Le gentil chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, devrait se méfier. Quand le rusé journaliste Patrick Lagacé lui a demandé : « Qui de Poilievre ou Carney est le meilleur pour négocier avec Trump, d’un point de vue québécois ? » [1] Il aurait dû répondre : « Je ne réponds pas à cette question piège. »

     En y répondant, il se mettait dans l’embarras. Nous avons compris que M. Blanchet voulait faire mal paraître le chef libéral Mark Carney (avec sa boîte de Pandore), dont les troupes mènent largement au Québec, ce qui fait mal aux bloquistes. Avantager les conservateurs au détriment des libéraux (dans une version moderne du « ciel est bleu, l’enfer est rouge »), diviser le vote en sol québécois, paraissait peut-être une bonne tactique. Mais cet échange n’a pas été profitable, pour la simple raison que tout le monde sait que Blanchet, en bon progressiste, estime les libéraux globalement préférables aux conservateurs. Lagacé devait jubiler.

     Si les Québécois n’avaient pas voté aux élections fédérales de 2004, 2006, 2008, 2011, 2015, 2019 et 2021, la composition des Communes n’aurait pas été affectée. Les gouvernements minoritaires et majoritaires seraient restés tels, avec les mêmes partis à la barre. Comme quoi c’est le ROC (Rest of Canada) qui choisit généralement ceux qui nous gouvernent. Les Québécois n’ont donc pas à participer à la vague Carney qui déferle a mari usque ad mare. Le Parti libéral, qui peut compter sur une trentaine de circonscriptions sûres au Québec [2], sera vraisemblablement reporté au pouvoir sans leur concours.

     Il y a fort à parier que le futur premier ministre élu sera forcé de faire des concessions à Donald Trump et que ce sera peut-être surtout au détriment du Québec, l'Ontario étant essentiel aux deux partis dominants pour accéder au pouvoir. Comme le NPD est en chute libre, l’objectif du Bloc est plus que jamais de viser la balance du pouvoir, une arme précieuse pour défendre le Québec. C’est ce qu’il faut dire aux Québécois.

Sylvio Le Blanc