Argentine: les marchés nerveux face au spectre du défaut de paiement

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Vers une crise inflationniste sur fond d'insécurité économique


BUENOS AIRES | Les marchés sont restés très nerveux mardi face à la situation politique en Argentine, où le spectre du défaut de paiement, comme en 2001, a refait surface avec la déroute électorale du président libéral Mauricio Macri, signe du rejet par la population de la politique d’austérité actuellement menée.


Après la défaite de M. Macri aux élections primaires de dimanche, considérées comme une répétition générale avant le scrutin présidentiel d’octobre, le peso a de nouveau baissé mardi, perdant 1,77% par rapport au dollar à la clôture du marché des changes.


La Banque centrale argentine est intervenue en vendant une grande quantité de dollars pour atténuer la baisse, qui s’établissait à -3,01% à la mi-journée.


La monnaie locale, marquée par la volatilité, s’échangeait mardi soir à 58,33 pesos pour un dollar, contre 57,30 à la clôture lundi soir. Signe de la méfiance des investisseurs, le peso s’était effondré de 18,76% lundi, faisant craindre un retour de la flambée des prix dans le pays.


De son côté, la Bourse de la troisième économie d’Amérique latine a vigoureusement rebondi de 10,22% à la clôture après s’être effondrée de 37,93% lundi.


La crise de confiance se reflétait aussi dans la forte hausse du «risque pays» de l’Argentine mesuré par JP Morgan. Cet indice évalue la possibilité que l’Argentine soit mauvais payeur, en se basant sur différents indicateurs économiques.


Après avoir fait un bond à 1.467 points (+68,23% par rapport à vendredi), cet indice grimpait à 1607 d’anbapoints mardi, soit son niveau le plus élevé de ces 10 dernières années.


Il «est similaire à celui du Mozambique en 2016 et à celui de l’Argentine pour la période 2001-2002, quand elle s’était déclarée en défaut» de paiement, a écrit mardi le cabinet d’analyse financière Capital Economics.


En 2001, le pays sud-américain, incapable de faire face aux échéances de remboursement de sa dette, avait connu le plus important défaut de paiement de l’histoire et une grave crise économique et sociale qui avait traumatisé les Argentins et les marchés.


Selon Capital Economics, «la chute des marchés argentins et la possibilité de plus en plus grande d’un virage à gauche lors du scrutin présidentiel d’octobre ont ravivé les craintes d’une cessation de paiement» en Argentine.


«Ce n’est qu’un avant-goût de ce qui va arriver (...) Beaucoup de gens ne vont pas laisser leur argent dans ce pays, et vont s’en aller. C’est terrible ce qui peut arriver», a prédit pour sa part M. Macri lundi, appelant à ne pas «revenir au passé».


«Je ne vais pas déclarer la cessation des paiements. Je ne veux pas tomber en défaut, d’aucune façon, ça coûte très cher de sortir du défaut», a cherché à rassurer Alberto Fernandez, le grand vainqueur des primaires, dans un entretien à Net TV.


«Avant-goût»


«C’est Macri qui nous a laissés en défaut. Si le Fonds monétaire international (FMI) n’était pas venu à notre secours, l’Argentine serait en défaut et l’utilisation qu’a fait Macri des fonds est pathétique. Celui qui crée le sentiment d’instabilité, c’est Macri», a-t-il plaidé.


Alberto Fernandez, un péroniste modéré, et sa colistière Cristina Kirchner, l’ancienne présidente de centre gauche inculpée dans plusieurs affaires de corruption, ont obtenu dimanche 47% des suffrages aux primaires, contre 32% pour le tandem composé de Mauricio Macri et du dirigeant péroniste Miguel Angel Pichetto.


Si un tel résultat se confirmait lors de la présidentielle du 27 octobre, M. Fernandez, 60 ans, serait proclamé vainqueur dès le premier tour: selon la loi électorale, pour être élu, il faut obtenir au moins 45% des suffrages, ou bien 40% et une avance de 10 points sur le deuxième.


«La victoire de Fernandez traduit une demande de changement, particulièrement en termes de politique économique», a estimé Daniel Kerner, directeur pour l’Amérique latine chez Eurasia Group. «Cela signifie qu’il y aura une forte pression pour le changement même avant la fin du mandat de Macri, par exemple en matière de politique monétaire et fiscale. (...) Cela deviendra encore plus urgent si la réaction du marché est négative et que cela aggrave davantage la situation économique», a-t-il ajouté.


Pour l’heure, le chef de l’État n’a annoncé aucune mesure, se limitant à indiquer que son équipe était au travail.


Submergée par deux crises monétaires en 2018 ayant fait perdre 50% de sa valeur à sa monnaie, l’Argentine a appelé le FMI à la rescousse pour obtenir un prêt de plus de 57 milliards de dollars en échange d’une cure d’austérité budgétaire. Les premiers remboursements sont prévus en 2021.


Le recours au FMI en 2018 intervenait 12 ans après le remboursement anticipé de 10 milliards de dollars, en 2006, quand l’ex-président Nestor Kirchner avait décidé de rompre avec le Fonds. À cette époque, le prix du soja et les matières premières agricoles qu’exporte l’Argentine flambaient sur les marchés internationaux.