À la prochaine crise

Dysfonctionnel. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire le gouvernement américain à l'heure actuelle.

Crise mondiale — crise financière



Les membres du Congrès ont mis fin au psychodrame du défaut de paiement des États-Unis en adoptant par une majorité somme toute confortable l'accord qui permet de relever le plafond de la dette fédérale. Mais ils ont voté en se pinçant le nez, ont-ils précisé chaque fois que l'occasion leur en était donnée.
Tous les sénateurs et représentants qui se sont résignés à appuyer cet accord l'ont qualifié de «compromis douloureux». Mais disons que la souffrance est loin d'être également répartie.
Pour les démocrates, cet accord permet, au mieux, de passer à autre chose. En premier ce chômage de 9,2% dont la persistance menace la réélection de Barack Obama. Mais en pilant sur leurs principes pour arriver à ce fameux compromis, les démocrates ont uniquement sauvé les meubles.
Pour les républicains, et surtout ceux affiliés au Tea Party, cet accord représente une victoire politique sur toute la ligne. Et cela, même si certains Américains se souviendront qu'ils se sont comportés en cowboys en menant le pays au bord du précipice.
John Boehner, président de la Chambre des représentants, a même eu le culot de dire, sur les ondes du réseau CBS, qu'il avait obtenu «98% de ce qu'il recherchait» !
Il ne faut donc pas se surprendre si les démocrates emploient aussi souvent le mot compromis. Ils cherchent tant bien que mal à dissimuler leur échec.
Cela aurait pu se passer autrement.
Le relèvement du plafond de la dette fédérale est une formalité en vertu de laquelle le gouvernement s'engage à payer ses factures. Mais ces négociations teintées de partisanerie sont devenues de plus en plus acrimonieuses, au cours des dernières années. Avec un Congrès sous influence Tea Party, il était clair que cette discussion prendrait cette année une autre tournure. D'autant que le fardeau exorbitant de la dette fait presque consensus aux États-Unis.
Le président Obama a voulu prendre le taureau par les cornes. Il était prêt à considérer des réformes aux grands programmes sociaux qui sont à l'origine de déficits structuraux, des vaches sacrées pour les démocrates.
Barack Obama a ainsi envisagé de relever l'âge auquel les Américains sont admissibles à l'assurance santé universelle Medicare, de 65 à 67 ans. Mais à la seule condition que ces réformes soient assorties de l'abolition d'abris fiscaux et de hausses d'impôt visant les sociétés et les Américains les plus fortunés. Question d'équité, a-t-il plaidé.
L'influent John Boehner avait finalement consenti à une réforme du régime d'imposition qui aurait généré 800 milliards de revenus additionnels au fisc américain dans le cadre d'un ensemble de mesures qui aurait réduit le déficit budgétaire de 4000 milliards US. Ce plan ambitieux était surnommé le «grand bargain».
Mais le président Obama a mal joué ses cartes, selon une reconstitution du Wall Street Journal. Craignant que ce soit insuffisant aux yeux du caucus démocrate, il a réclamé 400 milliards de plus en revenus d'impôts, ce qui a fait dérailler la fragile entente de principe avec Boehner. La porte s'est fermée.
L'accord arraché in extremis dimanche est deux fois moins ambitieux que le «grand bargain». Il vise des économies de 2400 milliards sur 10 ans. Surtout, il ne comporte aucune hausse de revenus pour le fisc, une exigence soi-disant non négociable des démocrates. Pour l'instant, seulement 917 milliards de dollars de coupes ont été identifiés.
Le gros du travail a été pelleté en avant. Il a été confié à un comité bipartite de 12 membres du Congrès. Ce comité a quatre mois pour trouver 1500 milliards en coupes ou en revenus supplémentaires.
Pour forcer ce comité à accoucher d'un consensus, les artisans de l'accord de dimanche ont introduit un mécanisme qui, croient-ils, est contraignant. À défaut d'une entente (ou d'un vote favorable du Congrès sur cet ensemble de mesures à prendre ou à laisser), les budgets militaires et civils (exception faite des grands programmes sociaux) seront automatiquement amputés à parts égales. Ici aussi, donc, aucune hausse d'impôt n'est envisagée.
Les républicains tiennent mordicus à protéger les budgets militaires. Mais à tout prendre, ils préfèrent encore une amputation militaire à une hausse des impôts, qui les horripile. Aussi, les républicains sur ce comité pourraient bien s'asseoir sur leurs mains et se montrer d'une intransigeance totale.
C'est sans parler des discussions sur le budget 2012, qui devront être menées en parallèle. Rappelez-vous qu'en avril, les États-Unis ont évité de peu la fermeture du gouvernement avec un accord de dernière minute pour l'année financière 2011, qui était largement entamée.
Dysfonctionnel. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire le gouvernement américain à l'heure actuelle.
«Nous ne devrions pas avoir à faire face à une catastrophe économique pour forcer les gens de cette ville à se réunir et à faire leur travail. Avec tout ce qui se passe en ce moment, notre économie pourrait bien se passer d'une crise fabriquée de toutes pièces à Washington», a déploré le président Obama lors d'une allocution livrée hier midi après le vote du Sénat.
En effet. Mais à un peu plus d'un an des élections présidentielles, c'est un voeu pieux.
L'agence de notation de crédit Fitch Ratings a maintenu la cote «AAA» des États-Unis hier à la suite de l'approbation, par le Congrès, de l'accord de relèvement du plafond de la dette. Par contre, les avertissements de Standard&Poor's et maintenant de Moody's hantent le pays.
Standard&Poor's, qui a placé la cote des États-Unis sous surveillance, avec perspectives négatives, craint que l'impasse politique ne persiste bien au-delà d'un accord sur le relèvement du plafond de la dette. C'est pourquoi cette agence vient de prévenir le gouvernement qu'une décote d'un cran ou plus pourrait survenir d'ici la mi-octobre.
Mais qui sait? C'est peut-être la crise dont les politiciens de Washington ont besoin pour se retrousser les manches.


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