Il y a un peu plus d’un mois, un article d’Antoine Baby dans Le Devoir (16 août 2014) appelait à un nouvel humanisme pour faire face à l’utilitarisme et à l’omniprésence des objectifs de l’industrie dans nos écoles. L’auteur proposait de baser une éducation humaniste sur l’oeuvre des penseurs des Lumières et des deux derniers siècles. Il apparaît toutefois que le véritable problème ne se trouve pas dans le programme, mais plutôt dans la raison d’être de l’étude des humanités.
L’impression générale est que plusieurs ne voient plus la pertinence d’étudier les classiques, la philosophie, l’histoire, de même que les arts. Voilà pourquoi l’on remet en question plusieurs cours au cégep, comme d’ailleurs l’existence des conservatoires. Pourtant, des publications allant d’études spécialisées à des blogues en passant par des lettres et des chroniques de journaux (ex. : J. Stiglitz, M. Bock-Côté, Réjean Bergeron, etc.) soulignent la nécessité de remettre l’humain au centre des préoccupations de notre société. Il est donc nécessaire d’établir ce nouvel humanisme, tout d’abord en redéfinissant les objectifs et la pertinence de l’étude des humanités et des arts.
Les sciences humaines — chacune à leur façon — développent le souci de la nuance, de l’exactitude des informations, et la finesse d’analyse. Ces compétences nous apprennent à voir que la réalité est toujours plus complexe qu’on ne le croit et nous permettent de penser cette complexité. Cette sensibilisation à ce qui se trouve au-delà des apparences développe encore la curiosité, ainsi que l’humilité de ceux qui savent ne pas tout savoir (Normand Baillargeon, Liliane est au lycée, Flammarion, 2011). Les arts ouvrent les horizons, favorisent d’une autre façon la finesse de la perception et le plaisir d’aller toujours plus loin. L’ensemble de ces facultés est un antidote aux préjugés, au travestissement des données et aux raccourcis intellectuels.
Les sciences humaines et les arts conçus et enseignés en gardant ces objectifs à l’esprit constituent un nouvel humanisme tout à fait adapté à notre époque. Par la curiosité et la nuance exercées aux dépens des préjugés, c’est la véritable rencontre de l’autre qu’elles favorisent. Ce qui s’avère de plus en plus nécessaire dans notre époque de migration et de brassage des populations. Les différents discours et les dérapages qu’on a observés durant le débat autour du projet de charte des valeurs montrent combien elles sont nécessaires. De la même manière, ces disciplines nous permettent de protéger notre intégrité d’humain — de ne pas devenir des travailleurs automates — en nous armant contre la manipulation des discours politiques et économiques, qui carburent souvent aux préjugés, et aux peurs ainsi qu’aux raccourcis intellectuels. La culture générale et les humanités donnent un sens à nos vies, en nous mettant en lien avec nos collègues en humanité, dans le temps et dans l’espace. On reproche parfois à la notion de culture générale d’être un outil d’exclusion. C’est tout le contraire : par la rencontre de l’autre et la protection de l’intégrité de chaque être humain qu’elle favorise, elle est plutôt une force d’inclusion.
Il faudrait que tous les enseignants et professeurs enseignent en gardant ces objectifs humanistes à l’esprit, et qu’ils en soient à tous les niveaux des exemples, de même que les acteurs de la culture, afin de pouvoir mieux résister à ce qui ne semble qu’un début pour le gouvernement Couillard.
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