Les élections européennes qui se sont déroulées autour de cette fin de semaine (et ce dimanche 25 mai en France) montrent un véritable soulèvement contre les politiques menées en Europe. Ce soulèvement est évident en France, en Grande-Bretagne, mais aussi en Italie où le M5S et la Ligue du Nord font l’équivalent du parti de centre-gauche (33%), tandis que les restes du Berlusconisme (Forza Italia) virent de plus en plus anti-UE. Ce soulèvement est aussi clair en Grèce, où Syriza remporte haut la main ces élections, mais aussi dans l’Est de l’Europe où des partis à tout le moins eurosceptiques dominent. Elles confirment en même temps l’absence de synchronie des espaces politiques que sont les différentes nations,, car ce soulèvement prend des formes très différentes. Ce soulèvement a donc pris des formes marquées par le cadre historique de la formation de la vie politique, de la démocratie en quelque sorte, qui s’appelle la Nation. Cette absence de synchronie, si dans l’immédiat elle va permettre aux conservateurs du PPE de garder une majorité relative, signe la fin des espoirs de certains de voir émerger un « peuple » européen. Si un rejet global s’est exprimé, il l’a fait dans un cadre national qui lui donne se spécificité.
En France, ces mêmes élections sont reconnues pour provoquer, selon les mots du Premier-Ministre un « séisme ». Encore faut-il dire précisément ce que cela signifie. Ce séisme, il est manifeste moins par le score du Front National, assurément historique (25% des voix, premier parti de France), que par l’effondrement symétrique du bloc au pouvoir (23% pour l’alliance PS+EELV) et de l’UMP, qui dépasse à peine les 20%. En réalité, si l’on additionne les voix qui se sont portées sur des partis remettant en cause l’UE (DLR, FdG et FN), on obtient 35% des suffrages. On notera que le succès du Front National n’a pas empêché le petit parti de Nicolas Dupont-Aignan de réaliser un beau score (près de 4%). On peut penser que si de mesquines querelles d’appareil n’avaient fait échouer le projet de listes communes avec les partisans de Jean-Pierre Chevènement (le MRC), ces listes auraient pu peser nettement plus dans ces élections. A l’inverse, si l’on regroupe les voix des deux partis qui assumaient leur « fédéralisme » européens, l’UDI et EELV, on n’obtient que 18,7% des suffrages. C’est ce chiffre là qu’il faut aussi retenir. Il mesure le poids réel des partisans du « fédéralisme » en France.
Le discours qu’a tenu dans la soirée de dimanche le Premier-Ministre s’est avéré être parfaitement inadapté et montre l’incapacité du gouvernement, et des femmes et hommes qui le composent, à s’ajuster à la nouvelle situation. On est dans un cas d’autisme politique qui est véritablement pathologique. Au lieu de prendre acte de ce que les électeurs avaient envoyé un message de défiance vis-à-vis de l’Europe, demandant plus de Nation et moins de Bruxelles, Manuel Valls s’est contenté de répéter la même rengaine sure « les réformes » et « changer l’Europe ». Ceci laisse présager des jours sombres pour la démocratie, avec un gouvernement désormais déshabillé de toute légitimité. Face à ce gouvernement qui est à nu, c’est le Front National qui représente l’opposition, et c’est cela le « séisme » dont il est question.
Comparaison des résultats de 2009 et de 2014
En France, ces résultats traduisent donc et un rejet massif des institutions européennes, radicalement contestées par 35% des votants, et une crise particulière dans différents partis. L’UMP recule de manière spectaculaire, ce qui est loin d’être compensé par les timides progrès de l’UDI. Il en va de même pour le PS, directement mis en cause par l’effondrement de son allié écologiste. Pour l’UMP, c’est incontestablement la crise de gouvernance interne, ainsi que le manque de lisibilité de la ligne politique de ce parti qui est la cause de ces résultats. Pour le PS, il devrait poursuivre sa marche à la destruction en raison de la politique qu’il continue à mener. Il y a une obstination suicidaire dans la persistance des thèmes de la rigueur chez Manuel Valls. Mais, deux faits retiennent l’attention :
Le parti écologiste EELV paye très lourdement et son européisme béat, et ses palinodies qui montrent à tous qu’il est plus un syndicat d’élus qu’un véritable parti.
Le Front de Gauche a été dans l’incapacité de capitaliser sur le rejet du PS et sur l’immense colère qui monte dans les classes populaires. Il le doit au manque absolue de lisibilité de sa ligne politique, ce qu’a reconnu courageusement l’un de ses deux co-présidents, Jean-Luc Mélenchon. Mais, il doit surtout à l’incompréhension profonde de ce que représente la Nation, tant dans la réalité que dans l’imaginaire des Français. Soit il connaîtra dans les semaines qui viennent une rupture culturelle fondamentale, un « moment Chevènement » le conduisant sur une autre trajectoire, soit il est condamné à dépérir.
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