Le président chilien Sebastian Piñera réunit mardi les partis politiques pour tenter de trouver une issue à la violente crise sociale qui secoue le Chili depuis cinq jours et a fait quinze morts.
Alors que de nouvelles manifestations et des grèves étaient annoncées, le président conservateur qui jugeait dimanche son pays « en guerre » a changé de ton. Lundi soir, dans un message à la nation, il a annoncé une réunion avec l’ensemble des forces politiques.
« Demain, je rencontrerai les présidents des partis, aussi bien du gouvernement que de l’opposition, pour explorer et j’espère avancer vers un accord social qui nous permette de nous rapprocher tous unis, avec rapidité, efficacité et responsabilité, de meilleures solutions aux problèmes qui affectent les Chiliens », a déclaré le chef de l’État.
Les quelque 7,5 millions d’habitants de Santiago ont passé une troisième nuit sous couvre-feu, de 20 h à 6 h (heure locale).
Le bilan des morts dans des incendies et des pillages est monté à quinze mardi, dont 11 dans la région de la capitale et quatre dans le reste du pays.
« Nous avons un total de 15 morts dans le pays, dont 11 dans la région de Santiago, survenus lors d’incendies et de pillages principalement de centres commerciaux », a déclaré à la presse le sous-secrétaire à l’Intérieur Rodrigo Ubilla. Parmi les personnes tuées hors de la capitale, trois l’ont été par balle, a-t-il ajouté.
239 civils ont été blessés, ainsi qu’une cinquantaine de policiers et militaires, et 2.643 personnes arrêtées.
Lundi soir, l’Institut national des droits humains (INDH), un organisme public indépendant, a indiqué que parmi les blessés, 84 l’avaient été par armes à feu.
Nouvelles manifestations
L’état d’urgence en vigueur depuis vendredi soir dans la capitale est également appliqué à neuf autres des 16 régions du pays. Près de 20 000 policiers et soldats sont déployés. C’est la première fois que des militaires patrouillent dans les rues depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Les manifestations pourraient s’amplifier avec l’appel lancé par la Centrale unitaire de travailleurs (CUT), la plus grande confédération syndicale du pays, et 18 autres organisations à des grèves et manifestations mercredi et jeudi à Santiago.
Les syndicats de la santé publique ont également annoncé pour cette semaine une grève et des protestations devant le ministère de la Santé.
Les manifestations ont débuté vendredi pour protester contre une hausse du ticket de métro. La mesure a été suspendue par le président, mais les émeutes se sont poursuivies, nourries par la colère face aux conditions socio-économiques et aux inégalités.
Dans ce pays de 18 millions d’habitants loué pour sa stabilité économique et politique, l’accès à la santé et à l’éducation relèvent presque uniquement du secteur privé.
« Ce qui se passe n’est pas lié à la hausse de 30 pesos du prix du métro, mais à la situation depuis trente ans. Il y a les retraites, les queues au dispensaire, les listes d’attente à l’hôpital, le prix de médicaments, les bas salaires », explique à l’AFP Orlando, 55 ans, venu lundi manifester à bicyclette.
La plaza Italia jonchée de débris
Tôt mardi, l’AFP a observé des rues désertes à Santiago, avec des véhicules militaires patrouillant sur les avenues et des convois de policiers. Les forces de l’ordre vérifiaient les papiers des automobilistes pour s’assurer qu’ils avaient l’autorisation de circuler malgré le couvre-feu.
Des incendies et pillages se sont encore produits durant la nuit ainsi que des manifestations isolées, dispersées par les forces de l’ordre.
La plaza Italia, épicentre des manifestations dans la capitale ces derniers jours, était comme les rues adjacentes jonchée des débris utilisés par les manifestants pour monter des barricades.
Des milliers de personnes s’étaient réunies la veille sur la place, tapant sur des casseroles ou criant « le Chili s’est réveillé! ». Malgré quelques échauffourées, la manifestation à Santiago s’est globalement déroulée dans le calme, mais des heurts ont éclaté à Valparaiso, Concepcion ou Maipu.
Après avoir tenté la veille de reprendre leurs activités, avec de longues files d’attente pour s’approvisionner alors que des dizaines de supermarchés et de stations-service ont été saccagés ou incendiés, les Chiliens se préparaient à une nouvelle journée d’incertitude mardi.
À Santiago, le métro qui transporte quotidiennement quelque trois millions de personnes est fermé depuis vendredi après le saccage de 78 stations et des dégâts évalués à plus de 300 millions de dollars. Une seule des sept lignes fonctionnait mardi et plus de 4000 bus ont été déployés pour faciliter le transport des habitants.
Les cours ont été suspendus dans la quasi-totalité des écoles et universités de la capitale, mais les hôpitaux fonctionnent normalement.