Une alliance indestructible?

«un fardeau plutôt qu'un atout dans le jeu des États-Unis»

"Libérez Gaza" - 1ère Flottille humanitaire - le "Mavi-Marmara" - les conséquences



Derrière l'épisode sanglant en Méditerranée, au cours duquel Israël a de nouveau bravé l'opinion publique mondiale en attaquant violemment un bateau qui embarquait des militants pro-palestiniens à destination de Gaza, se profile peut-être une nouvelle donne géopolitique. Et certains craquements dans «l'indestructible» alliance israélo-américaine...
Le jeu des dirigeants israéliens consiste à faire un pari répété sur le caractère inconditionnel et éternel de l'appui des États-Unis. Et conséquemment, à poursuivre l'escalade dans l'affrontement avec les ennemis régionaux. En se disant que Washington — même sous la présidence d'un Barack Obama réputé moins «fiable» que son prédécesseur — sera toujours finalement à leurs côtés.
Depuis un an, Israël a fait avaler plusieurs couleuvres au gouvernement américain — par exemple, sur la poursuite de la colonisation à Jérusalem-Est — sans conséquences autres que des admonestations et des exaspérations passagères.
Mais ces divergences, apparemment tactiques, ne pourraient-elles pas, par un effet d'accumulation, devenir stratégiques, c'est-à-dire structurelles, profondes et durables?
La question se pose, depuis que, dans les hautes sphères dirigeantes des deux pays, on entend parler d'un État d'Israël qui deviendrait peu à peu «un fardeau plutôt qu'un atout dans le jeu des États-Unis».
La formule, qui fait du bruit dans les officines, a été utilisée la semaine dernière, devant des députés à Jérusalem, par un chef des services de renseignements israéliens. Et à Washington, de hauts gradés de l'armée commencent à la chuchoter dans les oreilles d'Obama et de ses proches: «Non, monsieur le président, les intérêts stratégiques d'Israël et les nôtres ne coïncident plus parfaitement.»
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Les facteurs d'un «découplement» toujours hypothétique — mais désormais possible — entre Washington et Jérusalem sont faciles à énoncer.
Face au Moyen-Orient et face au monde arabo-musulman, le président américain, depuis son arrivée au pouvoir, tente un rapprochement, une décrispation dont le programme avait été formulé lors du fameux discours du Caire, le 4 juin 2009. Les États-Unis, disait-il alors, ne sont pas contre l'islam ou les musulmans, et ils veulent absolument rétablir avec cette partie du monde des ponts qui ont été rompus par l'Histoire.
Par ailleurs — toujours dans la série «les Grands Discours dont on attend les effets concrets» —, M. Obama avait détaillé, deux mois plus tôt, le 6 avril à Prague, son idéal d'un monde sans armes nucléaires. Ceux qui n'ont pas l'arme nucléaire devraient y renoncer pour toujours, ceux qui l'ont devraient désarmer progressivement, et ceux qui n'ont pas signé le Traité de non-prolifération (TNP) devraient y souscrire.
Si l'on ajoute à ces considérations le caractère central, dans l'équilibre stratégique des années 2010, d'une région comme celle qui va de l'Irak au Pakistan, au détriment de conflits plus anciens — peut-être moins cruciaux aujourd'hui qu'hier — comme l'interminable affrontement israélo-palestinien, on peut légitimement se demander si les bases de «l'alliance indestructible israélo-américaine» ne sont pas en train de s'éroder...
Et ce, même si — au jour le jour, et pour encore un certain temps — l'on continue de fonctionner sur les anciens automatismes.
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Le besoin de se rapprocher du monde arabe crée la demande d'un gouvernement américain qui serait moins systématiquement aligné sur Israël... sans quoi il y va de la crédibilité même des intentions avancées par Obama.
D'où ces sautes d'humeur à Washington devant les effronteries répétées de Jérusalem, dont on pouvait croire qu'elles étaient sans lendemain, mais qui pourraient changer progressivement de nature, surtout après cet épisode sanglant en mer Méditerranée.
De même, le retour en force de la question nucléaire — illustré le mois dernier à New York par une conférence internationale de mise à jour du TNP — met implicitement Israël sur la sellette.
«L'obsession iranienne», focalisée sur un pays qui n'a pas la bombe atomique, tend à rejeter dans l'ombre le fait qu'Israël a déjà des douzaines d'ogives nucléaires, mais refuse de rendre publiquement des comptes... et de signer le fameux Traité. Mais la conférence de New York a conclu en appelant à un «Moyen-Orient libre d'armes nucléaires», citant nommément l'anomalie d'Israël. Ce qui a rendu furieux les Israéliens... les Américains approuvant finalement la déclaration, malgré leurs réserves.
Ce sont des épisodes comme ceux-là qui font voir, sous les feux de l'actualité, de possibles craquements stratégiques.
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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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