Appui à la lutte étudiante contre la hausse des frais de scolarité et en faveur du droit à l'éducation

La lutte étudiante rappelle le Québec à l’ordre face à ses obligations en matière de droit à l’éducation et nous rappelle que nous avons aussi, tous et toutes, l’obligation de défendre et de promouvoir ce droit dans l’espace public.

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012




L’éducation : un droit humain à respecter, promouvoir et mettre en
œuvre !

En proposant la hausse des frais de scolarité et en prétendant que l’éducation est un
investissement individuel pour lequel les étudiants doivent faire leur « juste part », le
gouvernement de Jean Charest s’attaque de plein fouet au droit à l’éducation tel que
défini par les instruments internationaux de défense des droits humains. Cette
orientation va à l’encontre des objectifs fondamentaux de l’éducation tels que définis
par l’ONU. Elle témoigne également de certaines dérives du système d’éducation
québécois.
Ainsi, la Ligue des droits et libertés s’oppose à la hausse des frais de scolarité et appuie
la lutte que mènent les étudiants du Québec en faveur du droit à l’éducation.

L’éducation : un droit …
L’éducation est un droit humain reconnu dans la Déclaration universelle. Le Canada et le
Québec l’ont reconnu par leur adhésion au Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (PIDESC) en 1976. Cette adhésion leur impose des
obligations précises qui ont été établies par le Comité des droits économiques, sociaux
et culturels de l’ONU.
L’article 13 du PIDESC spécifie que l’éducation vise le plein épanouissement de la
personnalité humaine et du sens de sa dignité. Elle vise également à renforcer le respect
des droits humains.
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dans son Observation générale
no 11 (E/C.12/1999/4,10 mai 1999), détermine que : «Le droit à l'éducation, reconnu aux articles 13 et 14 du Pacte
ainsi que dans plusieurs autres instruments internationaux tels que la Convention
relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes, revêt une importance capitale. Il a été, selon les
cas, classé parmi les droits économiques, les droits sociaux et les droits culturels. Il
appartient en fait à ces trois catégories. En outre, à bien des égards, il est un droit civil
et un droit politique, étant donné qu'il est aussi indispensable à la réalisation complète 2
et effective de ces droits. Ainsi, le droit à l'éducation incarne l'indivisibilité et
l'interdépendance de tous les droits de l'homme».
C’est sur cette base que le Comité a par la suite affirmé dans son Observation générale
no 13 (E/C.12/1999/10, 8 décembre 1993), que : « L’éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de
l’exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. »
… qui impose des obligations aux États en matière d’accessibilité et de
gratuité…

Ces obligations commandent au Québec, en vue d’assurer le plein exercice du droit à
l’éducation de prendre les mesures nécessaires afin que :

• L’enseignement primaire soit obligatoire, accessible et gratuit
_ • L’enseignement secondaire soit généralisé et rendu accessible notamment par
l’instauration progressive de la gratuité
_ • L’enseignement supérieur soit rendu accessible à tous et toutes en pleine égalité en
fonction des capacités de chacun, notamment par l’instauration progressive de la
gratuité.

Or, les frais divers variés et croissants qui sont exigés au niveau primaire et secondaire
ainsi qu’au CEGEP (lequel ne peut exiger de droits de scolarité mais multiplie par ailleurs
les frais de «gestion» et d’«administration» de toutes sortes), vont au-delà de la
capacité de payer d’une bonne partie des familles québécoises. On peut donc affirmer
que les citoyen-ne-s du Québec ne jouissent pas pleinement de ce droit à l’éducation
accessible et gratuite. Les frais afférents constituent un recul percutant qui n’est pas
sans effet sur la possibilité d’atteindre le niveau universitaire. On voit s’ériger une
barrière économique de plus en plus difficile à franchir pour de plus en plus de
personnes, issues non seulement de familles à faible revenu mais aussi de familles à
revenu moyen. Le Comité des droits économiques sociaux et culturels souligne à cet
égard dans son Observation générale no 13 que les frais d’inscription imposés par le
Gouvernement, les collectivités locales ou les établissements scolaires, et d’autres frais
directs, sont un frein à l’exercice du droit à l’éducation.
Quant à l’université, la hausse annoncée des droits de scolarité est en flagrante
contradiction avec l’obligation d’instaurer progressivement la gratuité. Le droit à
l’éducation et son accessibilité gratuite ne sont pas simplement un « but souhaitable » à
atteindre, mais bien un droit qui doit être respecté, protégé et mis en œuvre par les
États parties au PIDESC. Le gouvernement du Québec manque à ses devoirs de résultats exigés par l’article 13 du PIDESC et emprunte la voie opposée à ses obligations légales :
la hausse programmée des droits de scolarité à l’université, sans parler du laisser aller
général devant la multiplication des frais de toutes sortes à tous les niveaux
d’enseignement, n’est rien d’autre que la destruction progressive de la gratuité et la
marche forcée vers une marchandisation progressive de l’éducation et d’exclusion d’un
plus grand nombre des études universitaires.
Mentionnons qu’en 2006, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de
l’ONU avait condamné le Canada à propos de l’effet discriminatoire qu’avait depuis
1998 l’augmentation des frais d’études sur les personnes à revenu modeste dans
nombre de provinces et territoires et ce malgré les mesures de soutien financier mises
en place. Quant à l’argument du budget disponible pour progresser vers la gratuité des
études universitaires, le Comité avait indiqué que « les Canadiens ont un niveau de vie
élevé et le pays a les moyens de leur assurer dans une large mesure la jouissance de
tous les droits énoncés dans le Pacte ».
Ajoutons à cet argument le fait que d’autres sociétés comparables à la nôtre ont fait le
choix de la gratuité, notamment la Finlande. On peut d’ailleurs, à la lumière d’autres
chiffres que ceux que nous livre le gouvernement du Québec, constater jusqu’à quel
point le discours de ce gouvernement est trompeur. Ainsi, selon les pays comparés, les
frais de scolarité imposés au Québec peuvent paraître être les plus bas (comparés à
l’Australie, le Japon ou les États-Unis), ou les plus hauts (comparés à la France, l’Espagne
ou les Pays-Bas)…
De plus, le débat actuel aurait été davantage respectueux de l’exercice des droits
humains et la tension sociale actuelle éventuellement évitée si les gouvernements
successifs avaient accepté d’engager la réflexion soumise par la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse lors de son Bilan des 25 ans de la Charte en
2003. Ce bilan proposait d’effectuer un saut qualitatif quant aux droits économiques,
sociaux et culturels énoncés dans la Charte en leur reconnaissant une portée
équivalente aux autres droits. On y proposait également d’insérer le droit à l’éducation
en lieu et place du droit à l’instruction publique qui se limite aux niveaux primaires et
secondaires. 36 ans après la ratification du PIDESC par le Québec, il serait grand temps
d’insérer dans notre droit interne les obligations auxquelles l’État québécois s’est
engagé à l’égard des droits économiques, sociaux et culturels.
…en matière de formation de base…pour tous et toutes, même les
adultes…

Et pourquoi ne pas traiter également ici d’un autre volet du droit à l’éducation pour
lequel le Québec doit aussi être rappelé à l’ordre. Le PIDESC exige en effet que
l’éducation de base soit encouragée ou intensifiée pour les personnes qui n’ont pas reçu
l’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme. Mentionnons de plus
que le droit à l’éducation est le droit de « toute personne » et que cela implique que les
obligations du Québec en matière d’éducation concernent également les personnes qui
ont dépassé l’âge de la scolarité obligatoire. Ces obligations visent donc également
l’éducation aux adultes. Or, dans une société développée où la richesse est répartie de
manière très inéquitable comme la nôtre, l’analphabétisme, notamment, demeure très
présent et le Québec ne répond pas, encore une fois, à ses obligations de résultats.
…et en matière de libertés académiques
La Ligue rappelle aussi l’importance de la protection des libertés académiques que le
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dans son Observation générale no
13, considère comme une des conditions de réalisation du droit à l’éducation. L’exercice
de ces libertés académiques réclamées par le Comité, tant pour le personnel enseignant
que pour les étudiant-e-s, nécessite l’autonomie et l’indépendance des établissements
d’enseignement supérieur. Elles ne doivent pas être sapées par les pressions politiques,
économiques ou autres. La tendance à la privatisation par le biais du financement des
institutions universitaires vient pourtant mettre à mal ces libertés essentielles. Cette
tendance tacite à la privatisation finit par imposer des orientations à la recherche
universitaire qui devient de plus en plus instrumentalisée et engendre un délaissement
des savoirs qui ont une « moindre valeur marchande ». Les objectifs fondamentaux du
droit à l’éducation et les finalités de l’université sont ainsi trahis par la gouvernance des
établissements et la vision managériale qui investit l’enseignement supérieur, œuvrant à
la colonisation du savoir par la loi du marché.
Défendre le droit à l’éducation : une obligation pour tous et toutes
Toutes ces dérives finissent par détourner l’éducation de son rôle et de ses objectifs et
mènent à des violations du droit à l’éducation. La priorité de l’investissement collectif
est supplantée par une vision individuelle et clientéliste de l’éducation, surtout
universitaire. Or, plusieurs pays, comme on le sait, ont déjà mis en place la gratuité
scolaire et en tirent des bénéfices énormes. L’éducation est un droit pour toute
personne, mais elle est aussi un bien collectif pour toute société qui veut assurer et
renforcer sa vie démocratique et qui permet de favoriser l’exercice de l’ensemble des
droits humains de tous et toutes.
La lutte étudiante rappelle le Québec à l’ordre face à ses obligations en matière de droit à l’éducation et nous rappelle que nous avons aussi, tous et toutes, l’obligation de défendre et de promouvoir ce droit dans l’espace public.


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