L'opinion de Bernard Landry #21

Vieille Europe; toujours jeune!

L'opinion de Bernard Landry


Les dernières élections au Parlement européen ont connu un taux de participation médiocre: 44% en baisse même par rapport à 2004. En conclure que l'Union Européenne ne fonctionne pas serait une grave erreur. Si les gens ne votent guère, c'est surtout parce que l'Europe n'est pas un pays et que son parlement comparé aux parlements nationaux, n'en est pas un vrai. Il n'a pas de réel pouvoir décisionnel. Quand c'est la chasse au phoques dans un pays étranger qui constitue le débat le plus spectaculaire, il n'y a rien de surprenant à ce que les électeurs s'abstiennent.
Malgré certains rêveurs utopistes, c'est le général De Gaulle qui a eu finalement raison. L'Europe comme il la souhaitait est celle des nations. Cela est parfaitement normal: les nations sont le lieu premier de la solidarité entre les humains. Elles sont aussi les gardiennes de l'identité, du mode de vie, et de tous les intérêts collectifs nationaux.
L'Europe n'est ni une fédération, ni une confédération comme certains défenseurs du régime canadien, par ignorance ou mauvaise foi, le prétendent régulièrement pour contrer le projet d'indépendance du Québec. "Eux s'unissent, nous on veut se séparer" disent-ils sottement. C'est une erreur grossière. L'Europe est une coopération exemplaire entre pays indépendants et souverains, tous membres des Nations Unies et des autres organisations internationales, et d'ailleurs bien déterminés à y rester.
Quand on pense que l'Irlande avec moins de 5 millions d'habitants sur près de 500 millions d'Européens, a réussi a bloquer un projet de constitution alors que le Québec, avec près du quart de la population du Canada, s'en est fait imposer une de façon unilatérale et arrogante, on mesure l'ampleur de la faute de ceux qui veulent comparer le système canadien à celui de l'Union Européenne.
L'Europe respecte donc les nations et ce comportement est à la base du formidable succès qu'elle a connu depuis sa naissance à l'occasion de la signature du traité de Rome en 1957. Il est presque incroyable que des pays qui, deux fois en moins d'un siècle, se sont affrontés avec une effroyable cruauté aient pu se réconcilier si rapidement et de façon aussi profonde. Douze ans seulement après une guerre qui a fait 50 millions de morts, les anciens belligérants ont lancé une opération de coopération internationale sans égale dans l'histoire humaine.
Ils l'ont fait pour une première raison fondamentale et parfaitement compréhensible: une recherche obsessionnelle de la paix. Plus jamais! Never more! Jamas! Exclure pour toujours la barbarie. Ils ont également construit l'Europe pour assurer une plus grande prospérité à leur continent et faire contre poids à la puissance américaine qui se dirigeait alors vers une domination planétaire totale.
Il faut aussi noter que le traité de Rome allait bien au delà des questions matérielles et matérialistes. C'est un véritable accord de coopération englobant les questions sociales, culturelles et autres.
La base de cette alliance qui allait au fil des ans passer de six pays fondateurs à vingt-sept aujourd'hui -et l'expansion n'est pas finie- était aussi audacieuse que limpide. Il s'agissait d'établir entre les membres et de façon rigoureuse, les quatre liberté de circulation: biens, services, capitaux et même... personnes.
Les sceptiques étaient évidemment nombreux à cette époque, aux États-Unis en particulier, mais même en Europe. Ils ont été finalement tous confondus. Cette nouvelle Europe est même allée, après avoir consolidé pas à pas les quatre libertés, jusqu'à créer une monnaie commune. L'euro, après quelques années seulement, performe tellement bien, qu'il vaut plus que le dollar américain, et pourrait un jour avoir l'ambition de le remplacer comme monnaie mondiale.
Les Amériques, malgré l'ALENA au nord et MERCOSUR au sud, ont au moins un demi-siècle de retard sur l'Europe. Un camion peut aujourd'hui circuler de Stockolm à Milan, traverser plusieurs pays avec son chargement, sans même s'arrêter à un poste douanier: il n'y en a plus. Comparé à ce qui se passe à Rouses Point entre les États-Unis et nous, malgré l'ALENA, il n'y a pas de quoi être fiers.
Quand George W. Bush parlait il y a quelques années avec condescendance de la "vieille Europe", il était bien évidemment complètement déphasé. La vraie jeunesse et la modernité, à plusieurs égards, n'était pas du côté de l'Atlantique qu'il croyait. Il faut souhaiter, l'influence d'Obama aidant, que notre continent entreprenne rapidement une cure de rajeunissement, car si les Européens n'ont guère voté à leurs élections, ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas en avance sur nous de bien des manières.
Bernard Landry


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