Wilson-Raybould a exigé de Trudeau qu'il fasse le ménage dans son cabinet

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La bombe : c'est Wilson-Raybould qui voulait imposer sa décision au procureur général !


L'ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould a posé au moins cinq conditions pour mettre fin à la crise politique provoquée par l'affaire SNC-Lavalin, ont indiqué des sources à CBC, faisant écho à certaines informations déjà relayées par le Toronto Star.




Selon ces sources, Mme Wilson-Raybould a demandé au premier ministre de congédier son secrétaire principal, Gerald Butts, son conseiller principal, Mathieu Bouchard, de même que le greffier du Conseil privé, Michael Wernick.


Des trois, seul M. Bouchard est toujours au cabinet du premier ministre. M. Butts a remis sa démission, tandis que M. Wernick a annoncé qu’il prenait sa retraite.


Outre ces requêtes, l’ex-ministre a aussi demandé, selon les sources de CBC, que son successeur au poste de procureur général, David Lametti, n’oblige pas la directrice des poursuites pénales à offrir un accord de réparation à SNC-Lavalin.



Enfin, Jody Wilson-Raybould voulait que le premier ministre Trudeau reconnaisse publiquement que son cabinet avait agi de manière inappropriée dans cette affaire, selon les sources de CBC.


Ces négociations et consultations incessantes pourraient expliquer pourquoi il aura fallu 54 jours, depuis le premier reportage du Globe and Mail sur l’affaire, avant d'annoncer l’expulsion du caucus de Mme Wilson-Raybould et de sa collègue députée Jane Philpott, ce qui est finalement survenu mardi soir.


La directrice des communications et de la planification au cabinet Trudeau, Kate Purchase, a cependant affirmé, dans une déclaration transmise à CBC, que Jody Wilson-Raybould n’avait pas donné d’ultimatum en tant que tel au premier ministre.


Wilson-Raybould et Philpott invoquent leur éthique personnelle


Mercredi, Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott ont avoué leur déception devant la tournure des événements, mais ont dit s'être tenues debout pour défendre leurs principes.


Arrivées ensemble à la Chambre des communes pour la période des questions, leur première à titre de députées indépendantes, elles se sont arrêtées pour parler aux journalistes qui les pressaient de questions.


« Je suis – c’est le moins qu’on puisse dire – déçue, a admis Mme Wilson-Raybould. Je dirais que, si vous vous tenez debout pour ce que vous croyez juste et défendez vos principes, la vérité et les principes doivent toujours venir en premier. C’est ce que j’ai fait et que je continuerai à faire. »


Dans son annonce faite mardi en soirée, Justin Trudeau a expliqué sa décision par un « bris de confiance » envers ces deux femmes, considérées comme des piliers de son Cabinet jusqu'à ce qu'elles démissionnent au cours des dernières semaines.


« La confiance est une voie à double sens », a répliqué la députée, désormais indépendante, de Vancouver Granville. Mme Wilson-Raybould a expliqué au comité de la justice des Communes à la fin de février qu'elle avait subi des « pressions inappropriées » du bureau du premier ministre afin que SNC-Lavalin se voie offrir un accord de réparation lui évitant une poursuite judiciaire. Sa collègue a démissionné peu après en critiquant la gestion du dossier par le bureau du premier ministre.


Pour plusieurs députés libéraux, la goutte qui a fait déborder le vase est l'enregistrement d'un entretien téléphonique avec Michael Wernick, réalisé par Mme Wilson-Raybould à l’insu de son interlocuteur, un geste qualifié la veille par Justin Trudeau d'« inadmissible ».


Selon l'ex-procureure générale, c'est passer à côté de l'essentiel.



Je trouve alarmant que les gens s’attardent à l’enregistrement audio plutôt qu’à son contenu. Il est inadmissible de sacrifier l'indépendance du procureur général, il est inadmissible de ne pas respecter l'État de droit.


Jody Wilson-Raybould


À ses côtés, Mme Philpott a déploré un dénouement « malheureux », mais a dit ne pas avoir de regrets. « Mes décisions, je les ai prises en fonction de ce que je crois être le meilleur pour les Canadiens, dans le but de me tenir debout pour la vérité et pour l’indépendance du système judiciaire », a-t-elle ajouté.


« Dire que quelque chose est acceptable si la loi n’a pas été violée est de mettre la barre très bas », a poursuivi la députée de Markham–Stouffville, en Ontario.


Mme Philpott a éludé la question des journalistes qui lui demandaient si Justin Trudeau affichait un féminisme de façade. « Le premier ministre a bien dirigé notre pays ces dernières années et je lui souhaite les opportunités de continuer son bon travail », a répondu l'ex-présidente du Conseil du Trésor en français.


Les deux élues ont par ailleurs vaguement évoqué leur avenir politique. Disant avoir besoin d’un « temps de réflexion », Mme Wilson-Raybould a dit qu’elle en discuterait avec les gens de sa circonscription, qu’elle a remerciés de leur « soutien indéfectible ».


Pour sa part, Mme Philpott a laissé entendre qu'elle n'écartait pas un retour à la pratique de la médecine à la fin de son mandat.


L'affaire SNC-Lavalin, qui a ultimement mené à l'expulsion des deux politiciennes du caucus libéral, a dominé les échanges à la période des questions.


Trudeau désavoué par des femmes à la Chambre des communes


Une dizaine de femmes tournent le dos à Justin Trudeau, qui parle à la Chambre des communes. Des dizaines d'autres sont assises. Cette photo publiée sur Twitter par le député néo-démocrate Nathan Cullen montre une dizaine de femmes tournant le dos au premier ministre Justin Trudeau, mercredi, à la Chambre des communes. Photo : Twitter/Nathan Cullen

Auparavant, des dizaines de femmes se réclamant des suffragettes ont fait savoir au premier ministre qu'elles n'appréciaient guère sa décision d'expulser Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott.


Participant à un événement à Ottawa, baptisé Héritières du suffrage, une quarantaine des 338 femmes présentes ont profité d'un discours prononcé pour l'occasion par le premier ministre à la Chambre des communes pour lui tourner le dos en guise de désaveu.


Quelques heures plus tôt, quelques-unes des participantes n'avaient fait aucun mystère de leur point de vue. « Nous sommes les héritières du suffrage et nous appuyons Jody et Jane », ont-elles lancé en choeur devant le parlement, selon une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.


Le premier ministre Trudeau a abordé le sujet de l'heure d'entrée de jeu, en plaidant qu'il était normal qu'une diversité d'opinions soit entendue au sein d'un parti politique, mais en précisant qu'il est essentiel que cela se fasse dans un climat de confiance.


Il a ainsi repris l'argument qu'il a utilisé la veille pour justifier le sort réservé aux deux politiciennes.


M. Trudeau n'a pas été le seul chef de parti à être critiqué par les participantes de l'événement. Plusieurs femmes avaient aussi quitté la Chambre des communes lorsque le chef conservateur Andrew Scheer y a pris la parole avant lui. Certaines protestaient contre les valeurs qu'il défend, d'autres ont évoqué sa défense des projets de pipeline.


Mmes Wilson-Raybould et Philpott ont assisté en matinée à une partie de l'événement depuis les tribunes de la Chambre des communes. Elles n'étaient toutefois pas présentes lors du discours de M. Trudeau.




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