Élection paradoxe et leçon simplexe

2 mai 2011, un vote référendaire québécois non commandité par les politiciens

Le prochain dans quinze ans?

Tribune libre

L'élection du 2 mai dernier fera cas d'école. A date, je note avec étonnement que les commentateurs médias et bien des analystes sont versés une fois de plus dans la complaisance. On ne fait que faire dire à ce scrutin ce qu'on veut faire entendre! Ça. c'est aussi quelque chose à comprendre.
Ce scrutin s'avère d'abord une boîte à paradoxes. Le gouvernement minoritaire de Harper est tombé pour «outrages au parlement». Les motifs invoqués par l'opposition étaient solides. Sous Harper, le Canada est entrain de devenir une sorte de «pays voyou sans siège à l'ONU» et sans empathie pour même ses citoyens. Paradoxalement, Harper est réélu, et ses farouches détracteurs sont punis! Est-ce pour dire que les Canadiens ne s'identifient pas aux valeurs que l'opinion générale leur prête? Possible, faut aussi le savoir. Un autre fait paradoxal, entre autres, concerne la vague aveugle des «poteaux». Les électeurs voulaient ramener au bercail les souverainistes d'Ottawa, disent certains penseurs. Disons que c'est une façon de bercer l'illusion. Après un cri de ralliement des troupes à la convention péquiste, comment s'expliquer une gifle électorale infligée à un chef brillant et charismatique qu'est Gilles Duceppe?
Il y a outre les leçons d'humilité, bien d'autres plutôt difficiles à prendre. Premièrement, je pense et ça a été largement évoqué en famille ou en publique, les Québécois ont dit «Oui» au Canada, pour une 3ème fois! Le cycle référendaire s'établit alors à 15 ans, le 20 mai 1980 pour le premier, et le 30 octobre 1995 pour le second. Le quatrième sera en 2025! Allons-nous tenir? Oui, absolument, à condition de ne pas embrasser la réalité. Je m'explique: si le référendum est une obsession, nous n'envisagerons pas d'autres alternatives et le cycle naturel nous en offrira un autre dans 15 ans. Par contre si le Pays est au coeur d'une «vision», nul n'est besoin de référendum et celui du 2 mai dernier pourrait bien être le dernier. Dans un autre texte publié le 5 Décembre 2006 (http://www.pressegauche.org/spip.php?article364), je décrivais Harper comme étant celui par les soins duquel le Québec accéderait à son autodétermination. Je demeure toujours de cet avis. Cependant Harper seul ne suffirait point, encore moins avec une culture du vote pour des poteaux.
Il n'y aura plus de référendum. Trois sont suffisants. Pour se donner un pays, le vote est accessoire, tel une cerise sur le gâteau. Ce qui compte est de le croire et réaliser qu'on n'en a pas un qu'on veut avoir. La grande majorité des humains voudront avoir un pays. Ou les Québécois s'accommoderont du Canada «harperien», ou ils renverront les Conservateurs au banc de touche, ou ...(?). Hélas nous dispersons les énergies, sommes tous des tribuns sans tribune ni fibre canalisatrice des idées alternatives. L'un ou l'autre dépendra de notre capacité à laisser émerger des talents de leader inspirant.
Quelques mois plus tôt j'écrivais ceci: (http://www.vigile.net/Le-Quebec-infertile-de-Leadership)
« ... La Vérité est que tout calcul opportuniste, conjoncturel (situation de crise) ou mathématique (majorité 51%) n’aide pas la souveraineté. On n’arrache pas la maturité, on ne l’achète pas non plus. Au Québec, l’on débat en famille et on gouverne en écurie. Ainsi on croit qu’à une personne de plus on peut bâtir un pays. L’esprit du pays dépasse celui de la famille. Il s’étend au voisinage et transcende les inimitiés et les adversités non existentielles. Le défi des Québécois se trouve là : penser au mieux-être de tous et non pas chercher à convaincre. On ne peut convaincre que des cons. Après un tel exploit, ils ne comptent plus ou on ne peut plus compter sur eux. Le bon exercice sera visionnaire, et consistera en un transfert de l’appropriation du projet. Qu’est ce que j’y gagne, est-ce mon affaire aussi ?
L’indépendance ne dépendra jamais du vote populaire. Elle est le fruit d’un processus et d’une maturation "VISIONNAIRE". Mettez à la tête du mouvement un véritable LEADER Visionnaire, et le projet récolte le vote populaire nécessaire. Depuis René Lévesque, qui fut « fédéraliste » et dont se réclament tous les québécois de cœur, ou relativement depuis Robert Bourassa, il s’est écoulé des décennies sans soleil levant. Tous les partis sont concernés. Le Québec né de la révolution tranquille a grandi dans le confort douillé et se révèle infertile au leadership. C’est cela la Vérité qu’il faut qu’on se dise et s’approprie. Un visionnaire est un esprit d’avenir, totalement affranchi des débats puérils comme ceux qui nous enlisent au Québec depuis des décennies, dans les récriminations émotives, dans des démissions inopportunes de "chefs", et dans le déni des pouvoirs démocratiques. Aussitôt portés au pouvoir par une large majorité populaire, nos chefs sont contestés dans leurs prérogatives décisionnelles et sont poussés vers la porte. Il y a un problème à double fond, de leadership et de civilités. Comment faire naître ou laisser émerger un leadership visionnaire ? Ce n’est certes pas en n’allant pas voter ou en écoutant xx.5Fm, ou raaaaa.canada, ni en regardant Occupation triple, Le boursier, ou Laville.Lavigne sur TVA. Ce n’est alors pas du tout en lisant Denise Démarais dans le soleil intercontinental de Québec, ou Paul-Carl Trudeau dans l’autre journal de Montréal le plus vendeur ces dernières années. J’en passe. Je sais que les médias y sont pour quelque chose, mais voyez-vous nous sommes soit tous aveuglés soit tous d’esprit tordu. Interdit d’interpeller les faiseurs d’opinions, ces nouveaux colonisateurs d’esprits. C’est la faute de … La culture pleurnicharde de victimisation n’aide pas, plutôt nuit-elle ! Oui, il sera dur de se lever de nos fauteuils confortables, dur de se laver des sales clichés énergivores et se départir des vieux mythes d’héritiers malheureux, dur de s’ouvrir et se « lover », s’aimer. Mais le Québec n’est pas en panne, nous le ferons librement, ou naturellement forcés, sans tricher car le temps ne s’y prête jamais.»
Je n'ai rien d'autre à ajouter.

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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1 commentaire

  • Henri Marineau Répondre

    11 mai 2011

    "L'indépendance ne dépendra jamais du vote populaire. Elle est le fruit d'un processus et d'une maturation visionnaire. Mettez à la tête du mouvement un leader visionnaire, et le projet récolte le vote populaire nécessaire."
    En lisant cette phrase, elle m'est apparue dans le prolongement de mon article publié sur cette tribune le 10 mai, intitulé "Vivement un leader charismatique"...Imaginez la force d'un leader doué de charisme et de la faculté de visionnaire! Tout un numéro!