Trudeau: ami des banques, ennemi du consommateur

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Il faut lutter contre les tentacules d'Ottawa

Tout débute en 2003, alors qu’un citoyen, Réal Marcotte, part en voyage et y utilise sa carte de crédit. Un jour, il constate que son institution bancaire lui a imposé des frais supplémentaires cachés. Il se plaint alors à l’Office de protection du consommateur du consommateur (OPC), organisme québécois. L’OPC lui donne raison. La plainte fait peu à peu son chemin jusqu’à la Cour suprême du Canada.


Avant d’aller plus loin, rappelons certains éléments de la Loi (québécoise) sur la protection du consommateur : rien ne doit être chargé sans consentement, le contrat ne peut être modifié unilatéralement par une institution, la publicité trompeuse est proscrite et (très important!) les recours sont gratuits. Il serait en effet aberrant d’utiliser des milliers de dollars pour en récupérer cinquante.


La situation était donc embêtante : si le Québec détient une des meilleures lois de protection du consommateur en Amérique, les banques sont de juridiction fédérale. Le problème, c’est qu’il n’y a alors rien dans la loi fédérale pour défendre les consommateurs. Que faire? En 2014, la Cour suprême tranche : les banques devront se plier à la loi québécoise.


Les banques n’étaient alors pas très heureuses, et sont allées pleurer dans les jupes d’Ottawa pour demander au gouvernement de régler le problème par la voie législative. S’il y avait un vide en la matière, il fallait le combler, et surtout ne pas astreindre les institutions bancaires à une loi québécoise trop protectrice du consommateur.


Le gouvernement Trudeau a déposé à l’automne 2016 le projet de loi C-29, au sein duquel il y existait quelques minimes dispositions sur ces questions. Il n’y avait rien de contraignant là-dedans, seulement quelques vœux pieux voulant les banques ne se livrent pas à certaines pratiques. Le seul recours prévu pour un consommateur lésé était de s’adresser à l’ombudsman des institutions concernées. Or, si celui-ci est officiellement neutre, il est néanmoins rémunéré par les banques.


Pas fort, mais mieux que rien, me direz-vous? Erreur! Le projet de loi affirmait la prépondérance fédérale en la matière, et invalidait donc celle du Québec. En somme, elle remplaçait une des lois les plus performantes en matière de protection du consommateur par de belles intentions. Heureusement, le Sénat a fait amender le projet de loi. Quand il est revenu à la Chambre des communes, le gouvernement a finalement accepté les amendements : les dispositions prises par les provinces ne seront pas remplacées.


Tout le monde peut-il finalement dormir sur ses deux oreilles? Hélas, non.


Le gouvernement vient de revenir de l’avant avec C-86, adopté lundi soir au parlement. Il s’agit d’un projet de loi omnibus de près 1000 pages, contenant un paquet d’éléments dont la protection du consommateur.


Ceux-ci sont mieux ficelés que le C-29 d’il y a deux ans. Les exigences posées aux banques sont désormais de nature contraignante. Par contre, il n’y a aucun recours gratuit offert à l’individu lésé qui ressemble de près ou de loin à l’Office de protection du consommateur du Québec. Il faut encore s’en remettre à l’ombudsman. On peut donc s’attendre à ce que les cas se retrouvent rapidement devant les tribunaux. Les banques vont alors pouvoir se battre bec et ongle pour qu’un jugement ne leur soit pas défavorable. Or, ces institutions ont des moyens financiers que n’ont pas les consommateurs en colère. Que le meilleur (et le plus fortuné) gagne! Tout jugement créera immédiatement un précédent.


Le député bloquiste Gabriel Ste-Marie a demandé au ministre des Finances, Bill Morneau, de scinder le costaud projet de loi omnibus afin que les parties liées à la protection du consommateur soient l’objet d’une discussion à part entière. Sans surprise, la demande a été refusée.


Le gouvernement canadien est donc prêt à tout pour nous enfoncer cette nouvelle donne dans la gorge, y compris aux pires manipulations : les libéraux ont aussi refusé une autre proposition du député Ste-Marie, qui souhaitait qu’il soit clairement indiqué, dans le texte du projet de loi, que celui-ci n’écrase pas l’efficace loi québécoise. Évoquant le fait qu’ils n’avaient de toute manière pas l’intention d’empiéter sur les volontés des provinces, les députés du Parti libéral ont voté contre.


On sait l’ampleur du copinage existant entre Ottawa et les milieux financiers et bancaires. Cela ne devrait nullement nous surprendre. Le gouvernement Trudeau est un champion de l’illusionnisme, sachant nous confondre avec aplomb. On connaît aussi la propension des libéraux à voir Ottawa comme le seul État légitime au Canada, percevant les provinces comme de simples comptoirs administratifs.


Ce dossier est un beau défi pour le nouveau gouvernement québécois. Ses prétentions nationalistes pourront être mises à l’épreuve. Vendredi dernier, l’Assemblée nationale a adopté une résolution unanime, exigeant que le projet de loi canadien respecte la primauté des lois provinciales. Il faut dire que le gouvernement de Philippe Couillard avait aboli le Bureau du Québec, chargé à Ottawa d’observer de près ce qui pouvait nous toucher. Peut-être serait-il temps de le remettre sur pied?


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).