Simon Lépine-Delorme - Le récent scandale des appels frauduleux, qui entache une fois de plus le Parti conservateur, illustre un enfoncement plus profond du gouvernement de Stephen Harper dans une tendance autoritaire aussi révoltante qu'inquiétante. Jusqu'à maintenant, ce gouvernement affichait simplement une vision réductrice d'une démocratie purement majoritaire: j'ai gagné, donc je fais ce que je veux.
Au diable la démocratie libérale et pluraliste, fruit d'une longue et pénible évolution, qui constitue la norme et la tradition non seulement au Canada, mais à peu près partout dans le monde civilisé. Détenir une confortable majorité parlementaire ne suffit plus: il faut modeler les institutions et la culture politique canadiennes à l'image du PC. Le mépris ouvert envers les institutions parlementaires indépendantes, les privilèges accordés à l'opposition, la société civile (si elle ose s'opposer à la politique de l'État), la règle de droit ou la liberté de presse (les journalistes de la colline parlementaire en savent quelque chose) en sont des exemples. L'intégrisme, le manichéisme, la hargne, l'anti-intellectualisme primaire et le rejet de la raison et de la science affichés par les membres du caucus du PC en sont d'autres. L'arène politique n'est plus un forum démocratique où les idées sont échangées et débattues, mais bien un champ de bataille où l'ennemi doit être non seulement vaincu, mais détruit. Même les citoyens deviennent quantité négligeable dans la logique de l'action politique conservatrice, qui semble vouloir s'aligner sur celle du Tea Party au sud de la frontière. Mais toutes ces caractéristiques, si elles sont hautement détestables et condamnables, sont légales. Seuls le sens de l'État, la bonne foi et l'intégrité permettent d'éviter ces écueils, qualités dont Stephen Harper et ses troupes sont malheureusement dénués.
Alors qu'aujourd'hui, ce que l'on soupçonne, c'est une violation pure et simple de la loi, et une manipulation indue du processus électoral, qui est au coeur de toute démocratie, même de façade. Ce n'est pas sans rappeler l'épisode de la violation des plafonds de dépenses électorales lors des élections précédentes, pour lequel le PC a été blâmé par Élections Canada [...] Dirigé de cette façon, le Canada ne vaut pas mieux qu'une vulgaire république de bananes. En fait, c'est pire: une monarchie de bananes.
Bref, nous sombrons. [...] Espérons que les Canadiens ne toléreront pas plus longtemps cette dérive autoritaire digne, non pas de Pierre Poutine, mais bien de Vladimir Poutine. Sinon, nous aurons peut-être besoin d'un printemps canadien avant longtemps.
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Simon Lépine-Delorme - Étudiant à la maîtrise en science politique, Université de Montréal
Le 28 février 2012
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