(Québec) Jean Charest veut finir la session parlementaire en beauté. Il renonce à la prime de 75 000 $ que lui versait depuis plus de 10 ans le Parti libéral du Québec. C'est malheureusement par calcul politique et non par conviction profonde que le premier ministre prend cette décision. Sa conception de l'éthique demeure donc toujours aussi élastique et fragile.
Jean Charest juge en effet toujours légitime le salaire d'appoint que lui alloue le Parti libéral. Il l'a répété jeudi. S'il le sacrifie, c'est pour lever l'obstacle dressé par le Parti québécois pour qui le code d'éthique proposé par les libéraux ne peut être adopté s'il n'interdit pas au premier ministre de toucher une rémunération autre que celle versée par l'Assemblée nationale.
Il ne faut donc pas se leurrer sur le geste posé jeudi par le premier ministre. Il réduit certes son salaire de 75 000 $ par année, mais il compte bien se rattraper en gagnant un peu de crédibilité et de popularité dans la population. Malmené depuis des mois par l'opposition et les médias qui soulèvent constamment de possibles situations de conflits d'intérêts ou de copinage, le premier ministre Charest a bien besoin d'une note positive pour se maintenir à la tête de son parti et pour pouvoir gouverner au lieu de constamment se défendre. Il doit aussi penser à son héritage.
N'eût été la tourmente, il y a fort à parier que le premier ministre aurait laissé dans les tiroirs le projet de loi 48 et ne s'empresserait pas de le faire adopter d'ici le 11 juin. Ce n'est donc pas un geste de compromis que pose Jean Charest, mais bien un geste de survie.
Le chef libéral manque toujours de réflexes dans les dossiers touchant l'éthique. Il a toléré très longtemps que l'entreprise d'un de ses ministres (David Whissell) fasse des affaires avec le ministère des Transports. Une histoire providentielle de carte de crédit lui a permis de congédier son ministre de la Famille, Tony Tomassi, qu'il défendait depuis des mois contre les attaques péquistes.
Jean Charest ne doit donc pas s'étonner que sa conversion éthique ne convainque pas tout le monde. Tant qu'il n'acceptera pas de mener une commission d'enquête sur le financement des partis politiques et l'industrie de la construction, des doutes persisteront.
Par ailleurs, son renoncement au salaire d'appoint relance à un bien mauvais moment la question de la rémunération du premier ministre. Lorsque le déficit de la province sera éliminé, il faudra s'y pencher sérieusement. Est-ce que l'indemnité de 175 045 $ que prévoit l'Assemblée nationale pour le premier ministre est suffisante pour les responsabilités liées à cette fonction? Non. Les dirigeants des sociétés d'État gagnent beaucoup plus pour des responsabilités moindres.
Il ne faut cependant pas compter sur les partis politiques pour arrondir les fins de mois de leur chef élu à la tête du gouvernement. Certes, on peut dire que les formations politiques sont en partie financées par des fonds publics. Lorsque le chef d'un parti devient premier ministre, il ne doit y avoir aucune ambiguïté : il est au service du public, libéraux, péquistes, adéquistes, solidaires, verts et non-votants confondus.
On a pu constater au cours des derniers mois que la prime de 75 000 $ versée à Jean Charest par le PLQ le fragilisait et minait sa crédibilité en tant que premier ministre. Quels intérêts défend-il? Pour qui travaille-t-il? Les adversaires politiques et la population se posent forcément ces questions lorsque les allégations de corruption, de financement douteux et de collusion s'accumulent.
Et dire que l'ex-président du PLQ, Marc-André Blanchard, avait justifié la rémunération supplémentaire de Jean Charest par un souci de le mettre à l'abri de la corruption et de toute pression indue...
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