Samedi dernier, Le Devoir a ouvert ses pages aux opposants du projet de port méthanier Rabaska. Ces derniers ont, une fois de plus, stigmatisé le projet en nous faisant frémir devant les dangers de commercer avec des étrangers, des Russes de surcroît, et en dénigrant la consommation de gaz naturel qui contribuerait au réchauffement climatique.
On passe sous silence deux éléments fondamentaux. D'abord, il faut reconnaître que les réserves mondiales de gaz naturel sont gigantesques, soit environ 60 fois la consommation annuelle. De son côté, l'Amérique du Nord dispose d'à peu près 5 % des réserves mondiales, mais consomme environ 25 % de ce produit. Inévitablement, et de plus en plus, les Nord-Américains se tourneront vers les pays producteurs pour leur approvisionnement. C'est exactement la même chose que pour le pétrole que le Québec, par exemple, importe de différentes régions telles la mer du Nord, le Venezuela, l'Algérie... En ce qui concerne le gaz naturel, le Québec est éloigné des grandes régions productrices et n'est approvisionné que par l'Ouest canadien et par un seul réseau de transport. Dans de telles circonstances, la meilleure stratégie est de chercher à diversifier nos sources d'approvisionnement comme le font la France, l'Allemagne et bien d'autres pays dans le monde.
Les deux commissions d'examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) et de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE), qui ont examiné récemment les projets de terminaux méthaniers québécois, ont tour à tour reconnu qu'une telle diversification devrait induire une concurrence accrue sur le marché et signifier des prix relativement moins élevés qu'ils ne le seraient autrement. Ce sont les consommateurs de gaz naturel (résidences, écoles, industries) qui en bénéficieront. Cet objectif de diversification est au coeur de la politique énergétique du Québec depuis longtemps. M. Denis L'Homme, qui signait la lettre de samedi dernier comme ancien sous-ministre à l'Énergie, le sait très bien puisqu'au moment où il travaillait au ministère, il plaidait lui-même devant le BAPE pour l'implantation de terminaux méthaniers et soulignait l'importance qu'avait pour le Québec la diversification des sources d'approvisionnement.
Prêcher plutôt pour des stratégies de fermeture et de repli sur soi nous ramène bien des décennies en arrière et ne s'inscrit plus dans les grands courants d'ouverture qui ont pris place au Québec et dans le monde au cours des dernières décennies. Il y a certes dans le commerce mondial des points de friction comme le différend entre l'Ukraine et la Russie sur le prix à payer pour le gaz naturel vendu. Cela n'amènera pas nécessairement l'Allemagne ou la France, qui s'approvisionnent depuis longtemps auprès de la Russie, à couper les ponts avec cette dernière. D'ailleurs, notre partenaire Gaz de France est approvisionné de façon fiable depuis plusieurs dizaines d'années par la Russie. Nous sommes donc rassurés quant à la fiabilité du fournisseur gazier russe.
Il y aura des fluctuations dans le marché du gaz naturel d'une année à l'autre, et d'un continent à l'autre. Il s'agit de pouvoir jouer sur différents marchés et de saisir les occasions qui se présentent au moment opportun. C'est une stratégie proactive, et les consommateurs de gaz naturel du Québec et de l'Ontario sont en droit de s'attendre à ce que ceux qui les desservent, comme GazMétro et Enbridge, partenaires du projet Rabaska, fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour les approvisionner de la meilleure façon.
Faut-il le répéter? Le Québec et l'Ontario représentent un potentiel pour le gaz naturel de six à sept fois supérieur à la capacité de Rabaska. La production du futur port méthanier n'est pas destinée à l'exportation vers les États-Unis. Ils ont par ailleurs dernièrement approuvé une vingtaine de projets pour combler leurs besoins domestiques. Il est aussi faux de prétendre que l'importation de gaz menace notre sécurité énergétique en raison de la clause de proportionnalité de l'ALENA. En aucun cas, et selon l'interprétation du ministère canadien des Affaires extérieures, cette clause ne vient garantir en toutes circonstances un minimum ou une quantité spécifique d'approvisionnement à nos voisins américains.
Le gaz naturel est un hydrocarbure sensiblement moins polluant que le mazout ou le charbon. Du gaz naturel plus facilement accessible permettra de réduire la consommation d'hydrocarbures polluants, diminuant ainsi les émissions de gaz carbonique. Le bilan global de Rabaska se soldera donc par une diminution des émissions de gaz à effet de serre au pays. Le BAPE et l'ACEE ont reconnu le bien-fondé de cette affirmation. Cela n'empêche nullement par ailleurs de mettre de l'avant des politiques d'efficacité énergétique et de valorisation des énergies vertes.
Il y a deux ans, le BAPE et l'ACEE tenaient de longues audiences publiques sur le projet Rabaska où près de 700 mémoires ont été déposés. La commission d'examen s'est montrée favorable au projet, et le gouvernement du Québec lui a donné son aval sur la base des recommandations de celle-ci. Malgré les aléas de la conjoncture politique et économique, ce projet est, et demeurera, tout à fait sensé pour le plus grand bénéfice du Québec et de ses consommateurs de gaz naturel.
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André L'Écuyer, Président, Rabaska
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