Alston, assure faire du parc Painter une priorité. « Je suis arrivé à Saint-Laurent en juin dernier. Depuis mon arrivée, on me parle d'un sentiment d'insécurité, sans toutefois qu'il y ait de la criminalité recensée par des plaintes au 9-1-1 », a-t-il indiqué en entrevue avec La Presse - consommation de drogue, grabuge, incivilités. L'événement du 19 mars avait été précédé d'un autre, survenu l'automne dernier, au cours duquel des jeunes avaient fait du grabuge dans la mini-bibliothèque du chalet, jetant des rayons de livres par terre et intimidant les employés, a relaté M. Alston. Mais le passage à tabac des cols bleus est un sommet en matière de violence.
15 ET 16 ANS
Les trois jeunes soupçonnés d'être impliqués dans l'agression du 19 mars ont été arrêtés le même jour. Ils ont 15 et 16 ans. « Deux d'entre eux sont des sujets connus de nos policiers depuis un an », a indiqué le commandant Alston. Leurs parents et la Direction de la protection de la jeunesse ont été contactés. Ils feront face à des accusations de voies de fait et devront probablement se soumettre à des conditions, dont celle de ne plus fréquenter le parc Painter, a indiqué le commandant de police.
DES FRAUDEURS Y SEMAIENT LA PEUR
Déjà en 2013, le parc Painter avait fait la manchette après que la police eut démantelé un réseau de présumés fraudeurs qui en avaient pris le contrôle. L'opération avait été baptisée « Projet Painter ». C'est d'ailleurs un citoyen du quartier Chameran qui avait alerté la police à la fin de 2012, ce qui avait déclenché l'enquête. « Il s'agit d'un groupe impliqué dans le domaine des stupéfiants, de la fraude, de l'intimidation et des armes à feu », avait déclaré à l'époque l'agente Anie Lemieux, porte-parole du SPVM. Selon le commandant Alston, le groupe de 2013 n'avait pas de liens clairs avec les jeunes arrêtés à la mi-mars.
UNE DÉCISION DE L'ARRONDISSEMENT
Selon Paul Lanctôt, la décision de fermer le bâtiment du parc et de retirer les surveillants des lieux a été prise par le service des ressources humaines de l'arrondissement. « Pour la sécurité du personnel et aussi des citoyens », a-t-il dit. Le Syndicat regroupé des cols bleus n'a pas rappelé La Presse, hier.
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