«Les Américains sont plus en colère que jamais. Cette colère se cherche un exutoire.» — Corey Saylor, porte-parole du Conseil sur les relations américano-islamiques
Qu’est-ce qui est le plus significatif? Le fait que le pasteur d’une obscure Église de Floride veuille souligner l’anniversaire des attentats du 11 septembre en brûlant des exemplaires du Coran?
Ou les réactions affluant d’un peu partout – la Maison Blanche, le général David Petraeus, de nombreuses congrégations religieuses américaines – pour protester contre l’autodafé prévu pour samedi prochain, à Gainesville?
Poser la réponse, c’est un peu y répondre. Même si des messages haineux pullulent sur le site Facebook où le pasteur Terry Jones, qui veille au salut spirituel d’une cinquantaine de croyants, a publié son appel incendiaire, ceux qui dénoncent son initiative sont beaucoup plus nombreux. Et plus représentatifs.
Je ne suis pas la seule à le dire. C’est aussi l’opinion de Corey Saylor, porte-parole du Conseil sur les relations américano-islamiques, joint hier à Washington. Selon lui, l’Église baptiste au nom tarabiscoté où prêche Terry Jones, le Centre colombe pour aider le monde, est un lieu de culte «marginal et extrémiste».
Vouloir ériger la croisade du pasteur Jones en exemple de ce que sont les chrétiens aux États-Unis, c’est exactement comme confondre les terroristes islamistes avec tous les musulmans, dit-il. Son Conseil, qui se bat précisément contre ce genre d’amalgame, tient à ne pas servir la même soupe aux adeptes du christianisme.
Mais même sans confondre un illuminé avec l’ensemble de ses coreligionnaires, cette histoire survient dans un contexte particulier. Et pour cette raison, elle est loin d’être anodine.
«Depuis quelques mois, la haine contre les musulmans augmente d’une manière phénoménale aux États-Unis », constate Corey Saylor. Des projets de mosquées soulèvent l’opposition partout au pays – et pas seulement à deux coins de rue de Ground Zero.
Pire: le discours qui accompagne ces protestations devient de plus en plus virulent et haineux. «Nous sommes devant une flagrante montée de sectarisme antimusulman», dénonce Corey Saylor. En d’autres termes, même si l’appel de Terry Jones n’est pas représentatif de ce qu’on prêche dans la majorité des églises américaines, un livre récent, l’essayiste Paul Berman met lui aussi tous les barbus dans le même sac, refusant de distinguer entre les Frères musulmans et Al-Qaïda, par exemple.
Ce qui est curieux avec ce phénomène, c’est qu’il surgisse avec une telle force neuf ans de devenir le point de mire des médias de la planète.
Pourquoi? Et pourquoi maintenant? «Les Américains sont plus en colère que jamais», avance Corey Saylor. En colère contre l’économie qui prend l’eau, les maisons qu’ils ont dû vendre au rabais, les emplois il reflète une tendance de fond: un rejet de plus en plus fort de l’islam, tous courants confondus.
Cette tendance est d’autant plus inquiétante qu’elle ne se limite pas aux télés-poubelles, mais se fraie un chemin dans les milieux intellectuels. Dans après les attentats du 11septembre 2001. Il y a deux ou trois ans, un projet comme celui de Terry Jones, pasteur inconnu hors de son patelin qui croit dur comme fer que l’islam est l’oeuvre du diable, serait passé inaperçu. Cette année, Gainesville est en train qu’ils ont perdus... Cette colère se cherche un exutoire. L’islam lui en fournit un, et des politiciens à la recherche de votes ne se gênent pas pour ajouter de l’huile sur le feu.
Une population frustrée et des politiciens qui canalisent leur frustration vers un ennemi commun: la recette est connue. Et dangereuse.
Pendant que Terry Jones prépare son autodafé, Sakineh Mohammadi Ashitani, cette Iranienne de 43 ans condamnée à la lapidation pour adultère, croupit dans une prison en attendant son éventuelle exécution. Celle-ci pourrait survenir dès cette semaine, à la fin du ramadan. Des tas de gens, du ministre français Bernard Kouchner à la femme du président, Carla Bruni, se sont mobilisés pour sauver cette femme de sa sentence barbare. Hier, le Parlement européen a demandé à Téhéran de surseoir à l’exécution.
Comme quoi il y a bien d’autres manières de lutter contre l’islam radical que de brûler des exemplaires du Coran.
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