7384$ par semaine Mme Francoeur

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«Hautement indécent !»


La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Diane Francoeur, est allée pleurnicher hier sur le « dénigrement » de ses membres, dans la foulée du rapport dévastateur de la vérificatrice générale sur la rémunération des médecins québécois.

Je la cite : « Combien vous pensez que ça vaut, un médecin spécialiste ? Est-ce que ça vaut moins qu’au Nouveau-Brunswick ? Qu’à Terre-Neuve ? Y a une publication de l’ICIS [Institut canadien d’information sur la santé] y a à peine un mois qui montrait qu’on était au milieu du peloton. Je ne pense pas que les médecins spécialistes québécois devraient être moins payés que le reste de la moyenne canadienne […] alors si vous pensez qu’on devrait être payés moins que le reste du Canada parce qu’on est québécois, je ne partage pas votre opinion. »

La lobbyiste en chef de la FMSQ répondait à une question d’Ariane Lacoursière, reporter santé à La Presse, qui lui demandait ce qu’elle dirait aux Québécois qui pourraient penser que les médecins sont « trop » payés…

Vous voulez jouer à ça, Mme Francoeur ?

Au jeu de la comparaison avec le reste du Canada ?

Parfait. Jouons.

Salaire moyen au Canada : 935 $ par semaine, soit 48 620 $ par année. Salaire moyen au Québec : 849 $ par semaine, soit 44 148 $.

De la moyenne, marchons vers la médiane, comme dans médiane du revenu familial au Québec : 68 000 $. Au Canada : 76 000 $. Dans la queue de peloton du revenu familial médian, seuls Terre-Neuve-et-Labrador et le Nouveau-Brunswick sont derrière nous.

La société québécoise est plus pauvre que la « moyenne canadienne ». C’est un constat, pas un éditorial.

Cette pauvreté (relative) du Québec se reflète dans plusieurs indicateurs, comme celui des revenus que j’évoque ci-dessus. Les Québécois paient leurs maisons moins cher que les Canadiens. Les enseignants québécois sont payés moins cher que la moyenne des enseignants canadiens. Et ainsi de suite, dans plusieurs domaines.

Mais les médecins omnipraticiens et spécialistes ont – bizarrement – gagné une révolution des idées quand ils ont réussi à imposer l’urgence de leur accorder la parité avec la moyenne canadienne, en matière de rémunération, dans les années 2000.

Je n’ai jamais compris pourquoi une province moins riche que la moyenne, comme le Québec, devait consentir à ses médecins la moyenne de la rémunération canadienne. Au nom de quoi, franchement ?

Oui, les médecins devraient être parmi les travailleurs les mieux payés d’une société. Mais ils devraient être payés selon la proverbiale « capacité de payer » de ladite société. Et les médecins québécois vivent dans la société québécoise, pas dans « la moyenne canadienne », un étalon arbitraire et magique auquel on peut faire dire n’importe quoi, quand on a les bons lobbyistes.

Peut-être que Mme Francoeur est à ce point divorcée du réel qu’elle ne comprend pas qu’il est parfaitement exceptionnel de gagner 384 000 $ par année, rémunération moyenne des médecins spécialistes (donnée datant de 2014) qu’elle représente. Surtout dans une société où le travailleur moyen gagne annuellement 44 148 $.

Et vous, vous osez parler de « dénigrement » ?

Vous n’êtes pas moyennement indécente, Madame, vous êtes hautement indécente : 384 000 $, c’est 7384 $ PAR SEMAINE. C’est 6535 $ de plus que ce que gagne le Québécois moyen.

On dit merci, Mme Francoeur. Surtout que contrairement aux médecins, le salarié québécois moyen n’a pas gagné le droit de s’incorporer pour payer moins d’impôts… lui.

Depuis plusieurs années, le Québec marine dans l’espoir du déficit zéro. En ce début de XXIe siècle, c’est ça notre projet de société à nous, Québécois : « balancer » le budget. Pour y arriver, à peu près tout le monde a eu à faire un effort, à faire « sa juste part ».

Quel est le sacrifice des médecins, Mme Francoeur, en cette ère d’austérité permanente ?

À part consentir généreusement à étaler dans le temps leurs généreuses hausses de salaires, je ne vois pas.

L’EXPERT

Dans ma dernière chronique sur les médecins, je faisais écho aux propos de Damien Contandriopoulos, expert universitaire en rémunération des médecins. Son point de vue sur les sommes forfaitaires rétroactives accordées aux médecins a été attaqué. Il est vrai qu’une seule année, en 2004, les omnipraticiens ont pu recevoir des paiements rétroactifs parce qu’il restait des sommes dans l’enveloppe de la rémunération des omnis. La chose est soulignée dans le rapport de la VG, entre autres horreurs.

J’aurais apprécié que l’expert fasse cette nuance. Maintenant que je la fais, ça ne change rien au fond des choses : cette rétroaction consentie en 2004 – un privilège qui n’a pas d’équivalent chez d’autres travailleurs de l’État – illustre à merveille à quel point les enveloppes consacrées à la rémunération des médecins québécois sont magiques…

Jamais vides, à peu près jamais contrôlées, elles ont toujours préséance sur les autres dépenses du réseau, elles sont toujours en croissance. C’est ce que décrit le rapport de la vérificatrice générale, quand on le lit attentivement. Si ce ne sont pas des enveloppes magiques, je ne sais pas ce qu’est la magie.


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