450 millions en contrats sans appels d'offres

Hydro-Québec a accordé plus de 100 contrats négociés de gré à gré avec des firmes d'ingénierie

PLQ - La Grande Braderie des ressources naturelles


Kathleen Lévesque - Hydro-Québec a accordé de gré à gré 450 millions de dollars en contrats à des firmes d'ingénierie pour le projet hydroélectrique Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert. Au cœur de cette avalanche de plus de 100 contrats, c'est un consortium formé des firmes BPR, Dessau, Groupe SM et Axor qui a obtenu le plus important, celui de la gérance du projet, pour une somme de 295 millions de dollars sans appel d'offres.
Ce consortium appelé Énergie gérance a été constitué en 2004 de façon concomitante au choix d'Hydro-Québec de confier au secteur privé sa responsabilité de gérer cet important projet hydroélectrique de 5 milliards de dollars. Au début de 2005, le consortium Énergie gérance décrochait le lucratif contrat sans qu'il y ait eu d'appel d'offres public.
Pour le Parti québécois, le recours à des consortiums d'entreprises pose un sérieux problème éthique qui risque d'éliminer la concurrence et provoquer une hausse des prix. «C'est la nouvelle façon de faire de la collusion et d'abattre la concurrence. C'est-à-dire que les gens, au lieu de faire ça de façon secrète, maintenant le font de façon ouverte», a déclaré hier le député péquiste Sylvain Simard en conférence de presse.
Plus tôt en matinée, M. Simard a soulevé la question à l'Assemblée nationale parce qu'il dit voir difficilement comment l'intérêt du public peut être servi de cette façon.
La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a répliqué en après-midi, niant vigoureusement qu'il y ait eu collusion pour ce contrat. «Je commence à avoir mon voyage», a-t-elle pesté, soutenant que le PQ avait été «malhonnête» et avait «manqué de rigueur». Elle a dit que «ce serait la moindre des choses» que le PQ s'excuse.
Une pratique courante qui fait l'objet d'une enquête
La formule des consortiums est une pratique courante dans le monde entier. Il s'agit habituellement d'une alliance limitée dans le temps qui permet à deux ou plusieurs entreprises de regrouper leurs expertises respectives afin de répondre à un appel d'offres pour un projet complexe. Le projet Eastmain comporte un haut niveau de complexité compte tenu de l'ampleur des travaux. Le chantier est en cours et doit s'échelonner jusqu'en 2012. Toutefois, le contrat a été attribué sans que le jeu de la concurrence agisse; il y a eu négociation.
Aussi, la formule des consortiums n'est plus une exception au Québec, même pour des projets relativement simples. Comme le révélait la semaine dernière Le Devoir, la formule des consortiums dans le secteur du génie-conseil fait l'objet d'une enquête au gouvernement.
Un survol rapide du registre des entreprises du Québec permet de dénombrer plus de 200 consortiums, dont certains semblent permanents. Ainsi, la firme Dessau travaille en partenariat avec la plupart de ses principales concurrentes, dont CIMA+, Génivar, SNC-Lavalin et autres Roche et Tecsult. Chaque combinaison, et il y en a des dizaines, ramène à une seule et même personne morale, soit Dessau.
La compétence avant le prix
Pour ce qui est du consortium Énergie gérance, la ministre Normandeau a souligné que «le territoire de la Baie James répond à des dynamiques de main-d'oeuvre particulières et qu'Hydro-Québec y répond de façon particulière depuis les années 70».
Le grand patron du projet Eastmain, Réal Laporte, de la Société d'énergie de la Baie James (SEBJ), a donné une explication qui a fait sourciller sur le fait que le contrat de gérance du projet a été accordé de gré à gré. «Si tu vas en appel d'offres et qu'il y a peu de soumissionnaires, tes prix vont être plus élevés. Tu as deux choix: soit que tu prends les gens qui sont dans ce marché-là et que tu dis: on va négocier une entente satisfaisante et avec un bon prix. Mais l'idée, c'est que ce n'est pas le prix qui est important, c'est la compétence des gens», a affirmé M. Laporte.
Ce contrat accordé au consortium Énergie gérance fait partie d'une longue liste de contrats de plus de 50 000 $ obtenue par le Parti québécois. Les contrats ont été octroyés par Hydro-Québec ou la SEBJ pour le projet Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert.
Après vérification, Le Devoir a compté 109 contrats de génie-conseil accordés entre 2002 et mars 2010 à des firmes ou à leurs filiales, notamment des laboratoires de sols. SNC-Lavalin a raflé 22 contrats, Génivar en a obtenu 16, Tecsult 14 et Dessau 10, sans compter sa participation à Énergie gérance. Tous les contrats ont été négociés. Ils totalisent 449 783 344 $, y compris le contrat à Énergie gérance de 295 131 564 $.
Sylvain Simard a laissé entendre que les quatre firmes qui composent le consortium (BPR, Dessau, Groupe SM et Axor) sont «bien connues au Parti libéral du Québec». La ministre Normandeau a laissé tomber que le PQ est également lié à ces firmes qui le «financent», avant de préciser qu'il s'agissait plutôt de ses dirigeants.
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Avec la collaboration d'Antoine Robitaille


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