Les ruses de "sioux" du fédéral

Tel est pris qui croyait prendre

La leçon : en matière de dette publique, la vertu ne paie pas

Chronique de Richard Le Hir

À l’occasion du dernier référendum, les instances fédérales avaient été particulièrement choquées de constater que certains partisans du camp adverse (dont le soussigné) n’avaient pas hésité à utiliser l’argument du grave endettement du gouvernement fédéral parmi les raisons de faire la souveraineté. Le ministre des Finances d’alors, Paul Martin, avait obtenu pleins pouvoirs du premier ministre Jean Chrétien pour redresser rapidement les finances fédérales, ce à quoi Paul Martin allait s’employer avec zèle, sachant fort bien que son exercice aurait pour effet de malmener singulièrement les finances provinciales.
C’est ainsi qu’on allait voir en un temps record Ottawa se mettre à enregistrer, année après année et sur le dos des provinces, d’importants surplus budgétaires, passant dans le même temps de candidat à la faillite à élève modèle des pays industrialisés. Aucun autre pays n’avait entrepris une cure aussi radicale.
Combinée à la flambée des prix du pétrole, le redressement des finances publiques fédérales allait avoir un effet dopant sur le cours de notre dollar qui passerait de 0,62 $ US en 2002 à 1,09 $ US en novembre 2007. Il allait évidemment encaisser le contrecoup de la crise financière et de la chute brutale du prix du pétrole qui s’ensuivrait, et plonger à 0,77 $ US en 2008, avant de remonter ensuite assez rapidement pour rejoindre la barre des 0,98 $ US au moment d’écrire ces lignes. Et la CIBC annonçait cette semaine qu’elle prévoyait voir la valeur du dollar canadien dépasser celle du dollar américain très prochainement.
Il faut comprendre tout l’effet destructeur qu’a eu une flambée aussi rapide du cours du dollar sur le secteur manufacturier canadien. Et si l’on ajoute à celle-ci l’effondrement des géants américains de l’automobile dont l’Ontario est tellement tributaire on comprend mieux l’écart de 1 point en faveur du Québec dans les chiffres du chômage des deux provinces. Quand on pense que le Québec a longtemps traîné de la patte..., il y a vraiment de quoi s’étonner.
Ce qu’il faut cependant comprendre, c’est que l’Ontario, et à un moindre degré le Québec en raison de la différence dans le poids relatif des deux provinces dans la production manufacturière canadienne se trouvent maintenant à faire les frais du redressement des finances publiques fédérales accéléré à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Si le gouvernement fédéral n’avait pas procédé si vite, le dollar canadien ne se serait pas apprécié autant et si vite, et la production manufacturière ontarienne n’aurait pas été délocalisée aussi rapidement vers les pays d’Asie, dont la Chine au premier chef.
Et pour ajouter l’injure à l’humiliation, non seulement la production a-t-elle été délocalisée, mais les équipements de production ont suivi, au fur et à mesure que les entreprises canadiennes désormais non concurrentielles fermaient leurs portes. Tous les professionnels de l’insolvabilité et de la liquidation qui ont eu à réaliser les actifs des entreprises qui fermaient au bénéfice de leurs créanciers vous diront que ces équipements ont été rachetés pour une petite fraction de leur prix original par des industriels asiatiques qui nous revendent maintenant les produits que nous fabriquions nous-mêmes à des prix défiant toute concurrence.
En plus de jouir d’un avantage important au plan des coûts de main d’oeuvre, voilà qu’ils bénéficient maintenant d’un autre avantage important sur le plan du coût des équipements que nous leur avons servi sur un plateau d’argent.
Tout ça à cause d’une politique du gouvernement fédéral à très courte vue dont l’objectif était d’abord et avant tout d’établir la supériorité du régime fédéral aux yeux des Québécois, et leur couper à jamais l’envie de se séparer du Canada. À côté de ça, l’affaire des commandites, c’est de la p’tite, p’tite bière !
Tel est pris qui croyait prendre, aurait dit La Fontaine (pas Louis-Hippolyte; l’autre, le fabuliste). Ne vous attendez pas à lire cette information dans le Globe & Mail. À Toronto, on est trop occupé à revendiquer le siège social de la future nouvelle commission nationale des valeurs mobilières, comme si la chose allait de soi, et que l’affaire était chose faite !
En attendant, la Banque du Canada, qui devrait être en mesure de se servir des taux d’intérêt pour moduler la valeur du dollar, est complètement piégée. Prise à devoir les réduire à presque 0 pour empêcher que l’économie canadienne ne s’effondre en 2008, la moindre indication qu’elle pourrait maintenant donner d’une remontée des taux aurait immédiatement pour effet de propulser le dollar canadien dans la stratosphère, et aggraver encore les problèmes de l'Ontario ! Pas étonnant qu’on soit si silencieux sur la question à Ottawa ces temps-ci. Le budget fait une heureuse diversion.
Vous verrez qu'il s’en trouvera bientôt certains pour suggérer que l’adoption du dollar américain par le Canada pourrait être un moyen d’empêcher l’économie canadienne d’être complètement déstructurée par la relation désormais trop étroite qui existe entre le cours du pétrole et celui du dollar. Quand je pense que j’ai été crucifié sur la place publique pendant la campagne électorale de 1994 pour avoir osé évoquer une telle hypothèse... C’est bien la preuve encore une fois qu’on a toujours tort d’avoir raison trop tôt...


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3 commentaires

  • Gilles Bousquet Répondre

    13 mars 2010

    Avec la même logique, si Ottawa augmentait son taux directeur qui ferait augmenter notre dollar, ça ne nuirait pas seulement à l'Ontario mais au Québec aussi, province exportatrice.
    La souveraineté du Québec ici n'y changerait rien parce que nos chefs souverainistes ont toujours suggéré de conserver la monnaie canadienne dans un Québec souverain, pour la stabilité, à moins de suivre l'idée de M. Noel "adopter la monnaie américaine pour le Québec".

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2010

    Pour mettre fin au maudit yoyo (responsable en partie de la perte de 40G de notre Caisse), j'ai toujours été en faveur de l'adoption du USD. Mais les Canadians s'y accrochent comme à la prunelle de leur reine....
    Pour nous Québécois, ça règlerait la question de la monnaie dans une Québec indépendant, comme le Libre -Échange l'a fait pour le commerce. On pourrait faire comme les Européens ont fait et émettre des pieces de monnaie de 1cenne, 5, 10 et 25, avec l'effigie de Champlain ou de Félix.
    Hier Stats Can nous apprenait que la Ville de Québec avait un taux de chomage de 4,1%. C'est non seulement le plus bas au Canada, mais c'est le plus bas en Amérique du Nord. Cherchez la nouvelle dans vos journaux ce matin....

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2010

    Votre analyse est d'une grande justesse, bravo!
    Jacques L. (Trois-Rivières)