Ceux d'entre nous qui gardent un œil attentif sur les partis de Dieu étudient aussi avidement les sermons hebdomadaires de shabbat du rabbin Ovadia Yosef, ancien Grand Rabbin d'Israël. Dans ces nombreuses interventions, généralement retransmises sur les ondes, ce vénérable ayatollah séfarade a l'habitude de proposer un régime complet d'action dont on ne sort que très rarement déçu.
Il y a quelques mois, son public dévoué fut gâté d'une diatribe classique dans laquelle il en appelait à diverses malédictions sur les Arabes de Palestine et leurs dirigeants, souhaitant par exemple l'arrivée d'une épidémie qui les balayerait tous. Le mois dernier, il déclara que l'existence des Gentils était justifiée par une seule raison: exécuter quelques basses besognes pour les Juifs. En dehors de cela, opina-t-il, leur utilité était plutôt limitée. Un énorme tohu-bohu l'amena à revenir sur son premier sermon (j'aimerais savoir si ce fut en partie pour des raisons théologiques. Après tout, les Palestiniens locaux ont peut- être encore quelques menus travaux à accomplir avant que le plan divin ne soit prêt à exécution). Son second prêche, dans l'état actuel de mes connaissances, n'a pas fait l'objet d'excuses.
Serpents, singes et créatures inférieures
Mais pourquoi diable devrait-on se soucier des divagations de ce sinistre personnage médiéval, ponctuant ses discours sur les non-Juifs de Palestine par des comparaisons avec des serpents, des singes et d'autres créatures inférieures, plus qu'on ne le serait par la manière dont le Hamas ou le Hezbollah parlent des Juifs? Déjà, parce qu'il est le chef spirituel du Parti Shass, qui compte pour une part importante de la coalition de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien. En effet, deux portefeuilles-clef, celui de l'Intérieur et celui de la Construction et du Logement, sont entre les mains de membres du Shass, Eli Yishaï et Ariel Atias.
Yishaï a récemment ravi la Diaspora en déclarant que seuls les Juifs qui s'étaient convertis de façon orthodoxe étaient porteurs du «gène juif». Atias s'est inquiété de la tendance des Arabes d'Israël à vouloir vivre où ils le désirent –ou de se «répandre», selon ses propres termes—, et a préconisé une politique de ségrégation au sein du logement intérieur israélien. Il a aussi prôné une telle ségrégation entre Juifs orthodoxes et laïcs, en ajoutant qu'il ne souhaitait pas voir ses enfants se mélanger à des camarades non-religieux. Le ministère de Yishaï est aussi célèbre pour ses annonces de nouvelles implantations de «logements» à l'extérieur d'Israël et dans des territoires juridiquement contestés.
Très souvent, Netanyahou a prétendu avoir été lui-même surpris par ces annonces concernant en général des zones sensibles de Jérusalem. De même, le vice-président Joe Biden s'est retrouvé dans une posture très difficile en début d'année, quand l'annonce de la construction de nouvelles implantations s'est faite au beau milieu de sa très officielle visite. Idem quand, plus récemment, le président Obama et la secrétaire d'État Hillary Clinton n'ont pas caché leur irritation de voir une autre fournée de constructions programmée alors qu'Obama se trouvait en Asie et Netanyahou aux États-Unis. Visiblement, les dernières étapes du processus de paix officiel ont impliqué la timide supplique faite à Israël de mieux coordonner ces annonces à l'avenir, et de les faire avec plus de diplomatie.
Rhétorique anti-arabe barbare
Netanyahou ne doit pas s'obstiner à rester ignorant des seuls faits et gestes de ses ministres de l'Intérieur et du Logement. Son ministre des Affaires étrangères n'est pas non plus le membre le plus actif à la table des négociations israéliennes. Et c'est peut-être pour le mieux, vu que pour le titulaire du poste, Avigdor Liberman, tout le «processus» s'apparente à une perte de temps. C'est ce qu'il a dit en substance devant les Nations unies, en septembre dernier, quand il expliqua patiemment que Netanyahou n'avait en rien pu profiter du contenu de son discours à l'avance.
Liberman jouit aussi d'une distinction unique, je crois, en son genre. Il n'habite pas dans le pays dont il est ministre des Affaires étrangères. A la place, il a préféré élire domicile dans la petite colonie de Nokdim, en Cisjordanie, un affleurement, défendu bec et ongles, où vivent moins de mille personnes. Le Parti qu'il dirige —Israël Beytenou— est une faction plus nationaliste que religieuse, mais qui concourt avec Rabbi Yosef pour le prix de la rhétorique anti-arabe la plus barbare, sans que le gagnant ne se détache pour l'instant clairement.
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Maintenant, nous lisons que, en échange de simplement 90 jours de mansuétude sur de nouvelles implantations (cette brève pause, ou «gel» n'inclut pas l'enceinte cruciale de Jérusalem-Est), Netanyahou se voit doté d'un «ensemble de dispositifs de sécurité et d'avions de combat, pour une valeur de 3 milliards de dollars», et de la promesse de la part du gouvernement des États-Unis d'opposer son véto à toute contre-proposition palestinienne devant les Nations unies. Netanyahou, tandis qu'il réfléchissait gracieusement à cette offre, aurait fait part de son incertitude quant à sa «capacité de convaincre son cabinet d'accepter la proposition des États-Unis». En d'autres termes, nous devons attendre le bon plaisir de Rabbi Yosef et des ministres Atias, Yishaï et Liberman, qui ont l'inhabituelle possibilité de menacer Netanyahou par sa droite.
C'est une humiliation nationale. Qu'importe que cette bande de clowns, de voyous et de racistes «approuvent» l'offre servile d'Obama/Clinton, son rejet devrait être unanimement demandé.
Impuissance servile
La situation est mathématiquement évidente, même pour une intelligence restreinte. Pour que le résultat des négociations concernant deux États puisse être un tantinet réaliste, il faut un territoire sur lequel le second État ait la possibilité de se construire, ou sur lequel la nation vivant en Palestine ait la capacité d'établir son propre gouvernement. Le but des partis israéliens, extrêmes, théocratiques et xénophobes est clair et sans fard: annexer suffisamment de terres pour rendre cette solution impossible, et expulser ou réprimer les personnes non désirées. La politique de Netanyahou est tout aussi facile à lire: jouer la montre en demandant des concessions sur des choses qu'il a déjà acceptées sur le principe, apaiser les ultras qu'il a nommés dans son propre gouvernement et attendre l'occasion de rejeter sur une réaction palestinienne la faute d'un inévitable échec.
Le seul mystère qui demeure: pourquoi les États-Unis acceptent-ils si misérablement de se faire humilier par un État qui dépend quasi totalement d'eux? Une version soft de l'opinion méprisante de Rabbi Yosef sur les Gentils est l'ancien concept du shabbat goy: le non-juif à qui on donne une piécette pour éteindre les lumières ou allumer le poêle, ou toute autre tâche nécessaire pour contourner les règles les plus ennuyeuses du shabbat. La vieille buse ne doit plus sentir sa joie en voyant des gentils accepter de se faire graisser la patte pour exécuter les plus basses besognes!
Une humilité qui consiste à déchiqueter des législations internationales, des résolutions des Nations Unies et des promesses électorales, et à bientôt déposséder et expulser des populations auxquelles nous avions donné notre parole. Une telle impuissance servile sera remarquée partout ailleurs, et par des personnes fort peu recommandables, et on nous la fera très certainement regretter. Pour l'instant, néanmoins, place à la honte.
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Christopher Hitchens
Christopher Hitchens est chroniqueur à Vanity Fair et journaliste associé à la Hoover Institution de Stanford, Californie.
Traduit par Peggy Sastre
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Christopher Hitchens est chroniqueur à Vanity Fair et journaliste associé à la Hoover Institution de Stanford, Californie.
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