Matthieu VAILLAND
Le président Sarkozy est-il (re)présentable ?
La bourgeoisie cultivée a honte de ce parvenu qui a séduit Marianne pour se vautrer dans des palais habituellement fermés aux marchands de voitures qui parlent d’argent à table avec une syntaxe hasardeuse et une gestuelle saccadée propre à renverser leur cuillerée de potage sur la nappe brodée.
La bourgeoisie argentée, discrète sur ses signes extérieurs de richesse, craint que son côté bling-bling, ses montres, sa chaînette, ses Ray-ban, le Fouquet’s, le jet privé et le yacht de Bolloré, ses vacances dans des palais du dictateur monarque du Maroc et celles, qu’il couvrit aussi longtemps que possible, de Michèle Alliot-Marie chez le dictateur tunisien, de Fillon chez le dictateur égyptien, n’éloignent de lui des électeurs naguère acquis.
Hélas pour l’oligarchie, le président va s’auto-désigner candidat pour 2012. Le danger est alors une radicalisation de l’opinion publique avec un spectaculaire désaveu, à la mode arabe ou dans les urnes. Dans les urnes ? Pas forcément, le peuple est imprévisible qui se réveille parfois malgré une overdose de neuroleptiques. L’Humanité-Dimanche du 20 février 2011 publie un sondage de Louis Harris (qui ne fera pas la une des médias) où il appert que 58 % des Français, 82 % des sympathisants de gauche souhaitent une révolte en France.
Un guépard nommé MEDEF.
Devant ce risque, la solution est de suivre le fameux conseil (très à la mode ces temps-ci) du comte Tomaso di Lampedusa (le Guépard) : « Si nous voulons que tout continue, il faut d’abord que tout change ».
Le quotidien l’Humanité du 17 février 2011 révèle que le « Comité d’éthique » du MEDEF a présenté le 15 février un « Guide de bonne conduite » à destination des chefs d’entreprise. Comprendre : il n’est pas interdit aux politiciens de le lire. Car, d’après l’Humanité, « le MEDEF s’inquiète de voir les conflits d’intérêts au sommet désamorcer la servitude volontaire du bas ».
L’audace salvatrice pourrait consister à céder, pour un tour, les commandes à une fausse gauche qui fera la politique de la droite, politique acceptée par le peuple car accompagnée de quelques concessions, comme savent en faire les pouvoirs quand le peuple gronde, à la manière du lézard sacrifiant sa queue (qui repoussera) pour se sauver et pour continuer à vaquer comme devant. L’opération mystificatrice sera facilitée par l’image de gauche des politiciens qui la mettront en oeuvre. « On a ga-gné, on a ga-gné ! ».
l’UMP, forte de sa capacité, maintes fois prouvée, à défendre les intérêts du CAC 40 et du MEDEF tout entier, ne saurait se résigner à rendre son tablier. Ce parti se sent de taille à poursuivre. Yes i can ! Mais ceux de la Bourse, du Château et de Neuilly se méfient. Peur que leurs marionnettes n’amusent plus le public et que celui-ci les macule de tomates pourries (pas grave !) avant de démolir le théâtre de Guignol (dramatique !). Comment former un gouvernement de « droiche » (ou de « gaute ») ?
Karl Marx a expliqué que les partis politiques ne sont que les instruments, les outils, des classes sociales qu’ils représentent. L’UMP est la face visible des oligarques qui l’ont créée, qui la financent et qui concoctent à présent en catastrophe des contre-feux.
Il advient que les dirigeants de l’UMP oublient leur gilet rayé et qu’ils tentent d’échapper à la sanction de leurs maîtres. Il se peut que ces derniers, en l’absence d’évaluation précise de la situation et des risques d’un possible basculement, autorisent leurs créatures récalcitrantes à refuser de quitter le terrain avant les prolongations. La fronde provisoire sera la traduction d’approches différentes, l’UMP voyant en DSK le possible tombeur du président sortant (et donc de tout son entourage), les oligarques le voyant en recours acceptable. L’UMP va taper sur DSK. On verra jusqu’à quand et quels types d’arguments sont permis pour ne pas trop l’abîmer si l’on veut faire avec, demain.
DSK, nous apprennent les porte-flingues du chef de l’UMP, l’ambitieux Jean-François Copé qui veut être khalife en 2017, n’est intéressé que par l’argent et par son confort, il se rend aux réunions dans une Mercedes à 100 000 euros, il symbolise « la gauche ultra caviar ».
Sur radio RCJ, Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat, s’exprime avec modération : « C’est un bon candidat mais en même temps est-ce qu’il rassemble son propre camp ? .[...] Beaucoup de gens de gauche que je connais considèrent qu’il est de droite et pas de gauche ». Le 15 février sur France 2, Christine Lagarde, ministre des Finances et ex-présidente du cabinet d’avocats d’affaires de Chicago Baker&McKenzie, pond une sorte de synthèse UMP/MEDEF en louant DSK pour son « très bon travail au Fonds monétaire international ». L’homme « soutient les thèses françaises pour ce G20, donc nous avons besoin de lui là où il est. » Tout est dit : il est compétent, il appuie la politique de l’UMP au G 20, on pourrait faire avec, mais on préfère Sarkozy, même si a-t-elle déclaré par ailleurs : « c’est [DSK] un partenaire de qualité... » L’électeur a déjà entendu des jugements plus brutaux exprimés par un ministre contre un adversaire politique, rival potentiel du chef de l’Etat.
Le FMI ? Est-ce qu’il « ne serait pas davantage dans son rôle en s’intéressant aux mouvements de capitaux, aux désordres monétaires... plutôt que simplement en se mobilisant pour savoir si tel ou tel pays extrêmement pauvre n’augmente pas trop ses fonctionnaires ? ». C’est Sarkozy qui pose la question et qui se positionne à la gauche de DSK en inscrivant dans ses priorités pour la présidence du G20, une modification des statuts du FMI pour l’empêcher d’étrangler les pays pauvres et pour préserver leur fonction publique. Ne croit-on pas rêver ?
Bref, DSK serait une sorte de Sarkozy de l’extérieur, appliquant au monde entier les recettes que notre président limite à la France. Autant garder le sortant, plaide l’UMP, car, si l’autre cheval est du même haras, il devra néanmoins faire des concessions à une gauche passéiste, doctrinaire et marxiste.
Combat de chiffonniers, que le meilleur gagne. Dans le gouvernement de l’un ou de l’autre, quel inconvénient y aurait-il à conserver, à appeler ou à rappeler, pour faire passer cette politique, des ministres « socialistes » ou « de gauche », comme Eric Besson, Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel, Claude Allègre, Frédéric Mitterrand, Martin Hirsh, Manuel Valls, Jean-Pierre Jouyet, Pascal Lamy, voire des « communistes » comme le sénateur Robert Hue, Jean-Claude Gayssot, « lou ravi » de Béziers qui privatisa Air-France et versa ostensiblement des larmes de désespoir aux obsèques de Georges Frèche ? En quoi la présence de ces gens-là suffirait-elle à éclairer le profane sur la couleur du gouvernement ?
De surcroît, en quoi les affaires du MEDEF seraient-elles affectées par l’attribution de quelques ambassades, présidences, sinécures ou missions bidons à Michel Rocard, Hubert Védrine, Jack Lang... ?
La mise en place de ce plan B, véritable salmigondis idéologique, nécessite le concours précoce de deux acteurs majeurs, fabricants d’opinion et d’un complice.
Le triptyque sauveur de meubles.
1- Les médias. Facile, la plupart des chaînes de télévision, des stations de radio, des grosses maisons d’édition, des journaux à forts tirages et tous les gratuits appartiennent à des oligarchies qui cotisent au MEDEF. La presse écrite indépendante, quand elle échappe à ces fléaux liberticides, est tributaire de subventions de l’Etat et de recettes publicitaires dispensées par des entreprises qui cotisent... au MEDEF.
Il reste une presse libre condamnée à une faible audience par la loi du marché et par la transgression des préconisations du programme du Conseil National de la Résistance.
Et Internet ? Les sites d’information libres comme Le Grand Soir sont ostracisés par les médias, à la différence des sites créés par des anciens hauts responsables de la presse classique qui a failli. Médiapart, Rue 89 sont dirigés par des journalistes qui occupèrent des postes de direction au Monde et à Libération. Les médias archaïques, gardiens de l’ordre ancestral, les épargnent dans l’opération « gommage sur la photo » et même ne se privent pas de les promouvoir, de les associer à des émissions, de les citer dans les revues de presse. Ils sont les petits frères qui ont ouvert des succursales taquines, trublions dont l’audace est de zigzaguer sur les autoroutes de l’information, mais certes pas de s’engager sur d’autres voies et d’en montrer les charmes.
« Les idées dominantes sont les idées de la classe dominante », a dit Karl Marx. Ce sont les idées martelées par nos médias, parfois de bonne foi par des journalistes qui, les ayant lues et entendues partout, les tiennent pour d’irrécusables vérités. Ces idées, les hommes politiques de gauche (sic) et de droite, vont les répétant en tous lieux et les observateurs, analystes, spécialistes, philosophes les corroborent à qui mieux-mieux. Quiconque s’aventure à en avancer d’autres se heurte aux railleries des concertistes de la bien-pensance. Insensé celui qui prétend que la terre est ronde alors que les savants et l’Eglise ont mille fois prouvé sa platitude. Au pilori, marqué de l’infamante inscription « populiste », celui qui ne se coule pas dans le moule où se dessinent les contours d’une carrière assurée, avec ronrons satisfaits et repus des amoureux des lambris dorés !
En changeant ici à peine quelques mots d’un discours que Victor Hugo prononça contre le parti clérical on pourrait s’adresser à notre classe politico-médiatique :
« Ah ! nous vous connaissons ! nous connaissons le parti de la presse et de l’argent. C’est un vieux parti qui a des états de service. C’est lui qui monte la garde à la porte de l’orthodoxie. C’est lui qui a trouvé pour la vérité ces deux êtres merveilleux, l’ignorance et l’erreur. C’est lui qui fait défense à la science et au génie d’aller au-delà de la Bourse et qui veut cloîtrer la pensée dans le dogme. Tous les pas qu’a faits l’intelligence de l’Europe, elle les a faits malgré lui. Son histoire est écrite dans l’histoire du progrès humain, mais elle est écrite au verso. Il s’est opposé à tout. [...].
Voter une loi sociale, c’est une folie ; prôner un monde en dehors du FMI, c’est une hérésie. [...] Oh ! oui certes, qui que vous soyez, qui vous appelez l’UMP et qui êtes le parti du MEDEF nous vous connaissons. Voilà longtemps déjà que la conscience humaine se révolte contre vous et vous demande : qu’est-ce que vous me voulez ? Voilà longtemps déjà que vous essayez de mettre un bâillon à l’esprit humain ! Et vous voulez être les maîtres de la nation ! »
2 – Les Instituts de sondage. Ils appartiennent aux mêmes, ou sont contrôlés par eux. Leur rôle est primordial. Compte-tenu du fait que les chiffres qu’ils annoncent sur la popularité des hommes politiques, plusieurs trimestres avant le vote, sont invérifiables et ne peuvent donc être démentis (contrairement aux chiffres sur les intentions de vote quelques jours avant le scrutin), tous les trucages sont permis, soit dans les résultats affichés, soit par le choix des questions qui vont induire des réponses souhaitées. Gaël Sliman, directeur chez BVA, convient que, si loin du scrutin, « la valeur prédictive est nulle ». Pour Les Echos (14 février 2011), « Absent de la scène nationale depuis trois ans et demi, Dominique Strauss-Kahn est, de l’avis même de ses proches, surcoté dans les sondages, comme le sont les personnalités qui ne sont pas en responsabilité ».
N’empêche, les Instituts fabriquent malgré tout des « prophéties autoréalisatrices »
De quoi s’agit-il ?
En 1949 Robert K. Merton en développe la notion et la résume ainsi : « C’est, au début, une définition fausse de la situation qui provoque un comportement qui fait que cette définition initialement fausse devient vraie ».
Bref, des situations naissent parce qu’elles ont été prédites. On nous dit, on nous répète, on affiche (impossible d’y échapper, car voilà un « bon » sondage à faire connaître) que X % de Français voteraient DSK au premier tour et qu’il battrait son adversaire au second tour. Tous les participants aux primaires du PS savent ce qu’il leur reste à faire. Leur vote va influencer les choix d’autres électeurs de gauche. Par suite, le pourcentage des électeurs pro-DSK va augmenter. Cette augmentation pousse les derniers indécis à se rallier à la masse. Le tour est joué. La nasse est refermée. Elle est comme neuve, même si elle a déjà servi en 2007 en faveur de Ségolène Royal.
A l’inverse, la possibilité de défaire la droite, grâce à un autre candidat de gauche, étant déclarée nulle au départ, puis l’étant effectivement devenue, les déçus du PS vont rentrer au bercail et des partisans d’un vrai changement vont succomber aux sirènes d’un Tout-Sauf-Sarko en votant pour la digne héritière de Le Pen comme on jouerait à la roulette russe sur la tempe de ses enfants. D’autres vont s’abstenir. Un quarteron s’obstinera à soutenir la vraie gauche dont le faible score annoncé et l’originalité des propositions (pourtant non radicales mais conformes aux intérêts du pays et de l’écrasante majorité de la population) autorisera le cartel UMPS/MEDIAS à la baptiser « Gauchiste », « Extrême-gauche ».
En annonçant qu’une cause est perdue d’avance, on désespère ses militants, on affaiblit le discours de son leader, on construit la défaite de ses idées.
Déni de démocratie, manipulation des esprits : la loi électorale le permet.
Consternés par les autres électeurs qui « ne comprennent rien », qui « n’en ont pas encore assez bavé », les saturés d’alternances molles se résignent devant une tendance lourde préfabriquée par l’annonce de l’écrasement de leur candidat en concurrence sur son terrain avec une puissance invincible, un mastodonte dont le poids a été scientifiquement évalué et auquel le gros des électeurs populaires vient de se rallier, des mois avant le début de la campagne électorale, un an et demi avant le scrutin dont on se demande s’il est encore nécessaire.
3- Le complice. Par usurpation du vocabulaire, abus d’usufruit, hold-up sur la langue, détournement d’héritage, faux et usage de faux, exploitation de la crédulité publique, dissimulation de ses reniements à répétition, glissements reptiliens sous les feuilles des journaux, camouflage de ses accointances avec les bourreurs de crâne, le complice sera le parti dit « socialiste » qui contredit de facto Jaurès sur le moindre mot par lequel celui-ci définit le socialisme. Ce parti, dont les idées et surtout la pratique sont contournées sur leur gauche par celles du général De Gaulle dans le domaine de l’indépendance de la France, de la défiance envers la Bourse, des préventions envers l’argent et même sur l’opportunité d’approuver des lois favorables au salariat, va jouir d’un deal implicite. Il accepte, en démocrate républicain, les victoires d’une droite qui accepte à l’occasion les siennes, dans une alternance qui rend impossible la victoire de la gauche à laquelle il n’appartient encore qu’aux yeux de gogos.
Donc, dans un contexte de décervelage médiatique et de sondages médefiens, le PS va organiser des primaires, vote truqué où chacun peut décider pourvu qu’il ait un euro en poche, seul Sésame nécessaire, par lequel madame et monsieur Lambda vont faire officialiser par un PS consentant le choix dicté par la droite. Voici, dès lors, que sonne l’heure du fonctionnaire le mieux payé du monde, directeur du FMI par la grâce d’un président de droite français avec l’accord d’un président des Etats-Unis d’Amérique. Si ce n’est lui ce sera son frère ou une de ses soeurs, car elles ne manquent guère, les roues de secours des oligarchies : Ségolène Royal, François Hollande, Martine Aubry, Bertrand Delanoë et les autres qui se tiennent en embuscade, brûlants, non pas de servir la France mais d’être servis par elle.
Le (chaud) lapin sort du chapeau.
Si c’est DSK (le pire des moins souhaitables), nous allons découvrir son talent oratoire, sa connaissance des dossiers, sa virtuosité dans le maniement de la langue anglaise, sa vivacité d’esprit, sa fibre sociale, la beauté et l’intelligence de son épouse. Un gros renard libre va entrer dans le poulailler libre de la République, applaudi par les corbeaux sur leur arbre perchés et par quelques poules chavirées par son pelage (ne parlons pas de sa queue afin de ne pas multiplier les allusions superfétatoires dans cette démonstration).
Il va entrer et chacun devra le fêter. Lui seul peut nous débarrasser de Sarkozy, lui seul peut arrêter le grignotage de tous les acquis sociaux, lui seul peut faire baisser le chômage, sauver nos retraites et la sécurité sociale, assurer l’avenir de nos enfants. Il va le promettre.
Refuser ce sauveur, c’est laisser cinq ans de plus les clés de tous les poulaillers à la hyène affamée dont même les siens se méfient et rougissent. Quiconque à gauche refuse de choisir est complice du carnage sarkoziste à venir. Le mauvais votant, l’abstentionniste écoeuré auront gagné le droit de se taire pendant cinq ans, profil bas.
Mais tel qui aura voté pour ce prédateur gourmand pourra toujours avouer que ce fut une erreur. Mieux : qu’il a été trompé. Trompé par les médias, par les sondages, par les éléphants du PS. Ni responsable ni coupable : victime. Acquitté, donc. Sans doute faudrait-il même le consoler, baderne bernée à répétition. Et ne l’avons-nous jamais été nous-mêmes ? Et Jésus n’aima-t-il pas Judas ?
A droite et à gauche, l’adaptation politique du « pari de Pascal » imposerait donc de voter pour DSK (ou pour un des comparses de l’appareil du PS).
- Pour l’électorat traditionnel de la gauche, c’est ça ou 5 ans de culpabilisation. L’embrouille a pour noms : « Le vote utile » et « Le syndrome du 21 avril ».
- Une frange de la bourgeoisie, mécontente des prestations du personnel UMP votera pour un nouveau majordome (DSK dispose d’excellents états de service dans la plus sérieuse des maisons) dès le premier tour et une masse plus compacte encore au second, assurant, (malgré la défection d’électeurs de gauche) son élection contre « Casse-toi pov’con » au grand désespoir de l’électorat populaire de la droite qui n’aura pas compris, parce qu’on ne pouvait pas l’en informer, que la pancarte PS était un leurre derrière lequel se cachaient les partisans éclairés d’un Sarkozysme relooké, un moindre mal dont l’élection ne provoquera pas d’amorce de panique à la Bourse, pas de fuite de capitaux, pas un froncement de sourcils de Laurence Parisot et de Barack Obama. Epargnons nous un sentimentalisme déplacé sur le sort des vaincus de l’UMP. Ceux à qui la tâche de reconstruire un parti et un programme ne sera pas impartie seront reclassés par les oligarques dans quelques grandes entreprises, ou par le PS dans quelques sinécures : pas d’ingratitude et pas d’insulte au futur.
Les carottes semblent cuites.
La lourde machine est en branle. Elle a déjà pas mal déblayé le terrain qui devrait mener DSK ou un des siens à l’Elysée. Emberlificoté, tourneboulé, saoulé, le peuple de gauche s’apprête à tirer un but terrible qui le fera bondir de joie avant de s’apercevoir qu’il a enfoncé la cage de son gardien.
Le séjour en cellule de dégrisement durera 5 ans au bout desquels, furieux et à nouveau déçu par le PS, le peuple (en tout cas une partie, celle qui fait pencher la balance) votera à droite, c’est-à-dire encore une fois pour le MEDEF, encore un but contre son camp.
La pieuvre PS.
Le PS est une entreprise tentaculaire aux milliers de succursales. Il tient toutes les régions de France sauf une, des dizaines de conseils généraux, des milliers de mairies dont celles de grandes villes comme Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Strasbourg, Toulouse, celle de la Capitale et celles de nombreuses villes de la banlieue parisienne arrachées (parfois grâce aux voix du centre et de la droite) au PCF avec qui il les gérait. Ces élus, rétribués par l’Etat au prorata de l’importance de leurs fonctions, se comptent pas dizaines de milliers : conseillers municipaux, maires, conseillers généraux et régionaux, sénateurs, députés auxquels il faut ajouter en plus grand nombre encore les salariés des structures administratives qu’ils dirigent. Parce qu’elle a été recrutée par affinités politiques ou simplement parce qu’elle est en dette de reconnaissance après embauche, voici une armée de fantassins dévoués qui fait tourner les boutiques et qui vote et fait voter pour qui assure sa solde.
Les monstres consanguins.
Ajoutons les centaines milliers d’électeurs qui ont un jour ou l’autre rencontré un élu du PS, lui ont serré la main (« Il m’a serré la main ! »), lui ont demandé un service, ont été reçus dans sa permanence et nous avons-là un socle électoral de granit qui, mécaniquement, et quelles que soient les dérives du PS, lui assure au minimum un score électoral à deux chiffres, score à ce jour hors de portée des partis de la vraie gauche pris individuellement. Ajoutons encore que le gros des aides financières de l’Etat allant aux partis les plus forts, le PS est une organisation riche, capable de conduire des campagnes électorales « à l’Américaine », avec locations sans problèmes des salles de réunions et de panneaux publicitaires, défraiement de ses militants appartenant à l’appareil, abondance de tracts et d’affiches multicolores. Enfin, le PS ayant gouverné en alternance ou en cohabitation avec la droite au cours des décennies passées, on ne compte plus, dans sa Direction, les éléphants qui ont occupé des fonctions ministérielles (dont des Premiers Ministres) et qui sont pour cela connus des Français, ce qui donne à leurs apparitions dans les médias un a priori favorable (« On le connaît ! ») qui fait défaut à ses concurrents de gauche moins médiatisés. Ces derniers ont à gagner une crédibilité qui ne va pas spontanément à des nouveaux venus, surtout quand ils contredisent la pensée unique enracinée par « l’UMPS/MEDIAS », ce monstre né de la consanguinité qui parade sur le piédestal de ignorance de ce que fut le « Siècle des lumières », extravagance française qui a marqué à jamais le monde en lui offrant les bénéfices d’une époustouflante accélération dans son développement intellectuel et dans la dénonciation des injustices.
Le PS aux pieds d’argile.
Cependant, il serait faux de croire que le PS est un monolithe et que les trahisons du haut, les mensonges, les soifs de pouvoir, l’amour de l’argent, les habitudes des compromissions, sont choses admises par la masse des adhérents et des électeurs. Ceux-là, bien souvent, vibrent à gauche et croient que le soutien au PS est le seul moyen raisonnable de garantir dans ce pays la justice sociale, une équitable répartition des richesses, la sauvegarde des services publics et des acquis sociaux, le recul du chômage, la liberté de l’information, bref, la démocratie hors de l’extrémisme.
Que leur soit révélé qu’une clique de bureaucrates use de l’appareil du PS, de leurs bulletins de vote, de leurs efforts bénévoles pour parvenir au but de toute une vie : le pouvoir, l’argent, les palais, et l’édifice s’écroulera. Le PS est un colosse aux pieds d’argile qui vit sur la mystification permise par la deuxième partie de son nom.
Quiconque a fréquenté des militants et même des élus du PS en dehors de la camarilla qui trône en haut de l’appareil, qui le verrouille et le plie à ses ambitions égoïstes, a pu mesurer chez nombre d’entre eux leur bonne foi, leur dévouement à la chose publique, leur désir d’améliorer les choses et leur certitude d’y contribuer. Et il est vrai d’ailleurs qu’ils y réussissent parfois, apposant ici des cataplasmes qui soulagent, tenant là à distance les sbires locaux de ceux du Château. Pendant ce temps, rue de Solférino, ou dans un grand restaurant, ou dans un discret appartement parisien, ou dans un riad de Marrakech, les Saint-Jean Bouche d’Or, les apparatchiks échafaudent les théories de conquête du pouvoir par combines, coups fourrés, petites phrases qui les démarqueront de leurs concurrents à la fonction suprême. Puisque le discours dominant martèle que les élections présidentielles se gagnent au centre, c’est à qui glissera le plus vers ce marais, tous refusant d’admettre que ce ne fut pas la candidature de Jean-Pierre Chevènement qui ouvrit la boîte à gifles populaire le 21 avril 2007 : c’est Lionel Jospin, déclarant pendant la campagne électorale du premier tour que son programme n’était pas socialiste.
Chérie, j’ai rétréci le peuple !
Le peuple de France, qui se couvrit dans le passé d’une gloire universelle et durable par sa clairvoyance avant-gardiste, pas son audace calculée, est aujourd’hui instruit par des boutiquiers politiques dont les uns disent qu’il faut rendre tout et les autres qu’il faut en restituer des bouts, et surtout pas, en tout cas, la chose est entendue, réclamer une juste part de la richesse du pays, pas même exiger la restitution de ce qui lui a déjà été volé.
Le peuple de France, qui fut admiré du monde entier par ses ascensions vers des cimes inviolées, est convié, par des menteurs qui prétendent parler dans son intérêt et par des couards qui craignent pour la vaisselle dont ils espèrent hériter, à ne pas gravir une marche de plus de l’escabeau, voire à en descendre : ramper est le meilleur moyen de ne pas tomber.
Fous, nous dit-on, les leaders politiques de gauche qui prétendent que ce peuple n’est pas arrivé au bout de son Histoire.
Fou, nous dit-on, ce peuple qui s’engagea, pionner, seul contre tous, au mépris de la logique, des probabilités, de la sagesse, dans les aventures de 1789, 1871, 1936, 1945, 1968, 2005, c’est-à-dire de la Révolution républicaine, de la Commune de Paris, du Front Populaire, de la Libération, de la révolte de masse (étudiante et ouvrière), du non au référendum sur la Constitution européenne. A chacun de ces combats, les prophètes de malheur n’avaient rien vu venir, leurs mensonges avaient fait chou-blanc, le monde fut émerveillé. Partout, sur la planète, des opprimés n’ont cessé d’y puiser des forces pour leurs propres luttes. Sait-on pourquoi sur d’autres continents la Marseillaise est adoptée comme chant populaire par les foules en mouvement ?
L’Histoire de France ne s’est pas arrêtée en 2005.
Les Français ont rendez-vous avec 2012. Les événements d’hier en Amérique latine et d’aujourd’hui dans le monde arabe montrent que l’Histoire obéit parfois à des emballements aussi brusques qu’imprévisibles. Telle situation qui, un jour, paraît figée, immuable, bascule le lendemain. Les roitelets et les aspirants à la succession se retrouvent nus, dévalorisés. Leurs discours ne passent plus, ils pédalent à vide.
Il est possible que telle baudruche déjà virtuellement élue par la conjuration des sondeurs, de la droite, de la fausse gauche et des médias se dégonfle à l’exposé de son programme à ce jour inexistant, mais qui devra bien être soumis à l’analyse.
Par ailleurs, et puisque rien n’est simple, peut intervenir le phénomène de « prophétie autodestructrice » : le fait de prédire l’inéluctabilité d’un événement risque de démobiliser ses partisans qui pensent que leur concours n’est pas indispensable et mobiliser ses adversaires pour le contrecarrer. Il est probable que ce phénomène est intervenu dans la victoire du non au référendum sur la Constitution européenne.
Rien n’est joué. L’électorat, les militants, les élus du PS ne sont pas la propriété de l’État-major de ce parti qui les manipule et qui les trahit comme il a trahi ses mandants. Cet électorat est apte à comprendre que le patron du Fonds Monétaire International et la patronne du Parti Socialiste ayant conclu un pacte pour les présidentielles, le PS est en marche pour un ratissage grand-écartesque, DSK écrabouillant, depuis Washington, toute velléité des pays pauvres de sortir de leur misère, Martine Aubry filant au Forum Social Mondial à Dakar pour assurer les mêmes miséreux de la solidarité du PS. Janus a un pied en Afrique chez les altermondialistes et l’autre aux Amériques chez leur pire ennemi. Une partie du PS donne des coups aux pauvres et l’autre se désole de leurs ecchymoses.
La nomenklatura social-démocrate peut ainsi promettre simultanément d’appliquer une politique ou son contraire. Le vrai candidat 2012 du PS n’est ni Martine Aubry ni DSK, c’est le héros d’une comédie d’Henri Monnier, Joseph Prudhomme qui, recevant un sabre comme d’autres recevront une investiture, jura de s’en servir « pour défendre les Institutions et au besoin pour les combattre ». Cette duplicité commence à percer. L’accroc dans la voile soumise à grand vent annonce une déchirure ne laissant bientôt pendre au mât que d’inutiles lambeaux.
Il n’est pas frais, mon poisson ?
Il est dans notre tradition de nous disputer comme dans un village gaulois, mais dans le passé (cf. deuxième guerre mondiale), tandis que les cohortes de César envahissaient et dévastaient le village, nous ne poursuivions pas forcément la bagarre sur la question de la fraîcheur des poissons d’Ordralfabetix.
La soif de vrai changement existe. Il y manque (provisoirement ?) l’exigence forte, partout clamée, de l’unité, le refus des querelles sur les virgules et de l’exacerbation outrancières des différences, l’abandon des faux prétextes, le renoncement aux audiences ouvertes en permanence au tribunal de l’Histoire où des frères de combat comparaissent en lieu et place de leur parenté morte dont ils n’ont pas à éponger les dettes, l’arrêt des dénonciations des individus pour ce qu’ils furent (et qu’ils ne sont plus). Il y manque de la fraternité et le balayage des détestations contre-productives. Il y manque le regard critique sur des années de divisions, le courage de prendre le risque de la victoire, c’est-à-dire celui d’avoir à gouverner ensemble après avoir trop longtemps lutté séparément contre le FMI, l’OMC, la Banque mondiale, le Parlement européen, la Trilatérale, le groupe Bilderberg, le MEDEF et toute la valetaille politico-médiatique qui exécute leurs ordres, qui porte leur parole et qui nous enjoint de choisir aujourd’hui entre la fausse gauche et la vraie droite, étant entendu que, si les candidats ne sont pas tout à fait bonnet blanc et blanc bonnet, ils se prêtent néanmoins à une rassurante interchangeabilité qui assure la pérennité d’un système qui écrabouille les pauvres et détruit la planète.
« Casse-toi », « Dégage » », « Qu’ils s’en aillent tous ! », ces slogans n’ont de sens que s’ils signifient : « Pousse-toi de là que je m’y mette ! ».
Que je m’y mette ! Et le plus tôt sera le mieux.
Que cette volonté du peuple s’impose aux appareils ou qu’elle passe par dessus eux en une déferlante unitaire, et 2012 verra peut-être ce pays se hisser au zénith de sa gloire et de sa grandeur.
Et le monde entier en sera meilleur.
***
Matthieu Vailland (legrandsoir.info).
Le MEDEF en pince-t-il pour DSK ? (Version 2, corrigée)
2012 : la mystification est dans la 2ème partie du nom du PS
Bref, DSK serait une sorte de Sarkozy de l’extérieur, appliquant au monde entier les recettes que notre président limite à la France.
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