CHSLD en PPP

60 millions de plus qu'en mode public

Une étude indépendante estime que le budget d'exploitation devra être rehaussé pour assurer la qualité des services

CHUM


«À ma connaissance, la qualité [des soins et des services au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf] est très bonne», a fait valoir hier le ministre Yves Bolduc, qui juge la formule en PPP «très bonne» et «très acceptable». «Le plus important, ce n'est pas le mode de financement, c'est que les patients soient bien et reçoivent les bons soins.»
_ Photo : Jacques Nadeau - archives Le Devoir


Consultez la synthèse de l'étude signée par la firme MCE Conseils
Louise-Maude Rioux Soucy - Plus cher que prévu, plus onéreux que son équivalent au public, le tout pour moins de services. Une étude indépendante est venue jeter le discrédit hier sur le premier Centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) en partenariat public-privé (PPP) déjà esquinté par les critiques. Le constat étayé en une centaine de pages a rebondi jusque dans les couloirs de l'Assemblée nationale où le ministre de la Santé a défendu ce modèle destiné à faire des petits dans les prochains mois.
Signée par la firme MCE Conseils, l'étude conclut que le budget de 203 millions sur 25 ans consenti au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf ne tient pas la route et devra fatalement être revue à la hausse, soit à 287 millions. D'abord parce que la clientèle va s'alourdir avec le temps, ce qui forcera une bonification des 3,44 heures de soins par jour par patient négocié avec le propriétaire. Le Groupe Savoie avait lui-même soulevé un scénario semblable l'automne dernier.
L'étude commandée par la CSN fait aussi valoir que les bas salaires (les préposés aux bénéficiaires sont payés 12 $ en moyenne, contre 18 $ au public par exemple) devront être rehaussés pour assurer la continuité des soins en ces temps de pénurie. «On note déjà un impact catastrophique sur les salariés et les patients, dénonce Guy Laurion, vice-président de la FSSS-CSN. Depuis l'ouverture, on évalue le taux de roulement du personnel à 44 %. C'est plus du double de ce qu'on retrouve normalement.»
Le Groupe Savoie, l'Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie comme le ministre Yves Bolduc font valoir que le CHSLD est en rodage pour expliquer ce phénomène qui perdure. Des familles ont déjà témoigné des impacts négatifs de ces tâtonnements sur leurs proches au Devoir cet hiver, et encore hier à l'émission Enquête. À raison, croit Luc Pearson, vice-président régional de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) Montérégie.
«J'ai assisté à la première assemblée syndicale des employés et j'ai entendu des témoignages inquiétants. J'appelle ça le musée aux horreurs», a témoigné M. Pearson hier. Les doléances sont principalement liées à l'inexpérience et aux ruptures de services, qui sont parfois lourdes de conséquences selon le syndicat. En un mois, cinq patients ont subi une fracture de la hanche, un taux anormalement élevé. Pis, ajoute M. Pearson, on a déjà commencé à annoncer des compressions. «Le budget de couches est épuisé, on a donné comme consigne de ne plus changer de couches la nuit.»
Pour l'auteur de cette étude, le conseiller Benoît Bachand, tous ces problèmes dépassent le simple rodage, quoi qu'en dise le Groupe Savoie qui affirme que «tout va bien». «C'est un problème structurel qui va perdurer tant qu'on ne va pas casser le moule.» La solution? Rendre les salaires compétitifs avec le public et ramener la proportion de soins infirmiers (30 %) à celle qui a cours au public (35 à 40 %). Un coup de barre d'une cinquantaine de millions.
Au final, MCE Conseils calcule que le CHSLD en PPP coûtera 60 millions de plus aux contribuables que s'il avait été construit en mode traditionnel et géré par le public. Cette conclusion s'inscrit en faux avec une étude publiée en 2009 par Ernst & Young. Celle-ci évaluait que le PPP ferait économiser 98 millions aux contribuables et avait été retenue par Québec pour justifier le lancement de ce projet-pilote.
Benoît Bachand a défendu ses chiffres hier. «Dans cette étude, le comparateur public a été surévalué, et le PPP sous-évalué. Nos chiffres sont plus réalistes», a-t-il dit en rappelant que des clauses d'ajustements ont été ajoutées au contrat, et ce, juste après que l'entente eut été rendue publique. «C'est dire que le coût annoncé est déjà caduc.»
L'Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie n'a pas souhaité commenter les critiques formulées contre le PPP sous prétexte qu'il s'agit d'un choix politique défendu par Québec. Appelé à trancher dans cette guerre de chiffres et de perceptions, le ministre Yves Bolduc a défendu le choix de son gouvernement, qui a déjà quatre projets semblables dans ses cartons.
«À ma connaissance, la qualité [des soins et des services au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf] est très bonne. Le personnel est formé comme partout ailleurs dans le réseau», a fait valoir le ministre Bolduc, qui juge la formule en PPP «très bonne» et «très acceptable». «Le plus important, ce n'est pas le mode de financement, c'est que les patients soient bien et reçoivent les bons soins.»
Quant aux prévisibles augmentations de coûts calculées par MCE Conseils, elles ne devraient pas se matérialiser, croit Yves Bolduc. «Le prix offert est le prix que nous allons payer.» Même avec la pénurie qui risque de forcer le propriétaire à bonifier ses salaires s'il veut stabiliser ses équipes? «Oui. Le mode PPP est un mode clé en main. Ça devient le problème du propriétaire.»
L'argumentaire n'a pas convaincu le député de Québec solidaire, Amir Khadir, qui a pressé le gouvernement de se débarrasser de ce «modèle inefficace et coûteux». «L'objectif de profit des promoteurs privés est incompatible avec une saine gestion des finances publiques et possiblement avec la qualité des soins. L'expérience du CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf nous le prouve une fois de plus.»
Son plaidoyer a été repris par la Coalition Montérégie sans PPP. Devant cette nouvelle «preuve de l'inefficacité des PPP», ses membres demandent à Québec d'annuler les appels d'offres en cours pour revenir au mode traditionnel. Autrement, ce sera encore à la population d'assumer les risques en matière de coûts et de soins, tandis que le promoteur privé encaissera les profits, arguent-ils. «La population de la Montérégie mérite mieux que des projets coûteux et mal planifiés.»


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