J’aime bien Jean-François Lisée. J’aime ses mémoires de stratège, de conseiller des princes et de rédacteur de discours marquants. Je ne le connais pas personnellement, mais je le trouve souvent intelligent, brillant et astucieux et je devine qu’il aime qu’on le trouve intelligent, brillant et astucieux. J’aime la pincée d’humour avec laquelle il assaisonne ses textes.
J’aime Jean-François Lisée quand il joue à la mère poule du mouvement souverainiste et qu’il déploie en caquetant ses ailes droite et gauche pour s’assurer que tous les petits poussins souverainistes ne s’éloignent pas trop et, surtout, ne se picossent pas trop entre eux dans la basse-cour.
C’est du moins ainsi que j’ai interprété son interpellation à mon égard dans son blogue du 18 novembre dernier. En résumé, après avoir rappelé les grands principes de la coalition mise sur pied par René Lévesque lors de la création du Parti Québécois et leur réactualisation par Jacques Parizeau lors de la campagne référendaire de 1995, il se portait à la défense de l’historien Éric Bédard et de l’auteur Mathieu Bock-Côté que j’avais qualifiés de « non indépendantistes » en prédisant que leur parcours politique les menait directement dans le mouvement/parti virtuel de François Legault.
Jean-François Lisée nous assure que Bédard et Bock-Côté sont des indépendantistes conséquents qui ont refusé de se joindre à Legault. J’en suis fort aise et je n’ai aucun problème à ce qu’ils prennent place dans la coalition souverainiste. Ce qui ne m’empêchera pas de critiquer leurs positions, d’autant plus que Lisée nous assure qu’ils ont la « couenne dure ».
Jean-François Lisée profite également de cette chronique pour revenir sur le SPQ Libre et la course à la chefferie de 2005 à laquelle j’ai participé comme candidat. Il propose également les thèmes qui, pour les souverainistes, devraient être au cœur de la prochaine campagne électorale et il déclare que le Parti Québécois ne devrait « dans aucun cas être inhibé d’avancer des propositions progressistes » et il réfère aux positions qu’il a proposées dans son livre Pour une gauche efficace (Boréal).
Je profiterai donc de l’occasion pour commenter certaines de ces positions. Mais, d’abord, réglons la question du SPQ Libre et de la course à la chefferie du Parti Québécois.
Le SPQ Libre
J’aime le Jean-François Lisée qui a salué en 2005 la création du SPQ Libre (une preuve que la gauche traditionnelle peut avoir des idées novatrices).
J’aime aussi le Jean-François Lisée qui a produit une des meilleures analyses des causes de l’expulsion du SPQ Libre. Je cite sa chronique du 14 mars 2010 :
Ne me comptez pas parmi ceux qui applaudissent la disparition du SPQ libre. J’avais au contraire applaudi la constitution de ce club, lors de sa création en 2005. Le pari de Bernard Landry était, à l’époque, double. Conjoncturel : il voulait retenir au PQ un certain nombre de militants tentés par la nouvelle aventure de Québec Solidaire. Structurel : il souhaitait ouvrir des espaces de débat au sein du parti, en permettant la naissance de plusieurs clubs autorisés. Or l’échec de ce système n’est pas celui du SPQ libre, encore fort de 400 militants. C’est l’échec du système des clubs. Pour qu’il fonctionne, il aurait fallu un club écologiste, un club des souverainistes-lucides à la Facal, un club de la laïcité, un club des anglos indépendantistes, etc., etc. Cette diversité au sein de la coalition qu’est le parti indépendantiste aurait permis à la fois aux militants qui ont une sensibilité politique forte d’avoir un lieu de convergence et de débat, ouvert sur la partie de la population qui partage cette sensibilité. Bref, d’être à la fois incubateur et vitrine. Face au chef, le système des clubs donne une marge de manœuvre aux tendances au sein du parti. Leur existence est la preuve que la discussion et la dissidence sont permises, pendant toutes les étapes du débat. Lorsque le parti a tranché, et a fortiori pendant les campagnes électorales et référendaires, tous poussent cependant dans la même direction. Le système ne peut cependant fonctionner que si les clubs — au pluriel — offrent une diversité de vues qui, grosso modo, s’équilibrent au sein du parti. Dans la mesure où le SPQ Libre est seul à avoir fait son travail — exister — une dynamique de face-à-face s’est développée entre lui et la direction du parti. |
J’ajouterais que le système des clubs ne pouvait fonctionner qu’avec un chef ouvert à l’expérience comme l’était M. Landry. André Boisclair n’en voulait pas. Surtout pas du SPQ Libre. Au contraire, s’inspirant de Tony Blair qui avait rompu avec les organisations syndicales britanniques pour instaurer son « New Labour », André Boisclair a cherché à provoquer une confrontation avec le mouvement syndical en pensant qu’il pourrait ainsi rejoindre la clientèle adéquiste.
Il aurait eu ainsi les mains libres pour nous infliger le programme de droite que son principal conseiller, Daniel Audet, aujourd’hui au Conseil du patronat, a dévoilé peu après la démission d’André Boisclair. (15 idées pour un Québec fort paru dans l’Actualité du 15 septembre et dont j’ai fait la critique dans l’aut’journal du 5 octobre 2007 sous le titre [L’agenda secret de Daniel Audet->9451], Ouf, on l’a échappé belle !
La course à la chefferie de 2005
J’aime bien Jean-François Lisée quand il m’asticote avec mon score de 1,2% lors de la course à la chefferie de 2005. C’est de bonne guerre. Mais, profitons-en pour apporter certaines précisions. Nous n’avions évidemment aucune prétention de pouvoir gagner. Cependant, nous croyions au SPQ Libre – étant donné que c’était une course très ouverte et que nous n’arrivions pas au départ à nous entendre sur une candidature à soutenir parmi celles qui s’étaient déclarées – que l’occasion était belle de profiter de cette tribune pour faire connaître nos idées et rencontrer les membres du parti.
Nous étions conscients que Monique Richard et Marc Laviolette, connus pour avoir présidé la CSQ et la CSN, auraient été de meilleurs candidats sur le plan médiatique. Mais Monique venait d’être élue à la présidence du Parti Québécois et Marc avait des obligations syndicales qu’il ne pouvait mettre de côté.
Je me suis donc résolu à plonger. (Transparence totale : en prenant un congé de trois mois à mes frais.) J’ai parcouru 15 000 kilomètres, participé à 110 assemblées, débats et rencontres avec des militants du parti. Les idées avancées ont plu à un grand nombre de personnes qui, comme Jean-François Lisée, m’ont déclaré depuis que j’avais fait partie de leur quatre premiers choix.
Mais, il est vite devenu évident que la lutte se ferait entre Pauline Marois et André Boisclair. Pour bloquer Boisclair, nous nous sommes ralliés à la candidature de Mme Marois, tout en demeurant dans la course jusqu’à la fin pour s’assurer que les membres du SPQ Libre aillent voter. Si la lutte avait été serrée, leur vote de deuxième choix – en faveur de Mme Marois comme nous l’avions recommandé – aurait pu faire la différence.
Le système de votation permettait une plus grande flexibilité dans le vote, en prévoyant l’obligation de voter pour quatre candidats et qu’un candidat devait obtenir 50% des voix plus une pour gagner. Mais cela ne fut pas compris. Le vote se polarisa vite autour des deux candidats vedettes, si bien qu’un candidat avec une feuille de route longue comme le bras comme Louis Bernard ne récoltera que 5,49% des voix.
Je me console donc avec mon 5e rang et mon 1,2%, en me disant que c’est toujours 1,2% de plus que Jean-François Lisée!
(Lundi : À propos de Jean-François Lisée et de la question identitaire)
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