Le prestigieux magazine économique Bloomberg a publié cette semaine un texte-choc sur le gouvernement Trudeau. Ils y interprètent le remplacement de Bill Morneau par Chrystia Freeland comme un tournant pour le gouvernement canadien.
Le titre : « Justin Trudeau planifie le plus gros virage à gauche depuis des décennies dans sa politique économique ». L’auteur combine des ingrédients : la nomination de madame Freeland, un nouveau discours du trône et le rythme effréné auquel Trudeau dépense. Il en conclut que le gouvernement canadien prend un virage quasi socialiste.
Bloomberg reconnaît entièrement le talent politique et l’efficacité de Chrystia Freeland. Mais ils interprètent la notion d’une reprise « verte » et « équitable » comme un virage radical à gauche.
Ils citent aussi d’autres experts qui s’attendent à voir le gouvernement Trudeau continuer à dépenser à un rythme effréné même après la crise. L’exemple des deux milliards tombés des nues pour la rentrée scolaire cette semaine tend à leur donner raison... Lancer l’argent même à ceux qui ne l’ont pas demandé, il faut le faire !
Dommages permanents ?
Parfois, un regard extérieur nous ouvre les yeux. Nous serions-nous trompés en voyant Justin Trudeau simplement comme un joyeux luron, trop gentil pour dire non, qui distribue l’argent à qui mieux mieux ? Alors que son gouvernement s’apprêterait à mettre de l’avant des réformes de gauche bien plus radicales.
La différence n’est pas mineure : l’idéologie plutôt que l’irresponsabilité. L’irresponsabilité, bien que préoccupante, a un caractère temporaire. On substitue par quelqu’un de plus responsable et les choses se replacent progressivement.
L’idéologie vise la mise en place de réformes permanentes. Des réformes fiscales, de nouveaux programmes, des contraintes aux entreprises. Les dommages à l’économie peuvent être nettement plus durables. Perte de l’incitation au travail, réduction des investissements, endettement endémique.
Défaire des réformes économiques et fiscales très à gauche constitue un défi aussi laborieux que de déprendre les cheveux emmêlés dans une brosse à cheveux !
Bouffer le NPD ?
Si l’on regarde la chose du strict point de vue politique, le virage radical à gauche se tient. D’abord à court terme, Justin Trudeau s’assure l’appui du NPD lors du vote de confiance sur son discours du trône. Il assure ainsi la survie de son gouvernement au moins jusqu’au budget du printemps.
Cependant, à plus long terme, les libéraux peuvent même espérer gober le NPD. Si Justin Trudeau concrétisait un virage à gauche tel qu’anticipé par Bloomberg, on se demande bien ce qu’il resterait comme appuis, ou comme raison d’être, au NPD.
J’ai déjà entendu raconter qu’à d’autres époques où le NPD fut affaibli, des chefs libéraux ont regretté de ne pas avoir « achevé » ce parti – pardonnez-moi la violence du terme. En faisant cela, le Parti libéral devient le seul parti à gauche, un sérieux avantage pour être réélu pendant longtemps.
Il y a néanmoins un problème majeur avec ce virage radical : Justin Trudeau n’a pas reçu de mandat populaire pour faire cela.